Archives mensuelles : septembre 2012

Brouter les pissenlits

 

http://fr.wiktionary.org/wiki/brouter_les_pissenlits_par_la_racine

Bon sang de bon sang ! n’allait-on pas aussi, un de ces quatre matins, lui servir un bouillon d’onze heures et l’envoyer brouter les pissenlits par la racine entre les quatre murs de l’enclos des morts ! — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)

 

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Mise à jour du samedi 29 septembre à 21h.

Extrait des “250 essential French idioms” du Harrap’s Shorter Dictionary English-French / French-English (8th edition, 2006) :

manger les pissenlits par la racine
to be pushing up the daisies

Sektam ?

Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes,
Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous…

 

Dans le Dictionnaire du créole mauricien de Philip Baker et Vinesh Y. Hookoomsing on trouve une entrée pour le mot sektam (prononcé “sec-tamme”, [sektam]), laquelle renvoie à l’entrée principale septam, septembre, le neuvième mois de l’année comme son nom l’indique si bien. Selon ces auteurs, donc, il existerait une prononciation alternative (son [k]) à la prononciation normale (son [p]).

Sans doute n’ai-je pas toujours bien prêté l’oreille lorsque quelqu’un mentionnait en ma présence le mois de l’équinoxe de “printemps”, mais je n’ai pas l’impression d’avoir jamais entendu qui que ce soit dire “sektam”. Le Diksioner morisien d’Arnaud Carpooran, lui, n’a d’entrée qu’à septam (“Neviem mwa lane. Le 9 septam bann kretien selebre Fet Per Laval. ■ Fr. septembre ; Ang. September”). Nul sektam chez le normalisateur patenté du créole mauricien.

Baker et Hookoomsing citent le FEW (Französisches Etymologisches Wörterbuch), volume 11, page 480, pour mettre en avant le fait que dans la région de Beauvais, en France, il existe une prononciation [sektɑ̃b], alors que dans le Maine et à Saint Victor (lequel ?), ainsi que dans le Poitou (?) et la Saintonge (?), on trouve un sectembe. Mais est-ce bien pertinent tout cela ? Qui, ici, a déjà remarqué que des Mauriciens prononçaient sektam quand ils parlaient du mois de septembre ?

 

Le vingt-deux septembre, aujourd’hui, je m’en fous,
Et c’est triste de n’être plus triste sans vous.

Île Ronde (4)

Une autre photo de l’île Ronde par ce contributeur* régulier qu’est Gro Zippo sur laquelle on peut constater que le pacman évoqué il y a peu par un autre contributeur* non moins régulier — Leveto —, que ce pacman, donc, s’est fait grignoter le bas du pied.

Ci-dessous on peut voir ledit grignotage d’un peu plus près, lequel serait digne d’un expert ès “mordé-soufflé”. (Les rats ont la réputation de manger les orteils ou autres parties des dormeurs tout en soufflant, ce qui rendrait l’opération indolore.) Sur les deux extraits suivants il est possible constater de visu à quel point la réfraction atmosphérique a rongé le bas de l’île Ronde.

Ce phénomène est dû à des différences de température entre la mer et l’air, la couche d’air située près de l’eau tendant à avoir une température différente des couches plus élevées, ce qui occasionne des indices différents dans l’atmosphère et tend à dévier les rayons lumineux, comme lors du passage à travers une lentille de verre. Nous avons ici, sur le blog de Carrotmadman6, un autre exemple de réfraction faisant flotter les îles au large de la baie de Mahébourg. Ce sont des conditions similaires qui font voir des morceaux de ciel situés plus bas que des éléments du paysage, comme sur cette photo prise en Utah sur laquelle on aperçoit une colline ressemblant furieusement à l’île Ronde sur la photo de Gro Zippo, ou qui font voir des flaques d’eau (de ciel) sur les routes surchauffées par le soleil. Si on clique sur la 1ère photo de ce billet, on peut remarquer, à droite de l’image, que les vagues des brisants semblent flotter elles aussi au-dessus de la mer.

Lorsqu’il a pris sa photo de cet endroit, Gro Zippo se trouvait grosso modo au niveau de la mer. L’île Ronde se trouvant à plus de 20 km de sa “caméra”, il ne pouvait pas voir le lieu ou l’île s’enfonce dans l’eau. À 10 m d’altitude, l’horizon est à un peu plus de 10 km de distance, et seulement à 5½ km à 2 mètres au-dessus de l’eau. La réfraction aidant, il a cependant pu voir ce qu’il y avait sous l’île Ronde. Gageons qu’il n’y a pas trouvé de trésor — pas encore.

