Nénène

Nénène / nénaine.
Nom féminin.

Nounou, bonne d’enfants.

“Julie et sa nénène, Grand Baie – 1979”
Extrait de Mauriciens, Yves Pitchen

Qu’est-ce que tu radotes alors? S’il y a une nénène pour veiller l’enfant qu’est-ce que tu fais toi? Pas dire moi ki to veilles la nénène qui veille ton petit-enfant!
(Jean-Claude Antoine, Week-End, 15 novembre 2010.)

Deux fois Émile Galantie l’avait sauvé de ses créanciers. Il lui servait même une rente, moitié je crois dans l’espoir de calmer ses velléités subversives, et moitié pour qu’il pût entretenir la vieille nénène qui avait la garde de son fils, cet André dont nul ne tenait à hériter.”
(Loys Masson, Le Notaire des Noirs (1961), page 15.)

Tant pis donc pour ceux assez sadiques pour faire bosser un cuistot ou une nénène au-delà de 22 heures, après huit heures de boulot “normal”, un dimanche ou un jour férié où tout le monde (mais pas les mères de famille…il faut bien que quelqu’un se sacrifie dans une maisonnée) est censé pouvoir s’amuser et même participer à la liesse nationale.”
(Yvan Martial, L’Express, 23 octobre 2006.)

Les passagers les plus «difficiles» sont, sans conteste, les Mauriciens de l’étranger, qui se croient «propriétaires» d’Air Mauritius et qui sollicitent des services qu’ils ne feront jamais sur une autre compagnie étrangère. Un exemple : celui qui va se moucher sur le fauteuil et qui va exiger que vous veniez essuyer cela. Ou encore celle qui va exiger que vous changiez la couche de son bébé. «Vini, vini, ou mem nenenn, pa vre ?»
(La Vie catholique, 12-18 janvier 2007.)

Sa pension ne suffisant pas, sa mère travaille « kom nenen » pour subvenir aux dépenses de la famille.”
(Week-End/Scope, 25 août 2010.)

 

Selon divers auteurs (Baker & Hookoomsing, Robillard, Beniamino, Nallatamby, Carpooran), le mot est issu du français dialectal. Baker et Hookoomsing (1987) précisent que le mot est attesté en créole depuis 1878 et mentionnent un nène signifiant “marraine” ainsi qu’un ninnin signifiant “nourrice” (l’origine de ces mots est peu claire dans leur dictionnaire). Pour sa part, Carpooran (2011) mentionne nénaine, du français dialectal, sans plus de précision.

Yves Pitchen, Mauriciens, éditions Husson, 2006.


 

On retrouve le mot à la Réunion, où il a la même signification qu’à Maurice (cf. Michel Beniamino, en lien sur la partie droite de cette page). Quelques exemples relevés sur Internet :

Notes de l’auteur : Le mot nénène signifie en créole de la Réunion, bonne d’enfants ou nourrice. Autrefois, il s’agissait souvent de jeunes filles, parfois d’enfants, pauvres ou orphelines, placées par leur propre parenté dans des familles aisées. Elles y étaient préposées à la surveillance des enfants mais participaient aussi à toutes les autres tâches ménagères. Elles demeuraient au sein de la famille jusqu’à leur mariage. Parfois elles n’en partaient jamais. On pourrait dire aujourd’hui qu’elles étaient exploitées mais dans le contexte social de l’époque, cela évitait à bien des enfants l’humiliation d’être des « ramassés » par l’Assistance Publique. Avec l’avènement des lois sociales, les nénènes sont devenues des employées de maison et ont perdu leur rôle affectif..
(Nicole Baret, blog, 23/10/09.)

Ce développement a ouvert la voie du travail aux femmes. On pourrait dire que celles-ci sont passées du statut de la “nénaine” à celui de l’institutrice ou de la caissière de magasin, en l’espace de deux générations.”
(Témoignages, 1er juillet 2004.)

 

Par glissement de sens — et puisqu’il a souvent dû être demandé à la nounou de donner un coup de main pour les tâches ménagères —, le mot nénène est aussi arrivé à signifier “femme de ménage, servante”. En deuxième définition Robillard donne ceci :

Nénène [2] – n.f. cour. gén. neutre ‖ Bonne à tout faire. La nénène pourra peut-être s’occuper de faire les lits. Étymol. : généralisation de nénène [1].

