de cela

“[durée] de cela” = “il y a [durée] de cela”, “il y a [durée]”
 

Quand on parle créole il est tout à fait possible de dire “mo ti tour li troi zour de cela” (“je l’ai vu il y a trois jours de cela”, ou “je l’ai vu il y a trois jours”). Mais il arrive à cette formulation, légitime en créole, de se retrouver dans le français ‘local’, ce qui peut donner des phrases de ce genre (phrases incorrectes en français standard) :

Quinze années de cela, la notion du temps ne pouvait être comprise dans l’aménagement du territoire. On peut aujourd’hui réaménager le temps, de telle manière que cela ait une incidence sur l’espace.”
(Week-End/Scope, 22 septembre 2010.)

À Maurice, échaudé, semble-t-il, par les événements en cascade dans le monde arabe, le gouvernement accélère la distribution des terres sous le VRS et a commencé à allouer celles obtenues des sucriers plus de 3 années de cela pour la production agricole.”
(Dr Diplal Maroam, Le Mauricien, 19 mars 2011.)

Le film, au titre éponyme de mon livre [sic], est une production franco-mauricienne. C’est une petite maison de production en France, Kidam qui m’avait abordée 7 ans de cela pour me proposer une adaptation de mon livre.”
(L’Express, 26 février 2011.)

En ce qui concerne le Mauritius Cambridge, on voulait avoir dans le temps, un Mauritius Cambridge S.C. D’ailleurs, trois ans de cela, nous avions entrepris des démarches dans ce sens. Nous attendons qu’il y ait d’autres développements par rapport à ce lien entre Maurice et Cambridge.”
(Le Matinal, 15 novembre 2010.)

C’est en fait une version réactualisée du Premier Policy Paper que j’avais lancé, neuf ans de cela, en 2000 et dont une partie a déjà été mise en œuvre depuis juillet 2005.”
(Discours du Premier ministre, 12 août 2009, site du gouvernement de Maurice.)

Quelques années de cela, alors que j’étais moi-même président de la PAM, un programme d’études pour la formation des dispensers avait été mis en place à l’Université de Maurice (UoM).”
(Week-End, 8 août 2010.)

La société mauricienne a évolué. Maintenant, les questions concernant l’homosexualité ne sont plus aussi taboues qu’elles étaient dix ans de cela.”
(Week-End/Scope, 7 juillet 2006.)

 

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Mise à jour du dimanche 1er février 2015.

De_cela--Benjamin_Moutou--Week-End--01-02-2015

1er février 2015, une date qui nous rappelle que 180 ans de cela les ancêtres de nos compatriotes d’origine africaine et malgache au nombre de 76, 744 étaient libérés de la servitude […].”

(Benjamin Moutou, Week-End du 1er février 2015.)

39 réponses à “de cela

  1. Est-ce que ce ne serait pas un calque de l’anglais xxx [durée] ago ?

  2. marie-lucie

    Il se peut que cette expression soit un amalgame entre « à [durée] de cela » (où « cela » indique un fait révolu, et « de cela » veut dire « depuis cela ») et l’anglais « [durée] ago » comme dit Aquinze. Mais par exemple « three years ago » = « il y a trois ans », sans référence à un événement particulier.

    Si on se réfère à un fait révolu, on peut dire ensuite « il y a [durée] de cela ». Par exemple, si on mentionne les événements du 11 septembre 2001, on peut dire ensuite « il y a presque dix ans de cela », mais on ne commencerait pas la phrase ou le paragraphe de cette façon puisque le fait désigné par « cela » n’aurait pas encore été mentionné.

    Au Canada, l’équivalent habituel de « three years ago » est « trois années passées » (même chose avec d’autres expressions de temps).

  3. Siganus Sutor

    Il est possible que cette structure soit calquée sur l’anglais. Il y a une superposition parfaite si on considère que “de cela” = “ago” :
    ● Ce blog fut créé deux ans de cela.
    ● This blog was created two years ago.
    Mais il ne me semble pas certain que cette tournure mauricienne soit uniquement due à l’influence de l’anglais.

    Par contre, Marie-Lucie, “à deux ans de cela” me semblerait une tournure très étrangère — pour ne pas dire étrange —, et je pense que son emploi à Maurice, passé ou présent, est plutôt improbable.

