Créole

Créole.
Nom masculin ou féminin et adjectif.

Personne ayant des ascendants africains. Dans un sens plus large et plus récent, on pourra désigner par Créole une personne n’ayant pas forcément un phénotype africain, i.e. ne pouvant en principe revendiquer une ascendance africaine, mais qui n’entre pas dans les autres catégories traditionnelles de la société mauricienne (musulmans, hindous, blancs, chinois). Les Créoles font partie de la « population générale », une des quatre communautés prévues par la Constitution.

Ce sens mauricien ne correspond pas à celui qu’on trouve dans le dictionnaire français : « Personne de race blanche, née dans les colonies intertropicales, notamment les Antilles » (Le Petit Robert 2006, lequel renvoie pour l’occasion à l’entrée béké). Robillard, pour sa part, dit ceci : « A Maurice, le terme connaît une restriction de sens importante, puisqu’il ne peut, au contraire de ce qui se passe dans d’autres zones franco-créoles, s’appliquer à des “Blancs”.” Cependant, il me semble que ces dernières années, dans l’ensemble de la francophonie créolisante, le mot créole, souvent écrit kréol, s’identifie de plus en plus à des gens qui ne sont pas « de race blanche ». On pourrait alors dire que dans le monde entier — le monde francophone — le terme se mauricianise.

« C’est avec une conférence publique sur le thème «Viv to kréolité» au centre de conférence de Grand Baie en présence du président de la République que s’est ouvert le Festival International Kreol (FIK) 2009. […]
Xavier-Luc Duval, initiateur du festival, a, quant à lui, exhorté son audience à être fière d’être créole et de transmettre cette fierté à ses enfants. «La culture Kreol n’est ni inférieure ni supérieure à une autre culture», soutient le leader du PMSD. » (Festival International Kreol officiellement lancé ce samedi 28 novembre, L’Express du samedi 28 novembre 2009.)

Ce qui est chagrinant ici, c’est entre autres de voir que Jugnauth a cru bon, pour les besoins de la cause, de se déguiser en ségatier revêtu d’une flamboyante chemise orange (voir photo dans l’article ci-dessus). Que Duval fils juge nécessaire de se couvrir le chef d’un chapeau en paille, c’est déjà assez risible en soi — tous ces déguisements que nos politiciens sortent des placards suivant l’occasion constituent en eux-mêmes des mauricianismes on ne peut plus typiques —, mais de voir notre vénérable président ainsi accoutré frise le ridicule. (Enfin, c’est sûrement le jaco chagrin sommeillant en moi qui s’est réveillé une fois de plus.)

Le mot créole est un mot susceptible de créer un certain nombre de confusions, intentionnelles ou fortuites. Car le créole est aussi une langue, utilisée par l’immense majorité des Mauriciens, toutes communautés confondues, et le fait qu’on emploie le même substantif (ou le même adjectif) pour parler et de la langue et des membres d’une communauté particulière peut être générateur de malentendus, voire de tensions, par exemple lorsque certaines revendications sont mises en avant ou lorsque le créole est vu comme une menace pour d’autres langues dites « ancestrales ».

Mo papa kréol
Mo mama kréol
Abé moi mo bizin kréol
Paski dan dizef poule
Pa kapav gaign ti kanar

(Serge Lebrasse)

26 réponses à “Créole

  1. Euh oui, le sens linguistique peut égarer énormément, parce que sur le modèle de ce qui s’est produit dans les anciennes colonies françaises aux Antilles ou dans l’océan Indien, le créole désigne une langue nouvelle avec une couche lexicale venue d’une ethnie dominante et une articulation grammaticale et phonétique venue de l’ethnie dominée. Il y a un concept plus général de créolisation de la langue. C’est ainsi que l’on parle du français comme d’un créole, sans qu’on sache si c’est plus du gaulois et du latin ou du gallo-romain et du francique. J’ai moi-même répondu à Et si 7 en parlant du yidiche comme d’un créole allemand. C’est ainsi que l’on trouve des créoles – selon certaines définitions – en Afrique continentale comme le nouchi parlé dans les grandes villes en Côte d’Ivoire. Et si nous parlions en fait des langues créoles depuis des milliers d’années et toujours en voie de créolisation ?

  2. effectivement,je partage cette proposition de dominique que les langues se créolisent depuis des milliers d’années ,comme il se « voit »:
    http://www.dailymotion.com/video/x8xvle_kyrie-misa-criolla-guarachas_music

  3. « Créole » in Louisiana is also a contentious word. Still! Even though creole culture is near-extinct there, some old folks want to see a corpse divvied-up.

    No matter how you write it (« kréyòl la Lwizyàn », etc.) the word really does carry its own broadest definition, not its narrowest. It’s carpetbaggery to advocate otherwise.