Une telle acception se retrouve dans cet extrait de roman :

Là, plus personne ne pouvait nous surprendre puisque je n’ai jamais eu d’employée de maison (Aunauth dit « employée de maison » au lieu de « femme de ménage » ou du traditionnel « nénène » usité chez nous ; ça semble un peu prétentieux dans sa bouche, on ne saurait dire pourquoi.)
(Marie-Thérèse Humbert, A l’autre bout de moi (1979), page 357.)

Ou dans cet article de journal :

Les patients en colère indiquent que la situation est toujours la même, ces derniers mois, à cet hôpital. « Kan mank docter, bizin employ lot docter. Nu patients ki souffer. Ou kroir, mo plaie pe soupiré, mo kapav resté assizé lor ban enn zourné ? », s’exclame une habitante de Cité Martial. Et les autres d’ajouter : « ici, nenenn ki donn lord. Zot ki fer la loi are ou. Kan demandé ki pe arrivé, ki fer tardé, bann la dir, attan ou tour ».”
(Week-End, 15 février 2009.)

 

Ѫ

 

(PS — Les photos en noir et blanc sont tirées de Mauriciens, un livre du photographe Yves Pitchen.)

 

 

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Mise à jour du 25 août 2011.

Le 24 août 2011 à 16:37, Leveto a posté un commentaire dans lequel il évoquait un livre où il était possible de trouver de très intéressantes informations à propos du mot nénène, un mot signifiant “marraine” dans certains dialectes des régions de l’Ouest de la France comme la Vendée. Le livre, intitulé Richesses du français et géographie linguistique, a été écrit sous la direction de l’universitaire André Thibault avant d’être publié en 2008. Aux pages 61 et 62 il est possible de lire ce qui suit :
 

6.10.1.6 Nénène

                  Nénène n.f. « marraine » (FEW)

                 « Il prétexta une visite à sa tante Émilienne […]. [T]u t’intéresse enfin à ta nénène ? Elle était sa marraine. » (Vigne, 149)

Le régionalisme lexical limité au registre familier ne figure pas dans les sources générales et différentielles consultées, mais a été retenu en Vendée pour le discours dialectal (Svenson 1959 nénèn ; Arantèle 1983 nenène). Pour le français, Pierre Rézeau enregistre la variante nêne, plus répandue dans l’Ouest de la France (cf. Rézeau Ouest s.v. nêne). Le diatropisme est issu d’une famille lexicale des dialectes gallo-romans du Sud : il s’agit d’une innovation régionale (créée en milieu soit dialectophone soit français), non pas par redoublement à partir de nêne, mais par assimilation régressive de la consonne initiale [m] aux deux autres consonnes [n] à partir d’un type menène/ménène/mènène (issu de men-, cf FEW VI/1, 702a s.v. men-). Voir aussi les variantes dialectales mnit (Vendée), mni, mnin, meni (Centre-Ouest). Un entretien avec l’écrivain* a permis de préciser que la variante, ressentie comme un diminutif de nêne, est tout à fait usuelle dans son entourage familial.

Dans Vigne, le régionalisme apparait également dans le récit (Vigne, 150). En parlant à Angéline par contre, Philbert utilise le mot marraine, qui est plus approprié ici parce que plus distancié (Vigne, 154 ; cf. aussi Claudine, 92 2x, 119). Le régionalisme rendu inéquivoque par un commentaire métalinguistique qui suit immédiatement le particularisme (‘elle était sa marraine’), semble être attribué à la langue plutôt parlée et sert à souligner l’affection que porte la locutrice à son neveu.

 

* L’auteur dont il est question ici est Yves Viollier, un Vendéen ayant écrit un certain nombre de romans à forte connotation régionale. Trois de ses livres ont été analysés par l’auteur de la partie sur les régionalismes de l’Ouest (Inka Wissner) et la citation figurant au début de l’extrait ci-dessus est tirée du roman Les Pêches de vigne (1994).