    Par exemple, si on mentionne les événements du 11 septembre 2001, on peut dire ensuite « il y a presque dix ans de cela », mais on ne commencerait pas la phrase ou le paragraphe de cette façon puisque le fait désigné par « cela » n’aurait pas encore été mentionné.

    Pour ma part ça ne me dérangerait pas de commencer une phrase ainsi. “Il y a trente ans de cela j’ai fouillé des tec-tecs sur la plage de Grand Baie”. Cela me semble possible même si je n’ai pas encore mentionné quoi que ce soit à ce sujet au cours de la conversation. De même que j’imagine possible qu’un homme politique monte à la tribune et commence son discours en disant : “Cela vous étonnera peut-être, mais sachez que j’étais destiné à une carrière de gardien de bœufs.”

  4. zerbinette

    Et quelques années de ça, dix ans de ça, ça se dit ?

  5. marie-lucie

    Zerbinette, « ça » n’est qu’une prononciation familière de « cela », on peut donc dire l’un ou l’autre dans le même contexte, avec le même sens.

    Siganus: “Il y a trente ans de cela j’ai fouillé des tec-tecs sur la plage de Grand Baie” – à quoi se réfère votre « cela » dans cette phrase? s’il n’ajoute rien à « Il y a trente ans », il s’agit bien d’un mauricianisme. « De cela » n’est pas exactement un calque de l’anglais, puisque « ago » n’a pas de traduction exacte en français.

    « À trente ans de cela » : je n’ai pas mentionné cette expression, mais pour moi, ici aussi « cela » doit se référer à une situation ou un événement situable dans le temps, mais pas au temps présent.

  6. Zerbinette : Et ‘quelques années de ça’, ‘dix ans de ça’, ça se dit ?

    Cela devrait pouvoir se dire, en principe, mais je dois dire que je ne l’ai jamais entendu. Ergo…

    (Mais en français parlé à Maurice on peut entendre “il y a dix ans de ça”, e.g. “Ça s’est passé il y a longtemps ? — Ah… y a bien 20 ans d’ça.”)

     

    Marie-Lucie : “Il y a trente ans de cela j’ai fouillé des tec-tecs sur la plage de Grand Baie” – à quoi se réfère votre « cela » dans cette phrase? s’il n’ajoute rien à « Il y a trente ans », il s’agit bien d’un mauricianisme.

    Ha ! ferais-je des mauricianismes sans le réaliser ?! 😀 Il me semble pourtant — à tort peut-être — qu’un Français parlant un français normal dirait sans problème une phrase commençant par “Il y a trois semaines de cela, (…)”. Mais peut-être suis-je dans l’erreur. Y aurait-il quelques Français dans la salle pour donner leur avis ?

    Pour répondre à votre question, je dirais que “de cela” précise qu’il s’agit d’une période de trente ans par rapport à la date actuelle. S’il était question d’un évènement passé situé par rapport à un autre évènement passé, il serait impossible d’utiliser “de cela”. Mais je reconnais que ces deux mots sont redondants. “Il y a trente ans” devrait suffire.

    Mais j’ai l’impression que les Mauriciens ne sont pas les seuls à redonder de la sorte. Me trompé-je ?

  7. Il se trouve que notre Français (Français Martien) est très teinté « vieille France » mon cher Siganus. J’en ai fait l’expérience pendant mes premières années ici. « Trente ans de cela », est tout à fait acceptable tout comme « il y a trente ans ». Je parle là de ma propre expérience de la langue même si je ne suis pas un expert.

    J’ai pris conscience de ce décalage quand des amis Drômois m’ont dit qu’on ne disait pas « deux heures de temps » dans le langage courant. Le père de ces mêmes amis nous a alors expliqué que c’était tout à fait correct mais dépassé de dire cela alors que sur Mars, c’est notre manière de définir le temps qui passe.

  8. le beagle et siganus
    « trente ans de cela ou il y a trente ans » sont aussi courants qu’il y a trente ans de cela, parfaitement correct, à peine vieilli ; de cela , de ça, de là, avec une expression de durée, signifient depuis lors.

