Amorce(s).
Nom féminin, le plus souvent pluriel.
Aciers en attente, armatures en attente, attentes. (Vocabulaire de la construction.)
“Ces idiots ont coupé les amorces du beam. Il va falloir casser le béton pour retrouver le ferraillage situé plus à l’intérieur.”
“C’est vraiment une beauté tous ces bâtiments avec leurs amorces qui dépassent au-dessus de la dalle !”
“On va utiliser les fers de l’auvent comme amorces pour la nouvelle dalle.”
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Les amorces — ou attentes dans leur version française — sont les aciers qui dépassent du béton et qui permettent de couler un élément supplémentaire dans un deuxième temps tout en assurant une connexion entre les deux parties grâce à la continuité du ferraillage, même si le béton, lui, est discontinu. Le site des éditions Eyrolles propose un certain nombre de définitions en ligne, dont celle des armatures en attente :
armature en attente
armature – n.f.
[Div.] Ensemble d’éléments incorporé dans un matériau pour le renforcer ou pour augmenter sa résistance. V. ill. Armatures d’une poutre en béton armé, terre armée.
[B.A.P.] Barre, fil ou câble d’acier placé dans le béton qui devient alors armé ou précontraint. V. ill. Armatures d’une poutre en béton armé.
[…]
en attente –
[B.A.P.] Longueur d’armature hors du béton destinée à permettre la continuité avec d’autres armatures par recouvrement lors de la reprise de bétonnage. Syn. Armature de liaison. V. ill. Attentes (boite d’).
La continuité du ferraillage est assurée par une longueur commune d’armatures dites “en recouvrement” (recouvrement = lap en anglais). La barre d’acier A est scellée par adhérence dans le béton 1 (coulé en premier) et sort de ce dernier sur une longueur L. La barre B est placée le long de A sur une longueur environ égale à L, et se prolonge au-delà. On coule le béton 2 et, après durcissement de ce dernier, les deux barres sont scellées dans une même matrice, ce qui assure la continuité mécanique des barres d’acier, auxquelles il est possible d’appliquer un effort de traction de chaque côté sans que l’une ne glisse par rapport à l’autre.
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En français standard le mot attente se rapporte au fait d’attendre, verbe lui-même lié au verbe tendre (ce qui par ailleurs n’est pas sans lien avec la contrainte existant au sein des barres tendues, des barres d’acier étant incorporées au béton principalement pour résister aux forces de traction). Même si dans le présent contexte les deux mots sont équivalents, il existe une différence sémantique entre les attentes et les amorces.
Comme aurait pu le dire une lapalissade, les attentes sont des aciers placés en attente, c’est-à-dire qu’ils sont là dans l’attente de la suite des événements. À l’instar de Vladimir et Estragon, ils attendent — pour combien de temps encore, on ne le sait pas toujours.
Les amorces, elles, sont le début de quelque chose, ce qui peut paraître moins passif. L’amorce, c’est ce qui sert à amorcer un processus, et qui rend possible son aboutissement. À la pêche, c’est la bouette, l’appât servant à attraper petits et gros poissons. Le mot amorce découle d’ailleurs de cette acception-là : l’amorce est issue d’un participe passé du verbe amordre, i.e. “mordre” ou “faire mordre”. L’amorce est aussi ce qui permet à un explosif d’exploser, d’où le fait de désamorcer une bombe.
Parmi les nombreux sens que peut revêtir le mot, l’amorce est aussi — ce qui nous intéresse d’avantage ici — une “partie de muraille laissée inachevée, mais de manière à pouvoir être continuée plus tard” (TLF). C’est de ce sens-là que dérive très probablement l’amorce en tant que partie d’une barre de fer laissée en attente pour le coulage d’une autre partie d’une structure en béton. C’est aussi, selon le Dicobat, le “poinçonnement effectué en avant-trou sur une pièce de bois ou de métal, ou sur un mur, avant le perçage du trou.” Tout cela est fort éloigné de l’appât utilisé pour pêcher, mais c’est aussi de cette manière que se construisent les langues. Ou les bâtiments en béton.
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