 

 

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Mise à jour du 21 octobre 2011

Notre correspondante Alsace nous fait parvenir une photo d’elle enfant, dans les bras de sa nénène, ainsi qu’une photo d’une sienne cousine soutenue elle aussi par la nénène (une autre ?).

C’est ainsi que sur la même page cohabitent petite-fille et grand-mère, par-delà les générations — de nénènes. (Voir les commentaires ci-dessous.)

 

 

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Mise à jour du 14 avril 2012

Un livre écrit par une Américaine du Sud (et non par une Sud-Américaine, ce qui ne serait pas exactement la même chose) a pour sujet principal la condition de nénène dans des familles blanches d’une ville du Mississipi. Il se trouve être dans le droit-fil de ce billet-ci.

Dans The Help, Kathryn Stockett évoque avec talent les relations — parfois ambigües — qui ont pu exister, dans un ancien État confédéré, entre des employeurs blancs et leurs employés de maison noirs.

 

 

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Mise à jour du 19 mai 2013

“Lindsay et Laurencia étaient déjà là quand Bénie, à cinq ans, est arrivée de Londres avec ses parents. Laurencia est devenue sa nénène* et l’a suivie comme son ombre jusqu’à l’âge de l’école, plus attentive que sa propre mère.”
(Geneviève Dormann, Le Bal du dodo (1989), page 18.)

* l’italique est de l’auteure (française), laquelle précise au sujet du mot nénène, dans une note en bas de page : “bonne d’enfant, nourrice”

22 réponses à “Nénène

  1. Bonjour a tous…
    merci a notre Siganus national pr l expo Nénéne..
    IL faut absolument que ce terme de nénéne reste dans notre patois car Nounou..cela fait snob et 16 eme arrondissement;!!!
    On écrit ausii nainaine..mais a mes yeux cela est pas beau ..on a l impréssion de dire une naine…
    Pour votre info sachez que la photo de la petite fille avec son seau ‘Séo » et sa nénéne , est la photo de ma petite fille, Inès lagesse fille d Arnaud et de Manuela…
    Ces nénénes étaient nos 2eme maman et leurs dévotions étaient sans limites…J ai qqs photos de nénénes avec leur grand tablier dont une avec moi a l age de 4 ans je crois sur une plage unspoiled de maurice..
    Si Siganus les veut se sera avec plaisir…
    Salut…a tous….

  2. Une recherche à propos de ce mot que je ne connaissais pas m’apprend qu’il s’agirait bien d’un dérivé de marraine utilisé notamment en Vendée. On peut lire un extrait de Richesses du français et géographie linguistique en cliquant ici.

  3. Siganus Sutor

    Alsace, quel âge a-t-elle donc maintenant ? (Je parle de la nénène bien sûr.) Si, comme il est indiqué dans le lien fourni par Leveto, le mot nénène est bien apparenté au mot marraine (“godmother” en anglais), alors cela serait tout à fait dans l’ordre des choses qu’une nénène soit considérée comme une deuxième maman.

    Ce serait avec plaisir que je mettrais sur cette page-ci votre photo à l’âge de 4 ans en compagnie de votre nénène. Ainsi la grand-mère et la petite-fille seront-elles ensemble par-delà les générations.

    On m’a raconté l’histoire d’un petit garçon né dans une famille de la bourgeoisie blanche mauricienne — une famille francophone — et qui, ayant principalement été élevé par sa nénène (les parents se contentant apparemment d’un bisou de temps à autre), ne savait parler que créole jusqu’à l’âge de cinq ans. Cela vous semble-t-il plausible ?

     

    Leveto, je crains de ne pas avoir votre habileté à trouver la bonne référence sur la Toile. Mille mercis pour cette indication on ne peut plus utile. (Je vais ajouter au billet ce qui est écrit dans ce livre*.) Le mot mauricien vient donc, selon toute vraisemblance, du dialecte parlé dans l’Ouest de la France.

     

    * Livre dont un des auteurs a d’ailleurs déjà commenté ici-même, sur la page “Suggestions”, en juillet 2009.

  4. Siganus Sutor

    PS — Leveto, une idée quant à ce qu’est Vigne, le livre dont il est question à l’adresse que vous avez fournie ? Ainsi que sur l’identité de son auteur, qui aurait été interrogé par un des auteurs de “Richesses du français et géographie linguistique” ?