  4. Dominique: C’est ainsi que l’on parle du français comme d’un créole, sans qu’on sache si c’est plus du gaulois et du latin ou du gallo-romain et du francique.

    Qui est ce « l’on » ici? Est-ce que cette opinion n’est pas un peu exagérée (en réaction contre « le français vient du latin, point final »)?

  5. Originally Creole only meant one thing: someone born in a colony all of whose ancestors came direct from Europe. I say « direct » because in Louisiana the Cajuns (exiles from Acadia and their descendants) were not considered Creoles.

    To linguists today, creole means specifically a language descended from a pidgin (that is, a fragmentary language arising from close contact between peoples who do not have a common language; only a handful of these survive today). Ethnologue lists no less than 82 creoles: 32 based on English, 13 on Portuguese, 11 on French, and the rest based on Afrikaans, Arabic, Assamese, Dutch, German, Hindi, Kongo, Malay, Ngbandi, Spanish, Swahili, and Tetun.

    Everyone else must carefully consult the prevailing winds before using the word properly.

  6. John Cowan a raison, il y a une définition technique des créoles en linguistique, qui ne s’applique guère aux origines du français. « Se créoliser », pour une langue, ne veut pas dire la même chose qu’adopter des mots ou des traits d’une autre langue.

  7. Ethnologue n’est pas une source sérieuse d’information. C’est fait par des amateurs dans un but religieux.

  8. fichtre!
    j’ignore bien ce que dominique entend par une « source sérieuse d’information » et a fortiori « un but religieux »!
    il est vrai que ce sont ces questions qui rendent passionnants des essais publiés exploitant des graffitis( d’ailleurs aujourd’hui acquis par des institutions) sur des affaires qui ont donné lieu à des procès !
    les notions d’expertise , de dilettantisme, « amateurisme  » et « sérieux » sont d’ailleurs celles sur lesquelles , et de très loin aujourd’hui ,convergent ce qui, en philosophie s’explicite comme « différend » (Lyotard) et « mésentente »(Rancière) !
    Et je me demande si cela n’est pas, comme j’ai entendu une philosophe (très connue) le répondre à une psychanalyste qui lui demandait en quelque sorte si elle ne se mentait pas à elle-même -il ne s’agissait pas de « religion »- ..indépassable

  9. >Marie lucie
    voici un bref entretien sur la toile qui est une excellente source de….. questions
    http://www.espacestemps.net/document2142.html

  10. Ethnologue est rédigé par des informateurs locaux qui ne possèdent souvent aucune compétence pour traiter de sujets linguistiques. Il y a des pages ahurissantes où l’on invente des langues qui n’existent pas et où on ne donne pas la réalité éducative d’un pays. Tout cela parce qu’il a suffit d’un seul chrétien évangélique sur place pour donner des renseignements qui n’ont jamais été vérifiés, recoupés. C’est bien pis que Wikipedia où l’on peut encore corriger.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/SIL_International

  11. >dominique
    évidemment je suis incapable de retrouver dans mon « bardadrac »- vous savez d’où je prends ça , mais Genette dit qu’il l’avait lui-même récupéré,ce joli mot qui ne fait pas encore concurrence à « cabas »-une note happée dans courrier international sur un new -born -linguiste -par – amour qui était parti avec sa femme évangéliser une petite population dont la langue n’aurait pas été reconnue jusque-là; femme avec laquelle il eut des enfants ; jusque là tout va bien; mais avec les années, le goût du travail, et l’amitié pour la population en question, il perdit la foi, et se décida à le dire à son épouse : horreur pour l’épouse et les enfants et ils divorça ! Par contre il soutint son travail avec une passion libérée et redoublée !
    c’est certain que j’ai lu ça dans Courrier international la première fois , l’article évoquait
    Chomsky (et alii) , mais je n’arrive pas à y revenir , et l’expérience -la mienne! – m’a appris à ne surtout pas m’obstiner à « chercher » ! et bien évidemment , cela m’apparaît d’autant plus passionnant maintenant!

  12. évidemment, ils divorcèrent ; et il divorça.
    il me semble que la population était amazonienne;
    disons , pour ne pas me tromper, d’Amérique latine !

  13. et si 7

    Le linguiste dont vous parlez, issu d’un milieu très humble, et qui a commencé comme missionaire évangélique, est Daniel Everett, qui a exercé son activité chez les Piraha (tilde sur le dernier a, on prononce donc à peu près « pirahain »), un peuple autochtone du Brésil, amazonien en fait. La langue et la culture de ce peuple, avec lequel il reste en contact, l’ont profondément influencé à tous points de vue. Au point de vue religieux, il a perdu la foi, et au point de vue linguistique, il est passé de la théorie de Chomsky (qui, malgré sa prétention à être universelle, est en fait fondée sur la structure de l’anglais) à une théorie différente qui est prise au sérieux par les linguistes.

