Jusqu’à l’heure

Jusqu’à l’heure.
Locution prépositionnelle.

Jusqu’à présent, jusqu’ici.
 
 
Jusqu’à l’heure je n’ai pas pu lui rendre ses affaires.”

Des décisions ont été faites* mais jusqu’à l’heure aucune décision n’a été prise.” (L’Express, 16 mars 1990, in Mille mots du français mauricien, Pravina Nallatamby.)

J’ai écrit à la maman de l’enfant pour qu’elle vienne me voir. Elle m’a dit qu’elle travaille et jusqu’à l’heure elle n’est pas venue.” (Op. cit.)

Est-ce que les femmes juges vous ont appellée?
— Aucune femme juge ne m’a appellée jusqu’à l’heure. Je le regrette aussi
.” (Week-End, 13 juin 2010.)

Cependant, au niveau de la Traffic Management Unit, le surintendant Toolsy a déclaré qu’étant donné qu’il n’a jusqu’à l’heure reçu aucun communiqué des autorités concernées, la date du 1er août est maintenue.” (Le Matinal, 20 juillet 2010.)

Donc, jusqu’à l’heure, je suis satisfait de mon ministère et de mes premiers 100 jours.” (Week-End, 15 août 2010.)
 
 
Dans le Dictionnaire des termes mauriciens (Nadia Desmarais), on trouve une entrée pour jusqu’à l’heure, dont l’équivalent français est donné comme jusqu’à présent, avec l’exemple suivant : “Jusqu’à l’heure je n’ai pas eu de réponse, — jusqu’à présent je n’ai pas eu de réponse.”

A Maurice il arrive aussi qu’on entende la locution “jusqu’à maintenant”. Il m’est difficile de me prononcer quant au caractère parfaitement français (et standard) de cette expression. Il me semble que c’est du bon français, mais Martien vivant chez les Martiens, je n’en mettrai pas ma nageoire à couper. Quelque membre de l’Académie française, de passage par ici, aurait-il (ou -elle) pu m’éclairer à ce sujet ?
 
 
 
 
 
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* Dans la citation de L’Express que donne Pravina Nallatamby on remarque un “faire une décision” qui ressemble trop au “make a decision” anglais pour être honnête.

42 réponses à “Jusqu’à l’heure

  1. Jusqu’alors : jusqu’à ce temps ou ce moment-là.
    Bueno, ils m’ont sorti de l’ Acad pour dormir pendant les sessions du dico et surtout parce que je trouvais « jusqu’à maintenant » fautif et que je m’obstinais à écrire « jusques ».

  2. Ah oui, Arcadius, vous trouviez “jusqu’à maintenant” fautif ? Et vous étiez le seul ? Nous ne pourrons hélas plus avoir l’avis de Mme de Romilly, mais quid des autres ?

  3. Pour moi, rien de fautif dans jusqu’à maintenant . L’élision du -e- de jusque se fait normalement devant toutes les voyelles.
    Quant à l’emploi de à maintenant, à présent, à cette heure , etc., il me semble aussi tout à fait correct. En revanche, comme jusque indique une limite précise, celle-ci doit être précisément nommée et c’est pourquoi jusqu’à l’heure ne me semble pas correct : de quelle heure parle-t-on?
    En « bon français  » on devrait dire « jusqu’à l’heure dite » ou « jusqu’à l’heure de ceci ou de cela », par exemple.

  4. Leveto, je pense que l’expression mauricienne “jusqu’à l’heure” est une ellipse de “jusqu’à l’heure actuelle” ou “jusqu’à l’heure présente” — encore qu’en France il me semble qu’on entendrait davantage “jusqu’à la minute présente” ou “jusqu’à l’instant présent”.

  5. Jusqu’à maintenant=jusqu’à ce jour. Maintenant est largement utilisé, grrrr…
    Je vous salue Marie…..jusqu’à l’heure de notre mort !