  5. En fait, il faut aller à la page 13 du livre Richesses du français… où les auteurs expliquent leur méthode et donnent les références des livres qu’ils ont utilisés.
    Et, donc voici ce livre.

  6. Ouh la la ! Excusez mes balises, Siganus! Peut-être avez-vous la possibilité de rectifier, ça m’éviterait d’encombrer votre blog …

  7. My guess would be that this is a papa-mama word: that is, it starts out as an infant’s babble sound, and is turned into a word by the adults who hear it. Common papa-mama words in the world’s languages mean things like « father », « mother », « older brother », « older sister », (but not « younger brother » or « younger sister »), « grandfather », « grandmother », « milk », « breast », « bread », « food », « water », « blanket », « little », « toilet », « diaper/nappy », and other matters of concern to babies; « nursemaid » would certainly be one of these.

  8. marie-lucie

    Quand j’étais petite (jusqu’à l’âge de 5 ans) mes parents connaissaient un couple âgé qui avait plus ou moins adopté notre famille (c’était pendant la guerre, et nous étions loin de nos grands-parents). Je passais beaucoup de temps avec eux, ils étaient pour moi exactement comme des grands-parents, et je les appelais comme le faisaient leurs petits-enfants: Nène et Papé. Papé était du Nord de la France (c’est-à-dire à l’extrême Nord, près de la Belgique) et je ne sais pas de quelle région était Nène.

    Alsace: vous trouvez vraiment que « nounou » fait snob! il est vrai qu’il faut avoir les moyens de payer une nounou, mais le mot lui-même n’a rien de snob: c’est comme « nène » pour vous.

  9. marie-lucie

    Siganus: Pour ce qui est de l’enfant qui n’a parlé que créole jusqu’à cinq ans, c’est fort possible: il comprenait peut-être un peu le français, mais si les parents étaient aussi distants que vous le dites, il n’avait peut-être jamais l’occasion d’avoir de véritables conversations avec eux. On n’apprend à parler qu’en essayant de communiquer avec ceux qui nous parlent, il ne suffit pas d’écouter sans avoir besoin de répondre.

  10. marie-lucie

    (nounou) c’est comme « nène » pour vous

    Pardon, je voulais dire « Nénène ».

  11. Siganus Sutor

    Pour ce qui est de l’enfant qui n’a parlé que créole jusqu’à cinq ans, c’est fort possible: il comprenait peut-être un peu le français, mais si les parents étaient aussi distants que vous le dites, il n’avait peut-être jamais l’occasion d’avoir de véritables conversations avec eux.

    Marie-Lucie, cette histoire date d’entre les deux guerres mondiales, donc bien avant mon temps. Il est fort possible que ceux la racontant aient quelque peu déformé les choses. Dans une certaine mesure cela paraît étonnant qu’un enfant ne parle pas la langue de sa mère, mais en même temps s’il passe la majorité de son temps avec sa nounou, sans doute se créé-t-il un lien linguistique plus fort avec cette dernière qu’avec sa mère, d’où la propension à parler la langue de la nénène — jusqu’à un certain âge.

     

    John, you might be right. The evolution of marraine (godmother) into nénène might primarily pertain to children’s speech. But instead of having an infant’s babble turned into a proper word, I would say that it is an adult’s word that has been “childified”.

  12. marie-lucie

    un lien linguistique plus fort avec la nounou qu’avec la mère

    Oui, c’est exactement ce que je veux dire. Il y a aussi le fait que les enfants veulent communiquer avec les adultes (surtout les parents) mais ça ne veut pas dire qu’ils veulent parler exactement comme eux, surtout s’ils sont conscients qu’il y a des variantes qui paraissent réservées à l’un ou à l’autre groupe. Je me rappelle qu’à un certain âge – sans doute avant 6 ans – je savais fort bien que si ma mère disait « Je ne sais pas » elle voulait dire la même chose que moi qui disais « je sais pas » ou « j’sais pas » comme tous les enfants que je connaissais, et j’aurais fort bien su dire « je ne sais pas » si j’avais voulu, mais ça aurait été une imitation consciente de ma mère et non une réaction spontanée de ma part.