  9. Vous êtes sûr de ce que vous dites là, Arcadius ? Il me semble que si j’avais un jour entendu un Français dire “j’étais encore un gamin trente ans de cela”, eh bien j’aurais bondi en lui demandant s’il se connaissait des attaches martiennes. Je ne me souviens pas l’avoir entendu chez qui que ce soit d’autre.

    Y aurait-il d’autres personnes dans l’assistance pour dire si à leur avis la phrase “j’étais encore un gamin trente ans de cela” (par exemple) s’entend couramment en France, ou ailleurs en Europe ?

     

    Ah oui, Pépé, tu as raison pour ce qui est de “deux heures d’temps”, “une heure d’temps”, etc. On l’entend systématiquement sur Mars.
    — Quand est-ce que ça sera prêt ?
    — Dans deux heures d’temps.
    Sans doute cela permet-il de mieux clarifier les choses, afin qu’il y ait le moins de confusion possible entre la durée (deux heures de temps) et l’heure (deux heures).

  10. Arcadius, Pépé, je suis parfaitement sûr de n’avoir jamais entendu en France la tournure épinglée par Sig (i.e. « Trente ans de cela » tout court , sans « il y a » devant), et je ne me rappelle même pas l’avoir jamais trouvée sous la plume d’un auteur français moyennement « moderne » (en remontant au XIXè, disons).

    Quant à « deux heures de temps », je l’utilise très couramment, sans avoir jamais soupçonné que cela puisse être dépassé (pas plus tard qu’hier, à quelqu’un qui se lamentait devant l’ampleur de la tâche, j’ai répondu : « Ecoute, ce n’est pas si terrible, en deux heures de temps, ce sera bouclé ! »)

  11. Juste deux mots sur : “j’étais encore un gamin trente ans de cela”.
    Dans ma famille on aurait dit, « à trente ans de cela j’étais encore un gamin »; je cite de mémoire sans prétendre donner cette forme comme un exemple à suivre ; il y a X de cela, ou ça fait X de cela sont courants.

  12. marie-lucie

    J’ai le même usage qu’Aquinze pour « de cela » et « X heures de temps » (notez qu’on peut dire aussi « en un rien de temps »).

    Quant à « depuis lors », « lors » se réfère à un temps précis dans le passé, comme « cela »: « depuis ce temps-là, depuis cette époque-là ».

  13. marie-lucie

    arcadius: il y a X de cela, ou ça fait X de cela sont courants.

    Le problème n’est pas l’existence ou la fréquence de ces expressions, mais leur signification. En France, « cela » doit faire référence à un temps qui n’est pas le présent. À Maurice, apparemment, il peut faire référence au temps présent.

  14. Arcadius : à trente ans de cela j’étais encore un gamin

    Voilà une expression que je ne pense pas avoir jamais notée. Avez-vous entendu beaucoup de personnes l’utiliser en dehors de votre famille et celle de Marie-Lucie ?

     

    Marie-Lucie, ce n’est pas tant que cela fasse référence au temps présent. Il s’agit toujours d’évènements passés. Mais le “de cela” sert à préciser que la durée qui nous sépare des évènements en question est comptée à partir de l’instant présent.

    en un rien de temps : Effectivement, il s’agit là, me semble-t-il, d’une tournure assez commune. En ce qui concerne les “deux heures de temps” mentionnées par Pépé, la différence entre Maurice et les autres pays tient peut-être du fait qu’ici cette façon de dire est systématiquement employée. Dans l’exemple que j’ai donné plus haut, on n’imagine pas un Mauricien répondre “Ça sera prêt dans deux heures” ou “Revenez dans deux heures”. Je pense qu’il précisera toujours “deux heures de temps”.

  15. Je confirme que « il y a 30 ans de cela » ou « il y a 30 ans de ça » ( oralement « ya 30 ans d’ça ») sont extrêmement communs en français métropolitain, y compris en début de phrase, et y compris à l’écrit comme le montre facilement une recherche sur Google. Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais entendu l’expression sans le « il y a ».

  16. @olimalia
    en français métropolitain
    On pourrait, en effet, comparer le français de Maurice avec le français parlé dans les territoires français d’outre-mer, d’où l’utilité de la précision. Mais on ne pense pas à cette possibilité lorsqu’on tombe sur une expression belge, québécoise ou suisse, n’est-ce pas ?