  6. Cela me fait songer à une autre expression qu’on entend ici et qui n’est peut-être pas tout à fait académique : “à hier”. Par exemple “A hier ils n’avaient toujours pas payé leur dette.” Ou “Toutefois, à hier lexpress.mu n’avait pu avoir une confirmation de l’ampleur de la pollution.” (L’Express, 21 janvier 2011.) Ou encore “Mais à hier après-midi, aucune indication officielle sur le montant de la mise au Loto à Rodrigues n’était disponible.” (Week-End, 1er novembre 2009.)

    Je ne sais pas si on l’entend en France aussi, mais il me semble possible que ce soit là une contamination de l’expression anglaise “as yesterday” (ou “as at yesterday”).

  7. English « as of yesterday », not « as (at) yesterday ». See my rant on partial understanding.

  8. John, I’m naturally split between understanding “as of yesterday” as “up to yesterday” and as “as from yesterday”.

    If “as at” makes you jump, you would need to begin an uphill battle. 48 million+ occurrences for “as at” on Google and even government bodies using it — e.g. “Reprint as at 7 July 2010” (New Zealand Legislation) —, or academia — e.g. “English language entry requirements by course as at September 2009” (University of Southampton).

  9. marie-lucie

    Je trouve jusqu’à maintenant tout à fait correct. Je ne dirais pas jusqu’à l’heure actuelle, seulement à l’heure actuelle (l’équivalent de maintenant dans un style un peu plus relevé). Quant à à l’heure présente ou autres expressions avec l’adjectif présent, je crois qu’il s’agit une fois de plus d’anglicismes. (Mais je dois me rendre à l’évidence que je suis maintenant de la vieille école).

    I agree with John Cowan about as OF yesterday, as OF last week (etc).

  10. à hier :

    Oui, ça sonne assez mauricien. Je pense que par ici, on dirait plutôt « jusqu’à hier », « à la date d’hier », ou peut-être plus simplement, « hier encore ».

    Je n’ai jamais entendu « as at yesterday » dans ce sens, mais je n’aurais pas non plus traduit jusqu’à hier par « as of yesterday » : je pensais (jusqu’à aujourd’hui 😉 ) que cela signifiait à partir d’hier

    What about « until yesterday » ?

  11. Aquinze, vous ne dormez pas à cette heure*, i.e. 4h51 du matin en Europe occidentale et continentale ?

    * “A cette heure” ayant donné “astère” en créole, ce qui signifie “maintenant”.

  12. marie-lucie

    Au Canada, « à cette heure » a donné « asteure » et même « asteur », apparemment considéré comme un mot impossible à analyser. C’est sûrement de cette prononciation (venant de l’Ouest de la France) que vient le mot créole, plutôt que directement de « à cette heure ».

    Je dirais « à cette heure-ci » (prononcé aussi familièrement « asteurci ») ou bien « à l’heure qu’il est ».

  13. marie-lucie

    « As of yesterday » veut dire « à la date d’hier », ce qui peut aussi suggérer « à partir d’hier » si le contexte s’y prête. « Until yesterday » = « jusqu’à hier », ce qui implique que la situation a maintenant changé.

  14. « Until yesterday » = « jusqu’à hier », ce qui implique que la situation a maintenant changé.

    Pour moi il n’est pas nécessaire que la situation ait changé. Si vous êtes par exemple en train de récolter des signatures pour une pétition, il est possible de dire “jusqu’à hier nous avions 3 264 signatures”, alors même que vous continuez à en récolter. En “mauricien” on dira probablement “à hier nous avions 3 264 signatures”, et si on est en Afrique anglophone, par exemple au Nigéria, on a des chances d’entendre “as at yesterday we had 3,264 signatures”. Car à rechercher des occurrences de “as at yesterday” sur Google, il semblerait que l’expression en question soit assez fréquemment utilisée dans cette partie du monde.

    Jusqu’à l’heure je pensais que l’expression “as at [day/date]” était correcte, pour l’avoir régulièrement entendue autour de moi, mais si et John Cowan et Marie-Lucie disent qu’il convient de dire “as of [day/date]”, je vais m’efforcer de corriger le tir.

  15. Juste pour « babeliser » un peu plus.-
    Comme plusieurs langues, du latin « heri » nous avons le mot « ayer » (hier), de « ad heri », comme « à hier ».

  16. marie-lucie

    Siganus, « as at yesterday » peut bien être du bon mauricien (version anglaise).

