Carré back

Carré back.
Nom masculin.

Surface de réparation (sur une plaine de football).

Eh toi, il lui a foutu un lac en plein dans le carré back. Il n’y a pas de kata-kata : c’est penalty ça !

Sa goal Jayen Chellum ine métté la, sa ene mari goal, oua diré Wen Rooney prend boule la dépi so carré back, monté, driblé, béze ene difé, calamity… plongé, boule defonce filet, lé monde entier dibouté applaudi…” (Commentaire d’un article de L’Express.mu, 10 février 2010.)

L’expression “carré back” semble constituer une pure invention mauricienne, née de l’amalgame du mot français carré — aussi utilisé dans les expressions carré de douche (bac à douche) et carré de saletés (enclos où l’on jette les ordures) — et du mot anglais utilisé localement, le plus souvent, pour évoquer les arrières (backs) au jeu de football. Si en français on parle de “surface de réparation”, comme s’il s’agissait d’un duel dans un roman de cape et d’épée, en anglais on parle avant tout de “penalty area”. Car, comme tout le monde le sait bien, toute faute commise dans ledit carré — qui est un rectangle — débouche automatiquement sur un penalty (prononcé [penɔːlti] en mauricien, et non [penalti]). Il s’agit en quelque sorte d’un fixed penalty, c’est-à-dire d’une peine forfaitaire ne nécessitant pas un passage en cour.

27 réponses à “Carré back

  1. Siganus K.

    Il s’agit en quelque sorte d’un fixed penalty

    Ah, tiens, pour les journalistes de Week-End et du Mauricien “fixed penalty” est une expression du genre féminin :

    La fixed penalty passe à Rs 2 000” — Week-End du 5 novembre 2006.

    Il est ainsi proposé que le premier concerné, qui est surpris en train de s’adonner à l’illegal postering, soit sanctionné par une fixed penalty de Rs 1 000 et que l’autre partie concernée soit traduite en cour.” — Week-End du 3 décembre 2006.

    D’autre part, l’Environment Protection (Amendment) Act 2008, en vigueur depuis le 15 juillet 2008, prévoit une Fixed Penalty de Rs 6 000 pour affichage sauvage.” — Le Mauricien du 29 avril 2010.
     
     
    Par ailleurs je me demande si l’expression “en cour” (dans “c’est-à-dire d’une peine forfaitaire ne nécessitant pas un passage en cour”) ne fleure pas son mauricianisme. En France n’aurait-on pas plutôt dit “c’est-à-dire d’une peine forfaitaire ne nécessitant pas un passage au tribunal” ? Ou à la rigueur “devant la cour” ?

  2. marie-lucie

    Au Canada aussi, on dit « en cour ». Je ne sais pas s’il s’agit d’un anglicisme (« in court ») ou d’une vieille expression française. Je dirais ‘un passage au tribunal » ou « devant le tribunal », pas « devant la cour », qui évoquerait plutôt l’Ancien Régime ou la cour d’Angleterre, par exemple, à moins peut-être qu’il ne s’agisse d’un tribunal constitué (la Cour d’Assises, la Cour des Comptes, la Cour Suprême). Mais je ne m’y connais guère dans ce domaine.

  3. Siganus K.

    L’orgie encore plus orgiaque de football que nous vivons actuellement a fait ressurgir dans certaines mémoires encroûtées quelques termes d’enfance liés au football. Il y a donc la plaine déjà évoquée (le terrain), il y a la boule (le ballon) et ses batteurs de boule (joueurs dépourvus de finesse ne faisant que donner de grands coups de pied dans le ballon), il y a le goalie (gardien de but), il y a le verbe rayer (dribler), mais quoi d’autre ? Il m’est revenu qu’on ne disait jamais “le but” (la cage), mais les les poteaux (qui pouvaient avoir leur gardien poteau, c’est-à-dire celui qui ne courait guère mais se contentait de s’installer près des buts adverses en attendant le ballon), et qu’on ne parlait pas de “chaussures à crampons” mais de souliers tétons.

