Un paquet (de).
Beaucoup, plein, une quantité, une flop(p)ée, un tas.
« Ayo, allons passer par ici plutôt. Il y a un paquet de crétins qui sont assis là-bas et qui risquent de nous embêter. »
« Dans le port il y avait un paquet de pigeons sur les fils électriques près des hangars, attendant tous qu’un peu de grain s’échappe des balles pour s’en repaître goulument. »
« C’est impressionnant le paquet de monde qui va faire ses courses le dimanche à Jumbo ! »
« Non, mais tu sais cette affaire d’attacher-là, ça coûte un paquet d’argent. Le longaniste m’a dit que je pouvais payer bout par bout… comme chez Mamouth. » (Jean-Claude Antoine, Week-End du dimanche 1er novembre 2009.)
Le Trésor de la langue française donne un certain nombre d’expressions contenant le mot paquet, dont :
♦ Paquet de + subst. désignant des valeurs. Quantité plus ou moins importante de; liasse imposante de. Paquets de billets de banque, d’actions, de valeurs.
C. −1. [À propos d’inanimés]
a) [Inanimés concr.] Masse importante, quantité plus ou moins importante de quelque chose. À gauche, un paquet de maisons riant dans la pleine lumière (Fabre, Oncle Célestin, 1881, p.229). Voilà, j’espère, mon Adèle, un gros paquet de griffonnages. Je me dépêche de le finir en embrassant Didine (…) et toi (Hugo, Fr. et Belg., 1885, p.69)
b) [Inanimés abstr.] Jeter au public de tels paquets de confidences avant que le temps ait tout refroidi, c’est, en quelque sorte, se rendre soi-même responsable de ce qu’ils contiennent (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t.1, 1861, p.190).
Ces sens sont très voisins des exemples donnés plus haut, en particulier du passage tiré de Week-End. Mais si on considère que “un paquet de” ne peut être utilisé que pour des inanimés, comme mentionné par le TLF, alors nous avons probablement là une particularité mauricienne. En outre, la fréquence d’utilisation de cette expression serait probablement plus élevée à Maurice, par effet de proximité avec le créole, lequel utilise fréquemment “enn paké” (enn paké dimounn, enn paké zenfan, enn paké lisien, etc.) pour dire “beaucoup”, expression à placer sur un pied d’égalité avec “enn ta” (un tas).
D’ailleurs ce tas-là se retrouve lui aussi en français mauricien :
— Il y avait quelle quantité d’autos sur le chemin ce matin ?
— Un tas !
Ce qui, en français peut-être moins mauricien, aurait donné “beaucoup”, “une tripotée”, “une flopée”. (Encore que l’expression un tas de figure bien dans le TLF avec un sens assez large.)
D’autres expressions mauriciennes utilisent le mot paquet. Quelque chose de “casse-paquet” est quelque chose de super, d’extra, de génial. « Comment tu trouves cette musique-là ? — Casse-paquet ! »
Mais “casser un paquet” est essayer de faire de l’effet, en jeter plein la vue, s’efforcer d’assurer un max. « Madame Bappoo serait elle en manque de publicité pour que soudainement elle vienne ‘casse ene grand paquet’ et faire dominere avec Jayen qui touzours ine faire so travail dans l’interet banne consommateres. » (Commentaire d’article dans L’Express du 29 janvier 2010.) « Il a lâché ça pendant la réunion en croyant qu’il avait cassé un grand paquet… »
Au sujet de cette expression, Robillard donne un sens légèrement différent : « Casser un (grand) paquet – v. intr. cour. gén. fam. || Réussir quelque chose, être au sommet de sa forme, réaliser un exploit, par conséquent, éblouir, susciter l’admiration. Il a battu tous les records, en ce moment il casse un grand paquet. » Il me semble qu’aujourd’hui, près de vingt ans après la parution de ce livre-là, “casser un (grand) paquet” possède un sens surtout péjoratif, servant avant tout à ironiser à propos de celui qui, justement, cherche à éblouir et à susciter l’admiration. Mais ce n’est sans doute pas systématique (je pense entre autres à ce collègue qui, ayant effectué une mise au point sur le travail à faire, dispense souvent ses encouragements en disant “allez, astère casse paquet do matlo”).
On trouve aussi le “baiseur (de) paquet”, le salaud, l’enfoiré, le connard. « Ça t’étonne de la part d’un baiseur paquet comme ça, hein ? » (A ce sujet Robillard parle d’un “intensif de baiseur”.)
Souvent dans les milieux politiques et dans leurs alentours, mais aussi dans la vie courante, une expression supplémentaire a fait florès : “lève paquet aller”, autrement dit “prendre ses cliques et ses claques”. Exemples :
• « And we have a second letter on 07 February 2007, saying to Mrs Ramgoolam that this has been revised downwards to Rs2,000 and it will take effect as from the 03 July 2007, and then we have a third letter dated 07 March 2007, to which the hon. Minister has referred, where she is called to lève paquet aller, to quit, leave and vacate the land. Is this the way they are honouring the rights of the planters, Mr Speaker, Sir? » (Séance parlementaire du 8 mai 2007, page 7.)
• « À travers les amendements prévus dans le Labour Law, Nando Bodha dit craindre que le gouvernement ne rende possible le « hire and fire. » Il reproche aussi au gouvernement de ne pas savoir dialoguer et d’appliquer un système de répression à travers des opérations lève paquet aller. » (Week-End du dimanche 13 août 2006.)
• « In any case Mr Letimier denied that he told the plaintiff “leve paquet aller”. » (Jugement au tribunal, février 2010.)
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Mise à jour du 8 mai 2010
Dans L’Express Weekly du 7 mai 2010, un billet illustré à propos de l’expression “Lève paquet allé”, qui signifie à peu près “prendre ses cliques et ses claques”, “décamper” :