    Si l’enfant en question passait le plus clair de son temps avec sa nounou et la communication se faisait en créole, c’était sa façon normale à lui de s’exprimer. Je suppose qu’il comprenait le français de ses parents et aurait peut-être pu s’exprimer en français jusqu’à un certain point, mais ce n’aurait pas été vraiment « lui » qui parlait. S’il a commencé à parler français vers 5 ans, c’est peut-être qu’on l’a mis à l’école à cet âge-là ou qu’il a eu plus de contacts avec d’autres enfants qui, eux, parlaient français entre eux, ou qu’il entendait parler français avec leurs parents. Il se peut aussi que les parents aient insisté pour qu’il leur parle en français comme il approchait de l’âge de l’école.

    instead of having an infant’s babble turned into a proper word, I would say that it is an adult’s word that has been “childified”

    Dans ces cas-là, il y a un peu des deux. Les parents prononcent un mot ou un nom (p.ex. « Marraine ») et l’enfant répète imparfaitement (p.ex. « Nénène »), l’enfant continue à répéter le même mot (surtout si c’est le nom ou l’appellatif d’une personne, y compris celui même de l’enfant) et les parents finissent souvent par adopter la prononciation de l’enfant. En général ce nom enfantin, s’il persiste, reste dans la famille et n’en dépasse pas les limites, mais il peut aussi se répandre dans une région. Ça ne m’étonne pas que « Nénè pour « Marraine » soit originaire de l’Ouest de la France (si ce renseignement est exact), une région très catholique où le rôle de la marraine a peut-être eu plus d’importance dans l’éducation des enfants que dans d’autres régions (par exemple si on attribuait ce rôle à une tante ou autre proche parente qui était très présente dans la vie du petit enfant).

  13. marie-lucie

    « Nénè pour « Marraine » : pardon! « Nénène », bien sûr.

  14. Nêne a eu son heure de gloire en France avec le Prix Goncourt 1920 pour le roman d’Ernest Perochon qui porte ce titre.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%AAne
    http://books.google.fr/books?id=jLnj50ItiaEC&pg=PA153&dq=n%C3%AAne+roman+perochon&hl=fr&ei=NlZaTvTUNqig4gSooaGsBQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDoQ6AEwBA#v=onepage&q&f=false
    J’ai ce livre dans ma bibliothèque depuis toujours mais ne l’ai jamais lu. Comme le montrent les liens ci-dessus, l’histoire se passe dans le bocage vendéen et l’auteur explique, page 92, comment le petit enfant Jo se met à appeller Madeleine, la servante, « Nêne » pour la première fois :
    « Madeleine le souleva jusqu’à son visage en un élan de joie. Et puis, tout de suite, une idée vint, cruelle, chassant le sang de son cœur. Nêne ! C’était bien l’abréviation de son nom, mais c’était aussi l’abréviation d’un autre nom qu’elle n’avait pas le droit de prendre.
    À Chantepie, comme à Saint-Amboise, comme dans les autres pays, on disait « Nêne » pour marraine ; c’était un mot très courant, employé par les grandes personnes comme par les enfants. »
    Ce qui confirme les indications données plus haut par leveto.

  15. Siganus Sutor

    En effet, Olimalia, voilà qui confirme qu’en Vendée nêne est utilisé pour parler d’une marraine. Et, finalement, appeler nêne la servante est dans le prolongement de ce qui s’est passé à Maurice et à la Réunion.

    A regarder dans le Diksioner Morisien (le “premier dictionnaire créole monolingue” comme le dit l’auteur ou l’éditeur), je réalise qu’il existe une autre acception du mot nénène que je ne connaissais pas et qui est illustrée par le dernier exemple du billet (cf. Week-End, 15 février 2009) :

    Nenenn [nenen] n. {Fr. d. nénaine} (…) 2. Enn madam ki okip netwayaz dan lopital. Fasil to rekonet bann nenenn ek zot linz ver.

