Archives mensuelles : avril 2010

Caper

Caper.
Verbe transitif.

1. Manquer les cours qu’on devait avoir, faire l’école buissonnière, “sécher” (y compris autre chose que les cours — voir le troisième exemple ci-dessous).

Jamais je n’ai capé l’école quand j’étais petit ! Pas comme certains de mes camarades…

Alors mon Ange, tu cape[s] l’école demain ?” (Forum Ile-Maurice.com.)

Il trouve toujours un prétexte pour caper le bureau.” (Nadia Desmarais, p. 20.)

Mo kontan kap lekol mo bon senier.” (Traduction de Hamlet en créole, Dev Virahsawmy.)

Selon Robillard, qui cite Baker et Hookoomsing, le mot viendrait d’un français dialectal dans lequel caper signifie échapper. En effet, dans un Dictionnaire rouchi-français (Gabriel Hécart, 1834 — le rouchi étant un dialecte de Picardie), on trouve ceci, à la page 159 du fichier en pdf :
ÉCAPER, échapper. De l’espagnol escapar, échapper. « Il a écapé d’ète riche. » Il est pauvre.
Dans ce même dictionnaire on trouve aussi une expression “à l’écapée” signifiant “à la dérobée”.

En outre, en dialecte normand “se caper” peut aussi vouloir dire “se cacher, se mettre sous cape”, “se renfrogner sous cape”. (On pourra par ailleurs penser à l’expression de marine “à la cape”, mettre à la cape voulant dire effectuer une manœuvre, adopter une allure de façon à fuir le mauvais temps, à échapper autant que possible aux assauts du vent et des vagues.)
 
 
2. Mordre.

Ah non, moi je ne passe pas par là. J’ai pas envie que ces chiens-là viennent caper mes fesses.”

Ce sens du verbe caper est souvent utilisé en parallèle avec l’expression foutre cape :

Elle a excité le chien avec un bout de viande qu’elle secouait devant son nez. A la fin il l’a foutue cape.”

On était en train de donner à manger aux poissons à Blue Bay quand un cateau l’a foutu cape dans le pouce.”

Robillard cite Chaudenson cette fois-ci, lequel évoque un “fonds français”.

Oursin sans piquant

Oursin cuirassé dépourvu de piquant :


 
 
Tentative de retournement :


 
 
Il existe donc des oursins qui ne piquent pas, mais une interrogation demeure : en français de France, parle-t-on plutôt d’épines d’oursin ou de piquants d’oursin ?
 
 
 

 
 

 
 
 
 
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(Françoise a bien voulu donner le nom scientifique de cette espèce d’oursin : Colobocentrotus atratus.)

Morris bœuf

Morris bœuf.
Nom féminin.

Morris Minor (modèle de voiture).

On voit encore quelques Morris bœuf qui roulent par-ci, par-là, on se demande comment. Samedi dernier j’en ai vu une grise près de la gare Jan Palach.”

« Sa Morris bœuf, Foo Cheung Ah Voon l’avait achetée en 1968 pour la modique somme de Rs 200. Il espère en tirer plus de Rs 50 000 à sa retraite. » (Quand la «Minor» prend une place majeure, L’Express du 11 août 2007.)

Bœuf se disant bèf en créole, il va de soi que la Morris en question est la plupart du temps appelée “Morris bèf” (“Morris bœuf” est probablement une francisation de l’appellation créole).

Maurice Allet fera, comme d’habitude l’objet de railleries de la part de certains ministres, à commencer par celui des Administrations Régionales qui a, une fois de plus, parlé du ‘coq’ du PMSD pendant que Rajesh Bhagwan évoquait ‘Morris bef.” (Week-End du dimanche 16 octobre 2005.)

Allo

Allo.
Interjection.

Formule de bienvenue à peu près équivalente au “hi” ou au “hello” anglais.

Quand la formule est utilisée de façon enthousiaste, ce qui est assez fréquemment le cas, le ton de la voix monte à la fin du mot, lequel demanderait alors un point d’exclamation à l’écrit : “Allo ! Comment ça va ? Je ne savais pas que tu devais être là.” Dans ce cas, “allo” est perçu comme une marque de surprise — de bonne surprise. Vous tombez sur une connaissance au coin de la rue et la personne pourra vous dire “Allo ! Ki position ? Ça fait un bail qu’on ne s’est pas vu !”, dans un mélange de créole et de français.