    Quoi d’autre ?

  4. Siganus K.

    Marie-Lucie, quelques exemples à la volée :

    « Charles Pasqua comparaît devant la Cour de justice de la République »
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/04/19/charles-pasqua-comparait-devant-la-cour-de-justice-de-la-republique_1335546_823448.html

    « Tenerife devant la cour européenne de justice pour la pollution de son eau »
    http://www.lepost.fr/article/2010/06/19/2120475_tenerife-devant-la-cour-europeenne-de-justice-pour-la-pollution-de-son-eau.html

    « Devant la Cour de justice, Pasqua ne lâche rien »
    http://www.liberation.fr/politiques/0101631833-devant-la-cour-de-justice-pasqua-ne-lache-rien

    « Introduire une requête devant la cour administrative d’appel »
    http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/introduire-une-requete-devant-la-cour/

    « Déroulement d’un procès devant la cour d’assises »
    http://vosdroits.service-public.fr/F1487.xhtml

    Ceci dit, “la cour” tout court pourrait être assez peu employé en contexte franco-français, un complément venant en général préciser s’il s’agit de la cour d’assises, de la cour d’appel, de la cour de cassation, de la cour européenne, etc. Je n’arrive à imaginer une cour toute nue que lors de l’entrée des magistrats dans l’enceinte sacrée, entrée soulignée par l’huissier criant “la Cour !”

  5. zerbinette

    En France c’est le pré qui est carré.

  6. mwa mo p al bat ene carré ar mo ban larmé bor la mer 🙂

  7. Siganus K.

    Ashwin, ou bat boul kan ou bat enn karé ? Bé sa “bat enn karé”-la, kapav linn sorti Larénion pou li vinn ici : bann Bourboné abitiyé dire “battre un carré”.

    BATTRE UN (PETIT) CARRÉ v. intr. || Se promener, faire un tour (en ville le plus svt). « Mon père » de la paroisse de Saint-Leu estime à 300000 les visiteurs qui viennent battre un petit carré chaque année à la Salette. (QUO 20.09.91) [_] il avait pris un autobus pour aller « battre un carré » et s’était trompé d’autobus pour retourner. (JIR 15.08.92)
    ÉTYMOL.? Par composition avec carré, métaphore provenant sans doute de la disposition géométrique des rues des villes coloniales. SYN. faire un carré
    http://www.bibliotheque.refer.org/livre10/lexique/battreun.htm

    Ek sa ounn fer moi mazinn enn lot zafer enkor : diboi karé.
     
     
     
    Zerbinette, et ce pré-là, il est toujours parfaitement carré pour sa part ?

    Cela me fait penser à un architecte qui aimait à parler de “perfect square” à propos de la géométrie de tel ou tel bâtiment. Je n’ai jamais eu le courage de lui demander ce qu’aurait été un carré qui ne soit pas parfait. Un losange peut-être ? Il pouvait être assez soupe-au-lait à ses heures, et j’aurais peut-être récolté un carton rouge.

    En comparant les deux images du billet je remarque qu’autrefois il n’y avait pas d’arc de cercle le long du grand côté de l’imparfait “carré back”. A quoi sert donc ce secteur circulaire-là ? (Je n’ose demander à quoi sert le petit carré back dans le grand carré back…)

  8. zerbinette

    Sig, le pré carré français, il est…. hexagonal d’après Vauban qui a voulu faire de la France un « pré carré » protégé par une ceinture de citadelles.

    http://vincent.danet.perso.sfr.fr/page232.htm

    Voir au II, A

  9. >Zerbinette
    Selon quelques-uns, notre muraille est aussi Vauban, mais il y a de controverse :
    http://alcazaba.unex.es/~ehaut/Web2.html#Vauban

  10. Siganus K. Sutor

    un « pré carré » protégé par une ceinture

    notre muraille

    On parle bien de football là ? Moi qui croyais que le “pré carré” était surtout protégé par une coquille (aussi appelée coque), laquelle pourrait éventuellement, en effet, être liée à une ceinture.