    Jusqu’à hier nous avions tant de voix: pour moi cette phrase veut dire qu’il y a eu un palier pendant lequel le nombre de voix est resté le même (personne d’autre n’ayant voté pour la liste en question), mais que depuis hier la situation a changé. Si on a contnué de récolter des voix chaque jour, je dirais à la date d’hier nous avions tant de voix (par rapport aux jours précédents et/ou à la date d’aujourd’hui).

  17. « Jusqu’à maintenant » est utilisée par mes collègues français.
    J’ai compris notre « astère » national en lisant une B.D. de Claire Brétécher, où un monsieur disait « asteure ». Ca m’a été plus facile de le relier à la forme « à c’te heure » (prononcer rapidement « eusse-teu » pour « c’te »). Même si « c’te » se veut être féminin (« c’te fille »), j’ai parfois entendu « c’te mec » ou « c’te truc ».
    J’ai jamais entendu « A hier »; par contre l’expression « de suite » dans « je vais le faire de suite » me fait autant réagir que « elle n’est pas prête de le faire ». Pour me faire décoller, il suffit de me dire « elle n’est pas prête de le faire de suite » :-).

    @Siganus, je suis d’accord avec vous en ce qui concerne l’ellipse. Une autre ellipse que nous connaissons bien est notre « fais-le une fois » mauricien, au lieu d’utiliser « une fois pour toutes ». On m’avait demandé lors de mes études à la Réunion si on était belge à Maurice. Je l’avais pas « comprite » (Coluche) à cette époque, car j’étais encore « joukal » (pas dans votre dico).

  18. Recherche de maintenant dans le dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition: « Jusqu’à maintenant, je me suis tu ».

  19. Pardon, le lien direct ne marche pas (prise en compte de la session courante et du mot saisi): il faut utiliser le lien du dictionnaire et ensuite choisir « Lancer une recherche … » dans « Menu principal » à partir de « Le dictionnaire avec/sans menus déroulants ».

  20. G. Zippo, c’est noté pour “jusqu’à maintenant”. Merci pour cette contribution.

    l’expression « de suite » dans « je vais le faire de suite »

    J’essaye de me souvenir si pour ma part j’ai déjà entendu une personne s’exprimant en français — en français mauricien — utiliser “de suite” (désuit* en créole). J’avoue que je ne m’en souviens pas trop (mais peut-être que si finalement – je prêterai l’oreille).

    Par contre je suis quasi certain d’avoir entendu “en place”, comme dans “il a réparé la roue en place”, ou “il a réparé la roue là même en place” (pléonasme ?), expression qui semble être la sœur de “on the spot”. Cela signifie que la chose a été faite là, devant vous, et tout de suite, sans délai aucun.
     
     
     
    * Selon une certaine doxa, le son -u n’existe pas en créole, ayant été remplacé par le son -i. Mais force est de constater que bien des gens l’utilisent, ce son -u, comme dans désuit (tout de suite, maintenant), ou dans “Port Lui”…

  21. Pour moi, le son « ui » est plus souvent un « ou-i » ou un « wi » à Maurice (je prononce plutôt « désou-itt »). Ainsi quand mon père me transmet un numéro de téléphone à composer, il me dit « et pouis tu tapes le witt ». Quand je suis fatigué, je retrouve aisément mon « pouis ». En « couisine », je vais parfois chercher une « cou-illère moinienne » (la lettre « y » cause aussi des problèmes) et j’allume la « boulouar ». Etonnamment, la seule fois où j’entends « ui » c’est dans le prénom Louis(e).
    J’utilise un axiome (j’apprends ici le mot doxa, merci) sur la pronociation créole: toute diphtongue qui fait faire une grimace (un effort) est proscrite. Ainsi u, e, j, ch, ui … sont remplacées par i, é (ou è), z, s, wi (ou ou-i). De même certaines diphtongues comme « di » ou « ti » ne sont pas prononcées avec un d ou un t léger mais plus comme « dji » ou « tchi » (djilo, tchini), un peu comme chez les Ch’tis ou les Savoyards. « dji » et « tchi » peuvent se prononcer les dents serrées sans ouvrir la bouche (ce qui repose parfois).