 

 

* Contributeur — Quelle n’a pas été ma surprise, ces jours-ci, en rédigeant un billet, de voir que le mot contributeur n’existe pas en français. Du moins selon le Trésor de la langue française. Heureusement, toutefois, qu’il existe d’autres sources auxquelles l’internaute peut s’abreuver. Le wiktionnaire par exemple, qui définit le contributeur comme une « personne qui collabore à l’écriture d’une œuvre commune, à la réalisation d’un projet collectif, notamment sur le réseau mondial. » Ouf ! Et tant pis si certains appellent cela un « barbarisme ».

 

 

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Addendum — Thursday 20 September, 16.30.

In the third comment below, Carrotmadman6 has provided a link to one of his photographs of [the three islands that are close to the southern entrance to Grand Port, namely île de la Passe, île aux Vacoas and] île aux Fouquets [— all three lumped into a single blob by perspective and refraction]. Once again, refraction is creating a mirage that tends to (seemingly) lift low-lying objects above the horizon.

Île Ronde (3)

Dans les commentaires du billet précédent notre contributeur Gro Zippo a laissé un lien vers une photo de l’île Ronde qu’on peut penser prise par lui-même (la photo, pas l’île). On trouvera ci-dessous une version retaillée de sa photo — dont on peut voir l’original en cliquant sur le lien ci-dessus —, ainsi qu’un extrait montrant ce qui semble être le bâtiment du Mauritian Wildlife Foundation (MWF), organisme qui assure la gestion, la conservation et le reboisement de l’île Ronde.

Sur le détail ci-dessous, dans le quart inférieur droit de l’image, on voit une tache verdâtre, de forme allongée, qui pourrait être la cabane en bois et tôle du MWF, bâtiment que l’on voit en photo sur leur site, avec son dalot vraisemblablement connecté à un réservoir de récupération des eaux pluviales. Assez loin au-dessus de la cabane, cependant, on voit deux autres taches claires dont la nature est restée inconnue jusqu’à l’heure. Peut-être un commentateur bien renseigné pourra-t-il nous éclairer à ce sujet ?

Île Ronde (2)

Ci-dessous on peut voir l’île Ronde telle que figurée sur la carte d’Alexandre Descubes (1880). Le nom anglais “Round Island” y apparaît comme le nom principal, au-dessus de la mention “Ile Ronde”, elle-même à côté du nom d’“Ile Blanche” qui, selon Descubes, lui aurait été donné par l’abbé de La Caille. Ceci semble être une erreur, la carte en question (1753) appelant “île Blanche” l’îlot connu aujourd’hui sous le nom de “Pain de Sucre” ou “Pigeon House Rock” et apparaissant sous le nom de “Colombier” sur la carte de Descubes, “Colombier” que l’on retrouve cependant sur une carte dressée en 1751, “suivant les observations de M. D’Après de Mannevillette”. Pour sa part, la carte de l’abbé de La Caille (1753) porte bien la mention “I. Ronde” pour notre île Ronde d’aujourd’hui.

De façon amusante, des deux îles voisines, l’île Ronde et l’île aux Serpents, c’est la seconde qui est la plus blanche (à cause du guano, ce qui se voit même de l’espace) et la plus ronde (vue de Maurice), alors que les serpents — deux espèces de boas endémiques, dont une probablement éteinte — ne se rencontrent que sur l’île Ronde. La toponymie prend parfois des libertés qu’il pourrait être judicieux de corriger — s’il était possible de renverser les habitudes prises de longue date par les habitants d’un lieu.

Sur la carte de Descubes figurent quelques noms donnés à certains éléments remarquables de l’île Ronde, des noms en général inconnus du grand public : anse de la Petite Vallée, pointe Corinthien, pointe Matapan et, entre ces deux pointes-là, Le Goorgooree. Ce dernier nom, correspondant à ce qui reste du cratère originel, est à mettre en parallèle avec un outil utilisé sur les chantiers de bâtiment pour plier les fers à béton, le gourgouri (voir ce billet du 9 novembre 2009), mot qui, dans un contexte plus ou moins anglophone, aurait aussi pu s’écrire goorgooree (voir par exemple l’ancienne graphie Hindoo encore visible au cimetière de Phoenix, ou les graphies Sunnee ou Surtee). Ce goorgooree-là renvoie vraisemblablement à une pipe, l’outil et la caldera égueulée faisant tous deux songer à un brûle-gueule par analogie de forme.

