Banané.
Expression que l’on utilise pour souhaiter une bonne année à quelqu’un. En principe elle n’est employée qu’en créole mais il arrive parfois qu’une personne s’exprimant en français l’utilise aussi de façon informelle, ou par facétie.
Il existe même un séga parlant de banané : « Banané, banané, tou zenfan. Banané, banané gran dimounn… » (Je ne me souviens malheureusement plus très bien des paroles, ni de l’auteur.) Et dans la note intitulée “Accent créole” Ashvin avait très justement remarqué que “sans ‘e-accent-aigu’ banané ti pu zis ene banane” (sans e-accent-aigu ‘bonne année’ ne serait qu’une banane).
Par extension, en créole le mot “banané” est arrivé à signifier “année”, comme le montre l’exemple suivant : « Enfin, Prakash Maunthrooa a juré ‘sur la tête de Shiv’ qu’il n’était pas un ‘missionnaire’. ‘Zot pé dire ki mo pas enn vaish et ki mo enn missionnaire. Pendant 39 bananés, mo finn marché mo finn al Grand-Bassin moi. Est-ce ki Navin in faire li ?’, a-t-il demandé. » (Week-End, 19 juin 2005.)
Il est tentant de voir cette expression-là, “banané”, comme une déformation de l’expression française “bonne année”. Il existe cependant une autre hypothèse à ce sujet…
Un ingénieur des ponts et chaussées répondant au nom de Bernardin de Saint-Pierre séjourna à Maurice de 1768 à 1770 et en fit un récit qu’il publia sous forme de lettres regroupées dans un livre intitulé Voyage à l’Île de France. Dans la lettre XIV (“Arbrisseaux et arbres apportés à l’Île-de-France”), datée du 10 juin 1769, il dit ceci :
Le bananier vient partout. Il n’a point de bois : ce n’est qu’une touffe de feuilles qui s’élèvent en colonne, et qui s’épanouissent au sommet en larges bandes d’un beau vert satiné. Au bout d’un an, il sort du sommet une longue grappe tout hérissée de fruits, de la forme d’un concombre ; deux de ces régimes font la charge d’un noir : ce fruit, qui est pâteux, est d’un goût agréable et fort nourrissant ; les noirs l’aiment beaucoup. On leur en donne au jour de l’an pour leurs étrennes ; et ils comptent leurs tristes années par le nombre de fêtes bananes.
Il se pourrait donc que l’expression que Bernardin de Saint-Pierre met en italiques — “fêtes bananes” —, laquelle servait donc elle aussi, semble-t-il, à compter les années qui passaient, soit à l’origine de l’expression contemporaine “banané”. Notre banané d’aujourd’hui aurait donc un goût de banane. C’est du moins l’hypothèse qu’évoquent MM. Baker et Hookoomsing, qui parlent de convergence possible (“?”) et qui, à l’entrée banane de leur Diksyoner, ont ceci :
« E 1. New year festival; 2. Years, years of age. F 1. Fête du Nouvel an; 2. Années, ans. 1839 (1), 1855 (2)
□ ? convergence < F banane + < F bonne année, cf 1768 “Les noirs l’aiment beaucoup. On leur en donne [des bananes] au jour de l’an pour leurs étrennes; et ils comptent leurs tristes années par le nombre de fêtes bananes” ◊ Bernardin de St-Pierre 1773, 1:62 (v aussi ◊ Robert Chaudenson 1974: 945-46).
(& buke banane, fler banane, pye banane)
banane ańgle E Christmas. F Noël. □ < K. »
Pour d’autres, “banané” pourrait avoir un goût de champagne — ou de bière.
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Mise à jour du 31 décembre 2012
BANANÉ
2013
“Can” de bière Phoenix — the so-called “famous beer of Mauritius” — brassée et mise en vente à la fin de l’année 2012.