  22. @Siganus: Je parlais de l’utilisation de « de suite » en France, pas à Maurice. « de suite » peut être correctement utilisée pour dire « l’un à la suite de l’autre ». Ainsi j’ai fait 2 phrases de suite sans oublier les accents. En créole, pour « tout de suite », je pense aussi à « en place » ou « enn fwa » (« sourti enn fwa »; la bizin bourré kan ou tann sa). Pour « de suite », j’utiliserais « enn deryerr lott », ou « eune derrière l’autre » en français mauricien.

  23. Ah, j’avais tout faux, car je pensais à “de suite” comme à une forme abrégée de “tout de suite”. Pour le “desuit” créole, il me semble que je le prononce avec le son -u. Mais il faudra sans doute que j’attende d’être fatigué pour en être bien sûr, car c’est effectivement dans ces moments-là qu’on est le plus naturel.

    la seule fois où j’entends « ui » c’est dans le prénom Louis
    Il doit s’agir là d’un phénomène d’hyper-correction : on a en tête le fait que les -u du français deviennent -ou en créole et il arrive qu’on remplace des -ou par des -u là où ce n’est pas nécessaire.

    Ah, la “boulouare”… Mais comment les Français prononcent-ils donc le mot bouilloire ? Ma femme, qui doit être très aristocratique, dit très fréquemment “bouyar”, ce qui me fait rire presque à chaque fois. N’y avait-il pas un recueil de poésie, possiblement de Marcel Cabon, intitulé “Labec bouloire” ?

  24. @Siganus: Pas tout à fait comme votre épouse, j’ecrirais « bou-you-ar », ce n’est pas un « ya » franc (comme dans « Cadillac »), plutôt un « youa », sans que le « ll » soit « mouillé » comme en espagnol (« pa-é-djia » pour « paella »). Aussi, contrairement à nous, le « passe-thé » se prononce « passoire » !?!?! 🙂
    Oui, c’est peut-être une correction automatique, mais je suis certain d’avoir dit qu’il valait mieux éviter La Luise (à Quatre-Bornes) pour aller à Glen Park (Vacoas), sans parler des embouteillages à Port-Luis.

  25. marie-lucie

    une bouilloire: pensez « bouille-oire » et nom « bou-youar » (voir une baignoire « baigne-oire », un peignoir « peigne-oir »).

    une passoire: il y a des passoires de différentes sortes et de différentes grandeurs, selon ce qu’il est besoin de passer. Bien sûr qu’on passe le thé avec une passoire (je ne connais pas le mot passe-thé, mais en France le thé n’est pas une boisson aussi traditionnelle que le café – toute la société française boit du café, mais le thé fait toujours un peu snob). On se sert de la même passoire pour passer la tisane (herb tea).

  26. une bouilloire: pensez « bouille-oire »

    Ouille ! voilà un mot difficile à prononcer ! Pas étonnant que les Mauriciens en aient fait “boulwar”. Quant à ce que j’évoquais plus haut, il existe bien une nouvelle intitulée “Labec-Bouloire” (1930), qui n’est pas de Marcel Cabon mais de Savinien Mérédac, alias Auguste Esnouf, ingénieur de formation et grand-père de Paul Bérenger, l’actuel Leader de l’opposition. Elle a été rééditée en 2003 par Barlen Pyamootoo.

    On passe le thé avec une “passoire” en France ? On doit en ramasser, de la paille, au fond de la tasse…

  27. C’est pour cela que je fais chauffer l’eau à la casserole dorénavant. Ainsi je peux demander simplement d’allumer le gaz, au lieu d’allumer la bou…, ayo, sa zaferla.
    Non, la passoire à thé dans ce cas-là, comme dit Marie-Lucie, est un « passe-thé », comme on en a sur Mars. C’est pas le chinois (passoire à pâtes ou lentilles). C’est vrai que ce n’était pas très traditionnel, mais le thé est très répandu; il n’est pas bu à la même heure. Mon épouse et moi en buvons pas mal (encore plus en ces temps de caillante), mais il est vrai que nous avons une bonne excuse, nous avons du Bois Chéri en permanence.
    Je pense que le thé fait snob quand il est bu par ceux qui ont l’auriculaire pointé au ciel comme une crampe chronique, mais ne fait plus toujours snob. A moins que nous soyons snobs sans le savoir, tel Monsieur Jourdain. 🙂