  17. Aquinze,
    Si, il me semble que je m’efforce toujours de préciser, sauf dans les lieux où je suis déjà bien connu ou crois l’être, que mon expérience vaut pour le français métropolitain (disons celui des grands médias audiovisuels français), voire parisien pour les expressions de l’oralité, et pas du tout pour le canadien, le belge, le suisse, ni beaucoup plus pour le méridional ou le chtimi.
    Mon but n’est pas de comparer le mauricien au français parlé (plutôt les francais parlés d’ailleurs, j’imagine) dans les territoires d’outre-mer, dont je ne connais pas du tout les caractéristiques. Je suis sur ce blogue en position d’apprenant très humble et ma contribution avait surtout pour dessein de donner un son de cloche qu’avait sollicité (le son, pas la cloche !) notre hôte.

  18. Vraiment, Olimalia, si je m’interrogeais sur la francitude d’un belgicisme (« j’te sonne à midi quart et j’te dis quoi », par exemple), vous me répondriez spontanément en comparant avec le français « métropolitain » ? Je ne crois pas.
    Ce que je voulais montrer dans mon commentaire, c’est comment nous avons tendance, spontanément, à qualifier le français de l’Hexagone de « métropolitain » lorsqu’il s’oppose au français de Maurice… en oubliant que Maurice ne dépend d’aucune métropole. Ce n’est pas pour rien que notre hôte, sans être linguiste, se montre particulièrement chatouilleux sur ce terme, auquel il préfère « français standard ».

  19. @Aquinze, utilises-tu l’expression « entre les midis »?

  20. @Pépé

    Non, j’ai découvert en Belgique l’expression « sur l’heure de midi » , quand je disais, en France métropolitaine 😉 , « à l’heure du déjeuner », je connais aussi « entre midi et deux », mais je ne connais pas « entre les midis » …

  21. Aquinze,
    Ma participation à ce blogue est à la fois trop récente et épisodique pour que je connaisse bien les usages et les préférences de chacun, même hélas ceux de notre hôte, mais je m’y conformerai avec plaisir ; c’est d’ailleurs la moindre des politesses.
    Je le répète, dans mon usage, le français métropolitain est la langue standard de la France métropolitaine ; si le mot « métropolitain » s’oppose historiquement aux colonies, dans la pratique d’aujourd’hui, il s’oppose tout simplement à tout ce qu’il ne comprend pas, donc, comme je l’ai dit plus haut, au français de Suisse ou de Maurice, sans connotation coloniale ou post-coloniale.
    C’est une acception classique comme on le voit à la première ligne de l’article de Wikipedia :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ais_de_France
    Comme on le comprend, la notion n’est pas la même que celle du français standard :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ais_standard
    Notre ami Siganus voudra peut-être bien nous en dire plus à ce sujet afin que je ne commette pas d’impair.

  22. Siganus, vous n’êtes sans doute jamais passé par ici :
    http://www.ville-saint-amarin.fr/index.php?option=com_photos&view=photos&album=33&lang=fr
    On y parle pas « métropolitain ».

  23. @Aquinze : je le demande parce que je croyais que cette expression avait une souche belge. Quand je suis arrivé à Valenciennes, j’ai été étonné d’entendre cette expression qui veut effectivement dire « entre midi et deux ».

  24. marie-lucie

    Il y a … de cela: J’ai écrit que pour moi cette expression ne s’emploie pas « en début de phrase », mais j’aurais dû dire « en début de paragraphe » pour l’écrit, ou l’équivalent pour l’oral. Je veux dire que je ne commencerais jamais à parler ou écrire de but en blanc avec « Il y a dix ans de cela » au lieu de « Il y a dix ans », par exemple pour commencer le récit d’une anecdote, mais je pourrais dire « Il y a dix ans de cela » pour la terminer. Pour moi, « de cela » doit faire référence à un temps qui a déjà été mentionné, et qui n’est pas le temps présent. Il me semble que les Mauriciens l’utilisent pour signifier « de maintenant ».

  25. Aquinze : nous avons tendance, spontanément, à qualifier le français de l’Hexagone de « métropolitain » lorsqu’il s’oppose au français de Maurice… en oubliant que Maurice ne dépend d’aucune métropole.