L’expression peut aussi être employée de façon plus neutre, sur un ton plat, pour dire un bonjour simple : “Allo Jason, allo Dev.” Dans un registre narratif on peut l’entendre utilisée dans le sens de “bonjour” : “Il ne m’a même pas dit allo quand on s’est croisés l’autre jour à la boutique.”

Comme dans d’autre pays, à Maurice “allo” est aussi le mot servant à introduire un appel téléphonique, y compris de la (mauvaise) manière mauricienne consistant à dire “Allo, qui parle ?” lorsqu’on sonne une personne, ce qui peut être profondément irritant pour la personne appelée. Mais dans une conversation en face à face, lors d’une discussion informelle, l’interjection peut s’entendre lorsqu’une personne rappelle une autre qui a déjà tourné les talons, “allo” étant alors utilisé pour attirer à nouveau son attention, surtout lorsqu’on ne se souviens pas immédiatement de son nom. Plutôt que de dire “Imteeaz ! Au fait, n’oubliez pas de nous envoyer votre dessin”, on dira, informellement, “Allo ! Au fait, n’oubliez pas…”

Allo, Papa Tango Charlie

Allo, allo !

Allo, allo !
Électères, électrices !
Grand Meeting l’Alliance de l’Avenir.
Prendront la parole :
Docteur Navin Ramgoolam,
Docteur Rashid Beebeejaun,
Docteur Vasant Bunwaree,
Docteur Arvin(d) Boolell…

Graffiti passés (2)

Powder House Graffiti

Most graffiti date between 1840 and the 1860s when British troops and officers, mostly from Ireland, rowed out to Ile de la Passe for recreation.

Graffiti include personal names, regiments, numbers and dates, sometimes accompanied by symbols such as the crossed flags of a signal core. Some were cut with stencils, which is why letters are sometimes reversed, and there is an odd mixture of upper and lower case letters in the same name.

There are also a small number of evocative graffiti from WWII, one inscribed on Christmas Day 1944. Unlike most of the recent graffiti, carved or sprayed with total disregard for earlier records and generally lacking any aesthetic quality, these 19th and early 20th century records of men, posted at what must have seemed the end of the universe, are evocative symbols of empire as well as being important historical records.

(Ile de la Passe, The key to the Indian Ocean. A Pocket Guide to the French and British Defences on a Coral Islet, Geoffrey and Françoise Summers, 2009.)
 
 
< Graffiti passés (1)

Le français à l’île Maurice – Dictionnaire des termes mauriciens

Quelqu’un de bien intentionné et de bien inspiré m’a récemment offert un livre publié en 1969 et écrit par une personne portant le nom de Nadia Desmarais. Je ne sais pas qui est l’auteur(e), mais son Dictionnaire des termes mauriciens est fort amusant, notamment en ce qu’il est un miroir à la fois déformant et grossissant vous renvoyant vos propres défauts en les ayant passés au highlighter (“surligneur” en français comme il faut).

Ce petit livre de 98 pages comporte des dessins illustrant l’absurdité de certaines expressions prises au sens littéral. On y voit par exemple une femme marinant dans une casserole à côté de la légende suivante : « Elle cuit bien ! » (Le verbe mauricien cuire peut être l’équivalent du verbe français cuisiner.) On y voit des voiles* — c’est-à-dire des stores — qui font partie de vrais gréements.

Selon certains canons d’aujourd’hui, l’auteur serait vue comme étant plutôt prescriptiviste, ce qui, en ces temps de relativisme, s’apparenterait presque à une faute de goût. Ce blog-ci navigue d’ailleurs bien dans le courant actuel en ce sens qu’il ne dit pas quel est le bon usage et le moins bon. Un ami auquel je parlais du verbe circuler (voir la collection de mauricianismes), issu du verbe anglais to circulate, avait poussé un cri du cœur en disant qu’il ne supportait pas cette expression-là. Elle figure pourtant dans la liste car elle s’entend assez fréquemment à Maurice. Qu’il soit licite ou pas de l’employer lorsqu’on “cause français” est une autre question. Mais Nadia Desmarais, elle, coupe et tranche : « Il faut », « il ne faut pas », « on doit » sont des propos qui se rencontrent tout au long de son livre, livre qui semble avant tout être un vade-mecum à l’usage des étudiants mauriciens se rendant en France et tombant dans les pièges d’une langue qu’on pensait connaître. En 1969 donc, l’année érotique…


 
 
 
* Voiles abordées ici, lesquelles ne sont pas les stores abordés .