    Selon ce qui est dit là, le mot nénène ferait donc aussi partie du vocabulaire médical, dans le sens que dans un hôpital il sert à désigner les femmes chargées du nettoyage. Carpooran ne mentionne pas le sens Nº 2 évoqué dans le billet, à savoir la femme de ménage chez des gens.

  16. Jusque-là, j’avais retenu que les Français venus à Maurice et à la Réunion étaient Bretons et Normands d’origine. Cela veut-il dire que certains venaient aussi de Vendée ? Ou peut-on imaginer que nêne était utilisé en Vendée, mais aussi dans les régions « voisines » de Bretagne et de Normandie ?

  17. Siganus Sutor

    Dans Île Maurice : une francophonie paradoxale (Baggioni & Robillard, L’Harmattan, 1990) on trouve une liste de quelques termes spécifiques en “FRM” (français régional mauricien). A la page 115, l’entrée nénène:

    1. Nurse, bonne d’enfants.
    2. * Faire la nénène, être la nénène de quelqu’un : materner.
    3. * Thé de nénène : très sucré, avec beaucoup de lait.

    Suivent quelques exemples. Pour conclure ce qui est dit à cette entrée, la partie sans doute la plus intéressante :

    » Dialectalisme (= marraine, nourrice, grand-mère) sans doute renforcé par le fait que “neny” en malgache signifie “mère”.

    Ce neny-là se prononce d’ailleurs “nène”, comme on peut le voir :

    Victoire, non seulement maintient la foi, mais encore se dévoue sans compter au service des pauvres, des malades et, en particulier, des lépreux. Elle meurt en 1894 en disant son chapelet et en répétant : « Neny ! Neny, Neny ! » (Prononcer Nen’) c’est-à-dire : « Mère, Mère, Mère ! »

  18. Nény : mère, maman, en malgache .
    Comme la Réunion, Maurice semble dans le déni le plus complet de ses racines malgaches. Bien sûr, dans une société raciste, il est plus facile rêver de trouver en Vendée les racines un terme venu à l’évidence de la Grande île dans le cales des navires négriers ! Je précise que j’adore le créole morissien, le plus musical et ouvert de tous les créoles francophones que j’ai entendus, et facile a comprendre malgré sa grammaire directement tirée du malgache ( pronoms, genres…).

  19. Siganus Sutor

    Comme la Réunion, Maurice semble dans le déni le plus complet de ses racines malgaches.

    L’influence de Madagascar sur Maurice ne me semble pas avoir été complètement occultée. Il n’est en tous cas pas caché ni mal connu que les mots fandia, ourite, fatak, maf, tandrak, lafouche, embrevade, vounes, laffe, cambare ou songe — pour ne citer que ceux-là — nous viennent du malgache. A la Réunion bien des noms de lieux ont une origine malgache, et je ne sache pas que cela soit tu ou nié, au contraire.

    En ce qui concerne le mot mauricien nénène, comme il avait été dit plus haut il est fort possible que le mot malgache neny — [nɛn] — ait renforcé son usage, en lui conférant un sens encore plus maternel, mais tous les auteurs semblent d’accord pour lui donner une origine française. Qu’il en soit ainsi ne signifie pas forcément qu’il existe un déni de tout lien avec Madagascar.

    le créole morissien, le plus musical et ouvert de tous les créoles francophones que j’ai entendus, et facile a comprendre malgré sa grammaire directement tirée du malgache (pronoms, genres…)

    Merci. Une précision cependant : le créole mauricien n’a pas de genre — ni bon ni mauvais, ni masculin ni féminin. Tout au plus certains mots (rares) peuvent-ils avoir un équivalent féminin : enn afrikin, enn afrikenn ; enn zom, enn fam ; enn kouyon, enn kouyonn… (Mais “sa ki kouyon sa fam-la !” : employé comme adjectif le mot perd son marquage féminin.)

  20. marie-lucie

    grammaire directement tirée du malgache (pronoms, genres…)

    Pronoms? Je ne connais pas le créole, mais d’après ce que j’en vois ici et ailleurs, il me semble que les pronoms morisyens sont d’origine française, non? Quels sont donc les pronoms malgaches? (il s’agit sans doute des pronoms personnels, ceux qui viennent le plus souvent à l’esprit lorsqu’on dit « pronoms »).

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