    Hé, nous sommes nous-mêmes une métropole pour quelques confettis encore plus microscopiques que nos 720 milles carrés ! Les Rodriguais doivent se dire qu’ils sont mauriciens, certes, de nationalité, sans être vraiment des Mauriciens.

    Aquinze, c’est gentil de prendre ainsi la défense de mes susceptibilités personnelles. Je ne sais pas si cela est paradoxal ou pas, mais je n’ai pas tiqué une seconde en lisant le “français métropolitain” d’Olimalia. Pourtant, vous vous souvenez par exemple que j’ai tenu à mettre les choses au point lorsque Dominique de Champignac avait utilisé ici le terme de “métropole” pour parler de la France. (Voir aussi ici — https://mauricianismes.wordpress.com/2011/01/03/neo-francais/#comment-6110 — la réponse à Kosmos.) Si nous pouvons nous montrer chatouilleux en ce qui concerne la dépendance politique vis-à-vis d’une puissance tutélaire, il n’est pas impossible que nous le soyons beaucoup moins pour ce qui est de la langue. Pour nous, consciemment ou inconsciemment, le “vrai” hindi ou le “vrai” bhojpuri est celui qui se parle en Inde, lequel a la primauté, sur le plan international, sur celui qui se parle à Maurice. Idem pour ce qui est de l’anglais d’Angleterre, du français de France ou du hakka du Guandong. Cela est sans doute arbitraire, mais c’est ainsi que les choses sont généralement vues, et je ne pense pas que cela gêne grand-monde à Maurice de le voir ainsi. Nous savons que nous avons notre façon à nous de parler telle ou telle langue — d’où l’existence même de ce blog —, sans avoir la prétention de la dresser en modèle universel.

    Et quand un Mauricien dit “la France”, il est automatiquement compris qu’il s’agit de la France hexagonale. On sait que les Bourbonnais sont de nationalité française, mais pour nous ce sont avant tout des Bourbonnais, c’est-à-dire des voisins (pour ne pas dire des rivaux) plus ou moins rustres dont il convient de se moquer plus ou moins gentiment… étant attendu qu’ils nous rendront la pareille. Pour montrer à quel point nous sommes des cousins, il suffira de dire que nombre de mauricianismes sont aussi des bourbonismes (cf. “le français de la Réunion” dans la liste de liens sur le côté droit de cette page).

     

    Olimalia : Je confirme que « il y a 30 ans de cela » ou « il y a 30 ans de ça » (oralement « ya 30 ans d’ça ») sont extrêmement communs en français métropolitain, y compris en début de phrase, et y compris à l’écrit comme le montre facilement une recherche sur Google.

    Olimalia, merci pour votre témoignage. Je commençais à ne plus savoir sur quel pied danser. L’article de Wikipédia que vous proposez, écrit surtout selon une perspective canadienne, vaut en outre la peine d’être lu — et d’être approfondi.

     

    Marie-Lucie : Il me semble que les Mauriciens l’utilisent pour signifier « de maintenant ».

    Ou “à partir de l’instant présent”. Mais ce que disent quelques-uns ci-dessus et ce que me souffle ma propre expérience suggéreraient que ce ne sont pas que les Mauriciens qui l’utilisent.

     

    En effet, Arcadius, je ne suis jamais passé par Saint-Amarin. Mais parle-t-on là-bas des “Français”, comme il est apparemment possible de l’entendre dans d’autres coins d’Alsace ?

  26. marie-lucie

    Siganus, relisez mon commentaire ci-dessus. Olimalia ne dit rien sur le contexte et la signification de « de cela » dans ces expressions, qui en effet sont courantes à l’écrit et à l’oral.

  27. …de cela. Une simple élision, mise en sous-entendu de ‘il y a’, ne suffirait-elle pas à expliquer cette expression ?
    (Intéressant, comme toujours. Merci pour ce chouette blog !)

  28. Avis d’invasion de blogue.
    Ce lien n’a sans doute pas sa place ici (Sig?), mais j’aimerais avoir l’opinion de gens raisonnables, je dis souvent y’a bon…suis-je un affreux ? Cela se dit-il en Réunion, Madamegaspard, Maurice ?
    http://lci.tf1.fr/france/justice/2011-03/y-a-bon-banania-le-mrap-reclame-le-respect-d-un-accord-6328511.html

  29. Siganus Sutor

    Jack : …de cela. Une simple élision, mise en sous-entendu de ‘il y a’, ne suffirait-elle pas à expliquer cette expression ?