Ardeur

Ardeur.
Nom féminin.

Lumière solaire aveuglante.

« On est allé sur la plage ce matin. L’ardeur était tellement forte qu’on ne pouvait même pas ouvrir les yeux normalement. »

« Quand elle arrive à l’hôpital le jeudi matin, jour de la mort d’Eugénia, Marinette tombe des nues. Sa fille a les yeux bandés et un sparadrap sur la bouche. “Je pense qu’on lui a fait cela pour l’empêcher de crier, alors que ma fille me cherchait”, explique la mère. Malgré cette scène, Marinette réalise que sa fille est toujours vivante. Comme explication, on lui dit que c’est à cause de “l’ardeur” qu’on lui a bandé les yeux. » (Week-End, 4 juin 2006.)

En français “normal” l’ardeur du soleil est sa chaleur, sa capacité à chauffer, pas sa luminosité : « Chaleur très vive. L’ardeur du feu. » (TLF.) L’ardeur mauricienne, qui n’est pas obligatoirement acccompagnée du sentiment d’avoir chaud, se rapproche davantage du mot anglais glare, que le Harrap’s traduit par “éclat, éblouissement, lumière éblouissante (of sun etc)”.

Mais en français standard le mot ardeur, du latin ardor, peut avoir d’autres acceptions, y compris dans le domaine médical ou amoureux — voire angélique —, ou encore celui de la voile (mais pas de la vapeur).

« Ardeur : État particulier de l’amour sans l’expérience. » (Ambrose Bierce, Dictionnaire du Diable.)

Bananes, chair et musiciens : quelques photos de Hans

Notre correspondant Hans nous envoie les trois photos suivantes :

Pas Coquin Bananes
Zot Lamain Pou Pouri

Merci

 
 

NO BEEF
NO PORK

 
 

Att: Musiciens méchant[s]
“You enter at your own risk”

 
 
Elles sont éminemment amusantes, en disant parfois long sur la société martienne, et celle de l’écriteau à côté du champ de bananes m’a même fait rire aux éclats. Elle est d’autant plus amusante si on la regarde en ayant en tête le billet suivant : Main (de bananes).

Avec

Avec.
Préposition.

Remplace parfois les pépositions “à” et “de”, mais peut aussi s’employer dans d’autres cas. Une liste d’exemples semble la meilleure façon d’illustrer les diverses utilisations non-conformes du mot avec en mauricien. (La contribution des uns et des autres pour la compléter sera hautement appréciée.) Certains exemples pourront être jugés acceptables en français standard, auquel cas ils devront être enlevés de cette petite liste.

1/ “Prête-moi une plume avec toi” : Prête-moi un de tes stylos.

2/ “J’aurais pu avoir un séqué avec toi ?” : Tu aurais pu me donner place ?

3/ “Elle est mariée avec le fils de M. Dookun” : Elle a épousé le fils de M. Dookun.

4/ “La clef de la maison est avec toi ?” : C’est toi qui a la clef de la maison ?

5/ “Tu as eu un cadeau avec ta grand-mère ?” : Tu as eu un cadeau de ta grand-mère ?

6/ “Juste un conseil avec vous : il vaut mieux acheter des dholl puris avec ce marchand ici, ou bien ce marchand là-bas ?” : Vous auriez pu me donner un conseil ? Il vaut mieux…

7/ “Une minute avec vous s’il vous plaît” : Un instant s’il vous plaît.

8/ “Le bœuf était attaché avec un filao” : Le bœuf était attaché à un filao.

9/ “Il a vendu sa maison avec sa sœur” : Il a vendu sa maison à sa sœur.

Desmarais - Dictionnaire des termes mauriciens (1969), page 10.

Ces usages parfois peu orthodoxes sont influencés par le créole, lui même ayant possiblement été influencé par l’anglais. On reconnaît en effet facilement la tournure standard en créole dans “tonn gaign enn kado ek to granmer” (exemple 5), ce qui en anglais donnerait “you had a present [with] from your grandmother” ou “mo kapav gaign enn séké ek toi ?” (exemple 2) “may I have a lift with you?”.