  28. Zippo : nous avons du Bois Chéri en permanence
    Franchement, vous pourriez avoir mieux. Je me rappelle cette boutique du centre commercial de la Part-Dieu, à Lyon, une boutique qui ne vendait que du thé. (Imagine-t-on une telle chose chez les Martiens ?) Elle embaumait. Sur les étagères (“tablettes”) derrière le comptoir on avait des espèces de touques métalliques contenant des variétés de thé les unes plus extraordinaires que les autres. On prenait 50 grammes de celui-ci, 100 grammes de celui-là, en se fiant à son nez. Je me souviens encore d’un “Montagne bleue” qui comportait des pétales de fleurs bleues — un délice. A côté de ça, cette poudre noire qu’on appelle dité à Maurice fait pâle figure. Mais je reconnais que ça peut rappeler quelques souvenirs…
    Mais dites-moi une chose un coup, dans “Bois Chéri” vous entendez “le bois Chéri” (enn plas dan boi) ou “Bois, chéri !” (boire sa do mo gaté) ?

    Une autre ellipse que nous connaissons bien est notre « fais-le une fois »
    Et même “fais-le une fois don !” Mais dans ce domaine nous avons un concurrent sérieux dans “un coup”, doublé de son avatar “un ti coup” et de son frère créole “enn kou(t)/enn ti kou(t)”. (Le t- entre parenthèses vient du fait que la prononciation peut être [ku] ou [kut]. Je dis plutôt [kut], mais il semblerait que la prononciation [ku] dominait autrefois.)

  29. Je parlais de la marque de thé. Votre question m’a fait sourire car elle m’a fait penser à l’histoire de ce chauffeur à qui l’on demandait de faire une course à Tamarin et qui avait demandé confirmation: « Ki Tambarin sa, Tambarin lendroi, Tambarin manzé? ». J’aime bien le « Bois Chéri Vanille », mais aussi le « plain » que je fais infuser en en mettant beaucoup. Je suis d’accord qu’il y a beaucoup de thés « pliss meyerr » que le Bois Chéri, mais comme l’Italien avec les plats de sa « Mamma » ou d’autres Mauriciens (comme moi) avec le « briyani kass paké » de leurs grand-mères, j’arrive à n’en jurer que par mon Bois Chéri, mon fromage Kraft, mon Dahi letchis, mon bon sirop Tambarin (manzé) ou mon « mine bwi touni » avec « mazavarou ». J’ai même déjà ramené du « diber Plime » ! Quand le cerveau veut pas oublier, ki a fer ?

    Ah ah, c’est vrai, c’est pas que je l’ai oublié le « un coup », mais ça a mené parfois à des incompréhensions: « comment tu arrives à faire ça en un coup? ».
    Mais on se refait pas, il ressort de temps en temps; je m’en rends compte quand ma fille me demande: « t’es sûr, juste un coup? ». Une autre expression que j’ai un peu occultée aussi est le « moi faire » ou « moi essayer », sauf à Maurice où il est pris dans le sens voulu et ne risque pas de faire un quiproquo.
    Attendez un coute, comment on dit aussi? Ah ouais, « fais-le une fois don, foutouuur! ».

  30. Quand le cerveau veut pas oublier, ki a fer ?
    Pa kapav faire narien. Et je pense qu’au contraire ça empire avec l’âge. Une tante de Mme Sutor, née en 1916 je crois, est morte il y a quelques années de cela à 90 ans sautés. Les années avant sa mort elle ne vivait pratiquement plus que dans le passé (malgré sa grande culture générale), elle qui avait entre autres connu le temps des calèches tirées par des chevaux en l’absence de tout véhicule à moteur, autrement dit une île Maurice terriblement différente de celle d’aujourd’hui. Au bout d’un temps on se trouve en déphasage avec son époque et on se sent de plus en plus appartenir au passé et à ses souvenirs plutôt qu’à ce qui se passe autour de soi.