    Oui, implicitement c’est ce qui se passe : “il y a” passe à la trappe sans que le sens général de la phrase en soit modifié.

     

    Arcadius, qu’est-ce qui se dirait ou ne se dirait pas ? « Y’a bon Banania » ? Ou « y’a bon » ? La marque de cacao en question est inconnue par ici. Je n’ai jamais rien vu qui porte le nom de “Banania”. Quant à l’expression “y’a bon”, je ne l’ai jamais entendue non plus.

    Une chose supplémentaire : on dit “à la Réunion”, pas “en Réunion”. La préposition “à” s’utilise pour toutes les îles du voisinage. Certaines personnes disent “à Seychelles”, mais cela me heurte l’oreille, mes tympans préférant de loin la forme “aux Seychelles” (comme on dirait “aux Comores” ou “aux Chagos”).

  30. marie-lucie

    Une simple élision, mise en sous-entendu de ‘il y a’, ne suffirait-elle pas à expliquer cette expression ?

    Je ne crois pas. L’élision est un processus phonologique (qui a rapport seulement aux sons). L’omission de il pour donner seulement y a n’est pas une élision proprement dite mais s’explique par le manque de véritable signification du il dans cette expression (comme dans (il) faut, (il) vaut mieux, etc). L’omission de l’expression entière (il) y a dans les expression de temps mauriciennes s’explique mieux par l’influence de l’anglais.

    y’a bon (Banania)
    Quand j’étais petite, ma grand-mère parisienne servait du Banania au petit déjeuner, comme elle l’avait fait pour mon père petit. Il s’agit d’une poudre faite à partir de cacao et de farine de banane, qu’on mélange avec du lait.

    Je crois que y’a bon doit provenir d’Afrique (peut-être du Sénégal ?) et que y’a veut ou voulait dire à la fois il y a et c’est, ces deux expressions étant des « tours de présentation » qui correspond(ai)ent sans doute à une seule expression dans une ou plusieurs des langues locales, à une époque où le français était moins répandu en Afrique que maintenant.

  31. marie-lucie

    (Siganus, pouvez-vous effacer la première version de mon commentaire, qui m’a semblé avoir disparu avant que je puisse la corriger – merci)

  32. It seems to me that deux heures d’temps is a calque of English in two hours’ time.

  33. « Y a bon » est effectivement une expression typique de ce qu’on appelait à Paris — avant le politiquement correct — le « petit nègre », et plus particulièrement celui des tirailleurs sénégalais, qui ont fourni comme on sait une contribution énorme et dramatique pendant la première guerre mondiale. Tous les récits de guerre de ces années mettent ce  » y a bon » dans la bouche des tirailleurs, ou plus généralement des Africains, et plus souvent encore dans la bouche de ceux, non Africains, qui les côtoient et croient parler comme eux ou pour eux. La formule était devenue très courante et sa récupération par Banania précisément dans ces années, avec le visage souriant d’un tirailleur sénégalais, voguait sur la vague de la popularité (certes légèrement condescendante) du « bon noir ».
    Cent ans plus tard, c’est vraiment une formule à éviter en France métropolitaine, comme le prouvent les actions intentées contre le slogan de la marque Banania.
    Mais je suis sûr qu’il existe encore des personnes qui l’emploient sans malice, baignées qu’elles ont été dans leur jeunesse par ce slogan qui leur rappelle les bonnes boissons chocolatées de l’enfance. Pour un petit Parisien habitué au métro, deux publicités étaient particulièrement marquantes, parce que permanentes : « y’a bon Banania », qui était placardé dans tous les wagons du métro, sur la paroi d’extrémité, et « Dubo, Dubon, Dubonnet » peint dans les tunnels entre les stations. J’avais une préférence pour la première, à cause de l’image souriante et rassurante du tirailleur sénégalais (j’ignorais d’ailleurs ce qu’était un tirailleur et ce qu’était le Sénégal).

