Caper

Caper.
Verbe transitif.

1. Manquer les cours qu’on devait avoir, faire l’école buissonnière, “sécher” (y compris autre chose que les cours — voir le troisième exemple ci-dessous).

Jamais je n’ai capé l’école quand j’étais petit ! Pas comme certains de mes camarades…

Alors mon Ange, tu cape[s] l’école demain ?” (Forum Ile-Maurice.com.)

Il trouve toujours un prétexte pour caper le bureau.” (Nadia Desmarais, p. 20.)

Mo kontan kap lekol mo bon senier.” (Traduction de Hamlet en créole, Dev Virahsawmy.)

Selon Robillard, qui cite Baker et Hookoomsing, le mot viendrait d’un français dialectal dans lequel caper signifie échapper. En effet, dans un Dictionnaire rouchi-français (Gabriel Hécart, 1834 — le rouchi étant un dialecte de Picardie), on trouve ceci, à la page 159 du fichier en pdf :
ÉCAPER, échapper. De l’espagnol escapar, échapper. « Il a écapé d’ète riche. » Il est pauvre.
Dans ce même dictionnaire on trouve aussi une expression “à l’écapée” signifiant “à la dérobée”.

En outre, en dialecte normand “se caper” peut aussi vouloir dire “se cacher, se mettre sous cape”, “se renfrogner sous cape”. (On pourra par ailleurs penser à l’expression de marine “à la cape”, mettre à la cape voulant dire effectuer une manœuvre, adopter une allure de façon à fuir le mauvais temps, à échapper autant que possible aux assauts du vent et des vagues.)
 
 
2. Mordre.

Ah non, moi je ne passe pas par là. J’ai pas envie que ces chiens-là viennent caper mes fesses.”

Ce sens du verbe caper est souvent utilisé en parallèle avec l’expression foutre cape :

Elle a excité le chien avec un bout de viande qu’elle secouait devant son nez. A la fin il l’a foutue cape.”

On était en train de donner à manger aux poissons à Blue Bay quand un cateau l’a foutu cape dans le pouce.”

Robillard cite Chaudenson cette fois-ci, lequel évoque un “fonds français”.

16 réponses à “Caper

  1. marie-lucie

    ÉCAPER, échapper. De l’espagnol escapar, échapper.

    Je doute fort que le mot picard vienne de l’espagnol. Au contraire, les trois verbes donnés ont tous la même origine. La seule différence de son entre le français et le picard (ici) est que l’un a ca (avec le son k) et l’autre cha, mais cette correspondance existe aussi dans d’autres variétés du français de la moitié nord du pays, par exemple cape et chape (un vêtement ecclésiastique, et aussi une protection dans certains appareils) viennent de dialectes français différents.

  2. zerbinette

    Caper, ancien français : prendre, saisir

    « Amours tu m’as si fort capé
    Que ne puis avoir eskapé
    Le cuer qi m’a pris et loiiet. »

    (Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXème au XVème siècle de Frédéric Godefroy )

    http://www.micmap.org/dicfro/?d=gdf&w=caper

  3. Siganus K.

    M.-L. : Je doute fort que le mot picard (écaper) vienne de l’espagnol.

    C’est ce que je me disais aussi, mais sait-on jamais… Ce qui me semble plus probable, c’est que et écaper et escapar ont une origine latine commune (cf. TLF, échapper, du latin vulgaire *excappare, dér. du bas latin cappa « sorte de coiffure; manteau, chape, froc »).

  4. marie-lucie

    probable … que et écaper et escapar ont une origine latine commune

    Jje vois que ci-dessus j’ai négligé de préciser que cette même origine était latine.

    Comme l’espagnol et le français sont des langues romanes, c’est-à-dire qu’elles se sont formées au cours des siècles à travers les transformations locales du latin parlé dans l’empire romain, la plupart des mots de leur vocabulaire ont la même origine latine .

  5. Siganus K.

    Certes, l’espagnol — ou plutôt le castillan — et les différentes variétés de français sont des langues latines, mais rien n’empêcherait en théorie qu’une langue romane emprunte un mot à une autre langue romane sans que le mot en question ait lui-même une origine latine. Le corpus lexical d’une langue romane ne peut bien évidemment pas être le calque d’une autre langue romane, chacune ayant accommodé à sa sauce propre le lexique latin.

