Archives mensuelles : octobre 2020

Crown land

La personne à qui je dois d’avoir fait ce blog (un peu en sommeil ces derniers temps) sur WordPress, personne qui a sans doute a été l’un de ceux m’ayant le plus encouragé à tenir un website, en 2009, cette personne donc, rencontrée sur le blog Language Hat, est connue sur internet sous le nom d’AJP Crown.

Plein d’humour, auto-dérision comprise, érudit, doué d’un esprit débordant d’originalité, photographe d’une grande poésie, architecte de formation, le côtoyer sur internet était un grand plaisir et une source d’amusement sans cesse renouvelée. Et si le mot gentilhomme devait n’être accordé qu’à quelques-uns sur Terre, il aurait fait partie de ceux-là. Homme gentil, il l’était tout particulièrement envers les animaux, notamment les chiens et les trois chèvres qui habitaient avec lui et sa famille.

Je parle de lui au passé. On le devine : il est mort. Cela fait une semaine aujourd’hui. Le sentiment de perte est aussi grand que si je l’avais connu dans la vraie vie plutôt qu’à travers écrans interposés. Je ne saurais suffisamment remercier ceux qui ont créé la toile pour les rencontres — d’abord virtuelles, puis réelles dans certains cas — que cela m’a permis de faire. AJP, je l’ai rencontré pour de vrai il y a quelques années. Nous ne nous étions jamais vus, mais il m’a serré dans ses bras quand nous nous sommes retrouvés en face l’un de l’autre sur le quai de la gare. How un-British, pour un Anglais !

À sa famille il parlait de ses « imaginary friends » avec qui, sans doute, il jouait sur internet. À l’occasion de cette rencontre chez lui en Norvège, il semblait très content de montrer à sa femme un de ces amis imaginaires en chair et en os — et pourvu de l’appétit allant avec. Je lui avais apporté quelques bricoles de Maurice, dont une paire de savates Dodo en guise de clin d’oeil, savates qu’il a tout de suite mises à ses pieds, d’où la photo ci-dessous.

Comme aurait dit Brassens, il n’aura plus jamais mal aux dents, et il n’aura plus besoin de savates. Je lui souhaite bonne route quand même, là-haut dans la montagne, là où l’herbe est parsemée de fleurs sauvages.