    Une autre expression que j’ai un peu occultée aussi est le « moi faire » ou « moi essayer »
    Le mari d’une de mes sœurs a étudié en France, où il a obtenu un DESS il me semble. A la fin de ses études, le jour du jury, les choses se passent apparemment bien et on parle à bâtons rompus. La présidente du jury lui fait signe que le temps est terminé mais lui, emporté par son excitation, ne peut renier le Mauricien qui refait alors surface. “Moi finir, moi finir !”, implore-t-il. Réponse cinglante de la présidente : “Ah, toi y en a parler petit-nègre.”

  31. Humm, inquiétant, tantôt je vais roder du thé dans un magasin spécialisé, acheter du Roquefort, un yaourt à boire « Lait d’Ici », un sirop de fraise et des pâtes fraîches locales. Dilemme: ek ki zafer mo pou kaav remplass mo boutey rom gro laguel Frégate la?

  32. Your brother-in-law should have told the President to stuff it. Which reminds me of this dialogue:

    « Your Honor, I want a divorce. »

    « Why, ma’am? »

    « My husband’s behavior is so vulgar, I just can’t stand it. Why, when he holds a cup of tea, he insists on sticking his little finger straight out. »

    « But ma’am, in the best society people extend their little fingers when drinking tea. »

    « That may be, Your Honor, that may be. But they don’t hang the tea-bag from it! »

  33. marie-lucie

    The typical, English-style tea-cup has a small, delicate handle which has to be held with the fingertips. Most people’s hands are too big for all their fingers to hold the cup handle, so the little finger is left without a role to play. The problem is how to hold the little finger in an appropriate manner. Different people solve this problem in different ways, usually by holding the little finger away from the other fingers, something which also balances the hand which is holding the cup. The « recommended » method is usually to curl it towards the other fingers, rather than extending it straight out, a more natural gesture but one which brings undue attention to the little finger. Whatever they do, people are often self-conscious about it and persuade themselves that they are emulating « the better class ».

    Drinking tea in a mug, which has a larger, more comfortable handle (as well as a larger capacity), solves the problem (manufacturers of china tea services now make mugs in styles matching the traditional teapots and cups).

  34. Siganus Sutor

    Avant-hier matin, sur RFI (93.2 MHz), il était possible d’entendre un reportage sur le trafic de bois de rose à Madagascar. Le journaliste, qui compte tenu de sa façon de s’exprimer aurait pu être malgache, a utilisé l’expression “pour l’heure”.

    Voilà une expression qui, pouvant signifier “jusqu’à présent”, ne doit pas être très éloignée du “jusqu’à l’heure” mauricien. On la trouve bien dans le Harrap’s anglais/français :

    Pour l’heure (adv) for now or for the time being or for the moment.

  35. En français de France, « pour l’heure » signifie tout simplement « pour le moment » .mais pas « jusqu’à présent ».
    « Je ne peux pas le faire pour l’heure» signifie « je ne peux pas le faire pour le moment ».

  36. Siganus Sutor

    Leveto, il ne me semble pas qu’ici “pour l’heure” ait un sens différent du sens standard. En fait il s’agit d’une expression peu usitée. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’elle soit principalement équivalente à l’expression “pour le moment”. J’ai toutefois l’impression qu’il existe des contextes pour lesquels sa signification se rapprocherait de “jusqu’à présent”.

    Imaginons que je sois un général rebelle ayant presque réussi à renverser un colonel au pouvoir depuis des décennies, colonel ayant accumulé suffisamment d’éléments à charge pour qu’on ait envie de le mettre hors circuit, par la force si besoin, avant de le juger. Imaginons que nous ayons offert une somme — disons 25 millions de dollars — pour tout renseignement à même de déboucher sur sa capture. Disons encore que je suis interviewé par la radio française, qui me demande si j’ai eu des gens qui nous ont contactés à cet effet. Je pourrais alors répondre ceci : “Pour l’heure nous n’avons pas encore été contactés par qui que ce soit, mais nous pensons que d’ici demain, lorsqu’il sera clair que le régime s’est effondré, un certain nombre de personnes seront susceptibles de nous fournir des informations utiles.” Si vous remplacez “pour l’heure” par “jusqu’à présent” dans la (pseudo) citation ci-dessus, il me semble que le sens reste inchangé.