  34. Le tirailleur sénégalais reste associé pour moi à une blague de potache qui mettait en scène deux enfants faisant un concours de ricochets et l’un disant à l’autre : « Tire ailleurs, c’est mes galets! ».
    Voilà, c’était ma contribution dominicale au débat culturel.
    Plus sérieusement, je confesse (ben oui, c’est dimanche, non ?) utiliser quelquefois ce « y a bon » sans penser à mal : pour faire sourire mes fils en leur montrant ainsi le fossé des générations, pour au contraire afficher une complicité nostalgique avec les gens de mon âge et au premier chef avec ma compagne, pour me moquer ironiquement de certains propos racistes de mes interlocuteurs, etc. Bref : ce « y a bon » me ramène au « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » (dont la pertinence ne me paraît d’ailleurs pas si évidente, mais c’est un autre débat).

  35. Il y a aussi l’Almanach Vermot : J’me tire ailleurs… sénégalais (en l’aimable compagnie de – Comment vas-tu… yau de poele *? – Et toi… le à matelas ? et autres Ceci dit… Bel Abbes ).

    Calembour que j’ai même, un jour, entendu « filer » (comme la métaphore…) : J’me tire ailleurs… sénégalais… te bretonne

    * Pour revenir à « arguër » : on relève, au détour de ce calembour éculé, qu’à la fin du XIXè siècle la prononciation de « tuyau » distinguait nettement le son *u* du son *io*, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui…

  36. Madame Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, utiliserait-elle un mauricianisme (peut-être transmis par sa collègue venue récemment passer quelques jours à Maurice) ? À l’instant 19:05 des infos de 13h aujourd’hui, on pouvait entendre: « … au président Hollande lorsqu’il était au Mali il y a 2 jours de cela« .

    Peut-être pas un mauricianisme après tout ! Le psychologue Jacques Lecomte remet ça en racontant cette anecdote (à l’instant 43:15) arrivée « il y a des années de cela« .

  37. Siganus Sutor

    Pour que la ministre commette un véritable et répréhensible mauricianisme, il lui aurait fallu dire “… au président Hollande lorsqu’il était au Mali 2 jours de cela”. De cela je suis presque certain, même si en bon français — ou en bonne Française — “il y a deux jours” aurait suffit.

  38. Ah oui, je vois, je n’ai pris qu’une des conditions nécessaires entre la présence de « de cela » et l’absence de « il y a ». Ceci explique cela. 🙂

  39. Siganus Sutor

    Pépé Le Beagle | 21 mars 2011 à 18:54 : J’ai pris conscience de ce décalage quand des amis Drômois m’ont dit qu’on ne disait pas « deux heures de temps » dans le langage courant. Le père de ces mêmes amis nous a alors expliqué que c’était tout à fait correct mais dépassé de dire cela alors que sur Mars, c’est notre manière de définir le temps qui passe.

    Hier, 11 février 2013, sur les ondes de Radio France Internationale bienveillamment diffusées à l’île Maurice, océan Indien, il était possible d’entendre un joueur de football du Burkina Faso regrettant en ces termes les désagréments subits par son équipe : « On a passé dix heures de temps dans l’aéroport. »

    “Dix heures de temps”, voilà qui sonnait parfaitement martien. Il faut croire que la tournure existe aussi chez nos cousins du continent.

    Tu as probablement raison de supputer qu’il s’agit d’une façon de parler ancienne (et, disons-le, redondante). En cherchant “heures de temps” dans Google Livres, dans un contexte similaire à celui de l’expression telle qu’employée à Maurice, on tombe en général sur des ouvrages datant d’au moins 100 ans :
    « Voilà, Dieu soit loué, une procession assez longue ; elle a duré dix heures de temps. » (Recherches historiques sur l’origine et l’usage de l’instrument de pénitence appelé discipline, 1841.)
    « Allons mon vieux, prends ton courage à deux mains et si le cœur t’en dit, dans deux heures de temps, nous serons à Lavaltrie. » (À la mémoire de Alphonse Lusignan: hommage de ses amis et confrères, 1892.)
    « La jeune duchesse de Luynes, âgée de vingt-quatre ans, petite, bien faite, vertueuse, aimée partout pour son esprit et son mérite, est morte en trente heures de temps d’une colique d’estomac. » (Mémoires du Duc de Luynes sur la cour de Louis XV, 1860.)

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