    Dans le cas qui nous intéresse il paraît peu probable, en effet, que le mot picard soit issu du mot castillan, encore que certaines filiations aient de quoi nous étonner. Peut-être l’auteur, au début du XIXe siècle, a-t-il remarqué une analogie entre le mot picard et le mot espagnol et a-t-il sauté un peu vite à certaines conclusions.

  6. « Escapar », de « ex » (dehors) et « cappa » (cape) :
    http://buscon.rae.es/draeI/SrvltGUIBusUsual?TIPO_HTML=2&LEMA=escapar
    En latin : « fugio, evado, elabor …» mais pas semblable.

  7. marie-lucie

    Siganus, je suis tout à fait d’accord avec vous en principe, mais en linguistique historique il y a des façons de déterminer si deux mots qui viennent d’un ancêtre commun ont évolué indépendamment (comme les mots qui vous avez cités) ou si l’une des deux variétés de langue a emprunté un mot à une autre, par exemple si le picard a vraiment emprunté un mot espagnol. Ce genre de détermination repose non sur l’examen de paires ou groupes de mots isolés, mais sur l’identification des régularités de correspondance entre les sons contenus dans ces mots par rapport à leur ancêtre commun (par exemple « ca » en latin, en picard et en espagnol = « cha » en français): les correspondences qui n’obéissent pas à ces règles générales indiquent les emprunts. Par exemple, les mots échappée et escapade sont bien d’origine latine, du même mot latin reconstruit comme *excappata, mais les sons du premier sont passés par les changements généraux entre le latin et le français (p.ex. -ata a évolué progressivement pour devenir -ée), tandis que le deuxième a été emprunté avec un minimum de changements soit à l’espagnol soit à l’occitan, langues qui ont subi leur propre évolution à partir de l’ancêtre latin, évolution qui n’a pas été aussi extrême que celle du français.

  8. marie-lucie

    Et comme vous le dites, l’origine commune peut elle-même être un emprunt dans l’une des langues: par exemple, certains mots français empruntés à l’espagnol avaient été eux-mêmes empruntés à l’arabe. En latin même, un certains nombres de mots avaient été empruntés au grec, à l’étrusque ou même au gaulois, mais ils se sont développés dans les langues romanes de la même façon que les mots latins de souche.

  9. école buissonnière
    messe gargotière
    récolte tavernière
    belles bayadères

  10. Spanish in particular has literally thousands of loans from other Romance languages, including Italian, French, Catalan, Occitan, and Portuguese. Particularly notable is the name of the language itself, español, which is of Occitan form: the native form, if it had survived, would be españón.

  11. >John Cowan
    Oui, mais, à la fin, « español » est emprunté au latin medieval « hispaniolus ».

  12. marie-lucie

    JC, since there are many dialects in Spain, perhaps some of the « loans » are actually dialectal forms which are indistinguishable from those of neighbouring languages (and dialects thereof)?

    For instance, perhaps the suffix in español is indeed Occitan (there are other examples of this suffix), but the Italian counterpart is spagnolo, also with l. I don’t have an historical grammar to refer to, but perhaps dissimilation of n to l in a nasal context is a factor in all these languages (there are a number of instances of that correspondence). (The French word has to be a direct borrowing from Spanish: if from Occitan, it would end in -oul not -ol),

  13. marie-lucie

    « español » est emprunté au latin medieval « hispaniolus ».

    Est-ce que ce pourrait être le contraire: que le mot latin médiéval a a été formé à partir de la prononciation en cours à l’époque? y a-t-il un mot attesté dans une forme de latin plus ancienne?

  14. >Marie-lucie
    « y a-t-il un mot attesté dans une forme de latin plus ancienne? »
    Comme vous savez, Hispania était une province de Rome donc notre gentilice était « hispanus, i ».

  15. >Marie-lucie
    J’ai trouvé ce lien, en espagnol, où on parle de l’origine du mot « español » :
    http://culturitalia.uibk.ac.at/hispanoteca/Lexikon%20der%20Linguistik/e/ESPA%C3%91OL-ORIGEN%20DE%20LA%20PALABRA.htm

  16. marie-lucie

    Muchas gracias, Jesus, el articulo es muy interesante.

    Cet article démontre bien que le suffixe -ol doit provenir de l’occitan, comme dans le mot cévenol ‘habitant des Cévennes’ (qui est écrit « cévenlo » dans le texte, mais il s’agit d’une faute d’orthographe). En occitan moderne, ce suffixes se prononce -oul, mais pas dans les mots français qui sont des emprunts de longue date, comme cévenol et espagnol (et aussi les noms de famille comme Chabrol et Pagnol).

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