  37. Il me semble aussi que dans bien des contextes, « pour l’heure », qui signifie « pour le moment », peut signifier aussi « jusqu’à présent ».
    Revenant au local « jusqu’à l’heure », je note qu’on trouve dans la langue classique « jusqu’à l’heure présente, jusqu’à l’heure qu’il est, jusqu’à cette heure », mais peu ou pas « jusqu’à l’heure ». D’une autre côté, on connaît toujours « jusqu’alors », dont l’étymologie n’est pas différente de « jusqu’à l’heure » et dont les sens sont voisins. Influence de l’un sur l’autre ?

  38. Oui, bien sûr, selon le contexte , l’expression « pour l’heure » peut signifier « jusqu’à présent », comme d’ailleurs l’expression « pour le moment ».
    D’un fil-de-fériste, on pourra dire : « il n’est pas tombé, pour le moment», mais dira-t-on du même qu’ «il n’est pas tombé pour l’heure » ? La nuance est mince, certes …
    Me revient en mémoire un sketch d’un comique où il est question d’une messagerie téléphonique qui ânonne: « je ne suis pas là pour le moment, laissez-moi un message » et le vieux papa de laisser ce message: « rappelle-moi vite parce que, moi, je suis là, enfin …: pour le moment. ».

  39. Siganus Sutor

    En effet, Olimalia, il existe une forte similitude phonétique entre “jusqu’à l’heure” et “jusqu’alors”, en sus de la similitude sémantique. On remarquera au passage que le TLF donne ceci pour jusqu’alors (à l’entrée jusque)* : “Jusqu’à ce temps ou ce moment-là.” On en revient d’une certaine manière au moment de pour l’heure.

    Revenant au local « jusqu’à l’heure », je note qu’on trouve dans la langue classique « jusqu’à l’heure présente, jusqu’à l’heure qu’il est, jusqu’à cette heure »
    Le 22 janvier 2011 à 18:39 j’évoquais la possibilité que l’expression mauricienne jusqu’à l’heure résulte d’une ellipse de “jusqu’à l’heure actuelle” ou de “jusqu’à l’heure présente”. La contamination par jusqu’alors aurait pu être disons un “facteur aggravant”.

     

    * On pourra noter qu’à cette occasion le dictionnaire donne la citation suivante : “Le jeune Bérenger, jusqu’alors étranger au monde, à ses passions, à ses intrigues, était toujours, à son insu, l’instrument des vengeances du prieur”. Bérenger, vraiment ?

  40. Siganus Sutor

    Hahaha, “Wikipedia, the free encyclopedia that anyone can edit” : elle nous fait rire parfois, quand des petits malins s’amusent à “l’éditer”. Ce qu’on peut lire à l’heure actuelle sur la page en anglais consacrée à notre Grand Leader (de l’opposition) :

    « Berenger was born to descendant of French origin who were established in Mauritius in ancient generations. He has had his high studies in UK and France and in 1969 graduates from the University of Wales with a BA Hons in Met Difé partout and French. »

     

    Leveto, nos commentaires se sont croisés. Bien entendu, tout dépend du contexte. Dans certains contextes certaines phrases peuvent même vouloir dire le contraire de leur sens habituel ! (E.g. “Il va de soit que je ne comprends jamais rien à rien…”)

  41. Pingback: Mauritian words in J.M.G. Le Clézio’s La quarantaine - Christopher Culver

  42. Ce soir en rentrant à la maison j’écoutais distraitement quelques nouvelles sur RFI, la radio mondiale française. On entendait un général français, M. Brisset, parler de la Syrie. À un moment il a dit « jusqu’alors… » J’ai entendu « jusqu’à l’heure », et après quelques secondes je me suis dit qu’il parlait comme un Mauricien. Il a fallu un moment supplémentaire pour comprendre qu’il avait dit « jusqu’alors ». C’est vendredi soir (et 13e jour du mois), on a le droit d’être fatigué, non ?

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