Le nom île Ronde est un héritage des Hollandais qui, au XVIIe siècle, l’appelaient Rond Eylandt. Toutefois, selon le Dictionnaire toponymique de l’île Maurice (voir ci-dessous), elle apparaîtrait sous le nom d’“Ile aux Chiens”, Het Honden Eylandt, sur la carte hollandaise N°334, ce qui n’a pas manqué d’étonner vu l’absence de ces carnivores sur une île avant tout peuplée d’oiseaux marins et de reptiles. Le dictionnaire en question avance l’hypothèse d’une erreur typographique ayant transformé Rond en Honden. Ceci est fort possible, compte tenu des nombreuses erreurs ayant eu lieu lors du recopiage des documents, comme on l’a vu précédemment, dans un billet sur l’île aux Bénitiers, dans le cas de Mahébourg apparaissant en tant que “Malie-Bourg” sur la carte d’un cartographe flamand.

L'île Ronde vue de l'île aux Serpents, Maurice se trouvant en arrière-plan

L’île Ronde vue de l’île aux Serpents, Maurice se trouvant en arrière-plan.
(Dictionnaire toponymique de l’île Maurice – No 2, 1998.)

Au XIXe siècle des cabris (chèvres) et des lapins furent lâchés sur l’île Ronde, ce qui causa des bouleversements catastrophiques à l’écosystème unique de cette île d’à peine plus de 200 hectares. La couverture végétale fut grandement affectée, ce qui eut pour conséquence une grave érosion de la couche de terre superficielle. Il n’est pas interdit de penser que cette dégradation de l’environnement de l’île est en grande partie à l’origine de la disparition du boa fouisseur (Bolyeria multicarinata), dont le dernier spécimen vivant fut observé en 1975 par une équipe de l’université d’Édimbourg. Sur l’île Ronde se trouvent des espèces de reptiles ou de palmiers uniques au monde, tels les boas mentionnés plus haut ou le scinque Leiolopisma telfairi, ou le palmiste bouteille Hyophorbe lagenicaulis, et depuis 1957 l’île est devenue une réserve naturelle dont l’accès est désormais restreint et très étroitement encadré.

Île Ronde (1)

Renforcir

Il arrive aux Martiens d’utiliser le verbe “renforcir” à la place du verbe “renforcer”. Cette petite entorse à la langue (française) est selon toute probabilité due à l’influence du créole, langue dans laquelle on parle sans problème de “renforcir” ceci ou cela. On entendra par exemple que “bizin renforci sa striktir-la” lorsque ladite structure est jugée trop instable ou pas assez solide. Ou que “zonn renforci zot lékip” lorsque l’équipe en question a vu ses effectifs augmentés. Ou, éventuellement, que “la brise inn renforci” pour dire que le vent s’est renforcé.

Mais cela paraît nettement moins akadémik lorsque, sous la plume d’un organisme très officiel — les “services météorologiques de Maurice” —, on lit que “l’assez fort anticyclone renforcira graduellement le vent sur notre région” (bulletin de 4h10 du jeudi 6 septembre 2012). Et pour sacrifier à cette inconstance qui semble être un de nos traits caractéristiques, un peu plus bas, dans le même bulletin, le même météorologue parle d’un “vent du sud-est 10 km/h se renforçant pendant la journée”. Hey, matelot, si l’anticyclone “renforcit” le vent — tout comme “l’arrivée d’un assez fort anticyclone renforcira graduellement le vent durant la nuit” si l’on en croit ce qui est dit dans le bulletin pour Rodrigues —, alors ne faudrait-il pas écrire que le vent de sud-est se renforcit ?

Il n’est toutefois pas inutile de noter qu’en français le verbe “forcir” existe bel et bien. Il est tout à fait possible de dire que le vent forcit, pour dire qu’il souffle plus fort, ou que depuis ses 20 ans Siganus a forci, pour dire qu’il a pris du poids. Mais “renforcir” n’est en général pas employé dans ce sens, ni dans celui de “renforcer”.

Cependant, il arrive apparemment qu’il le soit, bien que rarement selon toute probabilité. Cet excellent dictionnaire en ligne qu’est le TLFi (ou “Trésor de la langue française”), à l’entrée renforcer, a une remarque de bas de page pour un verbe renforcir dans laquelle on voit que ce verbe, dans un emploi transitif, peut signifier “rendre plus solide, plus résistant” (consolider, fortifier) ou, dans un emploi tant intransitif que régional (Québec, Ouest et Centre de la France), au participe passé, peut signifier “devenu plus corpulent, plus vigoureux”. Il me faut bien admettre toutefois que jamais je n’ai rencontré un tel usage dans un contexte qui n’était pas mauricien.