    Quant à l’entrevue avec Jacques Roncière, je me demande ce qu’elle a à voir avec la définition du mot « créole », ou avec la linguistique en général.

  14. Pour plus de renseignements (en anglais) sur Dan Everett et les Piraha:

    http://www.languagelog.com (« Kaioà », 25 novembre)

    http://www.llc.ilstu.edu/dlevere (page de D.E.)

    http://www.llc.ilstu.edu/dlevere/Piraha/vids/index.shtml (catalogue de vidéos)

  15. >marie lucie
    effectivement , c’est bien lui!
    pour J.RANCIERE : VOYEZ vous-même !

  16. >Marie-lucie
    tout de même ai-je trouvé des ronciers que voici

    http://www.cnrtl.fr/definition/roncier

  17. Pardon, j’ai fait une bêtise pour l’adresse de Language Log:

    http://languagelog.ldc.upenn.edu/nll/

  18. … et une autre pour le nom de Jacques RAncière (que je ne connaissais pas). Mais je ne sais pas ce qu’il faut que je VOIE à propos de lui.

  19. Ethnologue n’est pas une source sérieuse d’information. C’est fait par des amateurs dans un but religieux.

    Il y a peut-être des amateurs parmi les contributeurs, et quelquefois ils coupent les cheveux en quatre pour identifier comme langues ce qui ne sont que des variétés régionales très voisines, mais il n’y a pas que des amateurs, loin de là. Il ne faut pas se fier aveuglément à Ethnologue, mais c’est quand même une ressource très utile, et pas seulement pour les traducteurs de la Bible.

  20. très évidemment avez-vous lu l’article d’U . Eco sur ce que nous voyons… et ne voyons pas , et comment cela l’amène à parler de « créolisation » en français standard »: voici la citation :
    « Ira-t-on vers un goût généralisé, au point que l’on ne pourra plus distinguer la pop chinoise de la pop américaine ? Ou bien verra-t-on se dessiner des formes de créolisation, de sorte que des cultures différentes produiront différentes interprétations du même style ou programme artistique ? »
    dans http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/11/28/l-art-a-l-ere-du-village-mondial-par-umberto-eco_1273477_3232.html

  21. très évidemment avez-vous lu l’article d’U . Eco …

    et si 7, j’ai cru que vous me posiez une question avec cette inversion, mais je crois que vous vouliez dire « vous avez certainement lu … », non?

    Non, je ne l’ai pas lu, et le mot « créolisation » semble avoir ici un sens très différent de son sens technique en linguistique, qui est celui que je connais.

  22. Ce billet avait davantage trait aux gens qu’on appelle Créoles qu’à la langue qu’on appelle créole, mais bon, les Mauriciens étant assez rares ici il était presque normal que la question de la langue domine les commentaires.

  23. Est-ce qu’il faut donc interpréter le mot « créolisation » employé par Eco comme synonyme de « métissage »?

  24. Je ne sais pas, Marie-Lucie. En tous cas moi je ne le comprends pas comme cela, même si dans les faits la plupart des Créoles ont une ascendance mixte (ce qui n’est pas obligatoire pour être créole). Enfin, on peut se demander ce que veut dire « mixte » quand on parle d’un « mélange » ayant eu lieu bien des générations auparavant dans la plupart des cas. On pourrait dire que Barack Obama est un métis, mais pourrait-on dire la même chose de ses enfants, et, a fortiori, de ses petits-enfants dans le cas où ses filles épouseraient des « African-Americans » ?

  25. Le mot « métissage » peut s’employer non seulement au sens concret mais au sens figuré s’il s’agit d’un mélange culturel. On dirait que c’est dans ce sens qu’Eco emploie « créolisation », terme linguistique à l’origine.

  26. Sur le blog du journaliste Rabin Bhujun, les pensées d’un commentateur sur le fait d’être un Créole à Maurice et d’être vu (ou pas vu) en tant que tel : http://sansconcessions.wordpress.com/2009/11/29/viv-to-mauricianisme/#comment-591

    (…) Quand on dit par exemple que tous ceux qui sont nés dans les îles sont créoles, c’est pour moi un non sens. Quand ceux utilisant le langage créole sont considérés ou se disent créoles pour cette raison, c’est une autre méprise. Que le langage créole soit le plus utilisé à Maurice ou que le séga soit devenu un symbole du pays ne fait pas que tous les Mauriciens soient créoles.
    Bien sûr le Créole forme partie de la société mauricienne. Mais quand l’on cherche à ne voir en lui que le Mauricien et non le Créole également ou que l’on tend à le rendre coupable de se dire créole par rapport au mauricianisme, c’est un autre pas qui ne devrait pas être franchi.
    (…)

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