  11. marie-lucie

    Jesús, !que interesante su ciudad!

  12. >Marie-lucie
    “Pero ¡qué fea! Hasta no hace mucho era un caos urbanístico. Además, sus monumentos estaban bastante abandonados, y sigue siendo sucia.”

  13. zerbinette

    Jesús, partagerions-nous le même « pré carré » ?

  14. >Zerbinette
    Si vous parlez de football, bien que je le déteste donc je ne le regarde pas, il me semble que les deux équipes seront dans leurs bancs de touche tôt ou tard.

  15. C’est pourquoi, soit par traité ou par une bonne guerre, Monseigneur, prêchez toujours la quadrature, non pas du cercle, mais du pré.

    Cette phrase de Vauban me rappelle le proverbe : « Chacun dans son pré, les vaches seront bien gardées »…

    La question, bien sûr, c’est pourquoi les vaches (ou les footballeurs) seraient-elles (ils) mieux gardé(e)s sur une surface carrée que ronde, rectangulaire, ovale ou carrément informe ?

    Vauban, lui, croyait en son étoile .

    Il est dommage, à mon avis, que l’on ait à ce point oublié le génial Vauban (merci, donc, à Zerb de l’avoir « déterré » pour l’occasion. Je me demande, by the way, ce qu’il aurait pensé de la Coupe du monde de foot. )

  16. marie-lucie

    Qui dit que le pré où sont les vaches doit avoir une certaine forme pour qu’elles soient bien gardées? Le proverbe se borne à avertir le propriétaire des vaches de s’occuper d’elles dans le pré où elles sont et de ne pas aller se mêler de ce qui se passe dans le pré du voisin. Autrement dit, « chacun chez soi ».

  17. Siganus K.

    Aquinze : le génial Vauban

    Sur la page que vous avez mise en lien : « Un ingénieur de génie ». Un pléonasme ? 😆 ☺ 😆 ☻ 😆

  18. Je sais bien, Marie-Lucie, mais il me semble que l’on emploie aussi le mot « pré carré » dans le sens de « propriété personnelle » et par extension « domaine réservé ». Ce qui est assez proche du « chacun chez soi » illustré par le proverbe, non ?

    Sig

    Je viens, grâce à vous, de réaliser que le mot « ingénieur » vient d’engin et non, comme je l’avais toujours pensé, de génie (au sens d’ « ensemble des techniques », comme dans « génie » civil, militaire, rural, génétique etc…)

  19. marie-lucie

    Aquinze, pent-être que je n’ai pas tellement le sens de l’humour. Je vous avoue que je ne connaissais pas l’expression « pré carré » avant de la lire ici même. Le proverbe sur les vaches ne comportait pas le mot « carré ».

  20. Pré-carré , il en est un autre, pas carré, où l’on demande réparation, c’est le Pré-aux-Clercs, près de Saint-germain. On y « débat » au dernier sang
    ( pour rester LSP ).

  21. Siganus K.

    A15 : le mot « ingénieur » vient d’engin et non, comme je l’avais toujours pensé, de génie

    En effet, étymologiquement l’ingénieur est avant tout un fabricant d’engins (de guerre). Le mot génie tient davantage de l’esprit (ou du démon, au sens grec, à savoir de l’esprit tutélaire) que de la machine, mais le TLF signale que le mot ingénieur l’a influencé quand ce génie-là est devenu civil, mécanique, génétique ou relatif à d’autres domaines techniques*.

    On peut souligner une remarquable symétrie du côté de l’anglais : l’engineer est celui “who designs and constructs military engines or works” (définition 2. dans le SOED). Quant au mot engine, qui selon le même dictionnaire vient du “Old French engin”, aujourd’hui il signifie principalement moteur. Mais il existe plusieurs acceptions obsolètes de ce mot en anglais, à commencer par “mother wit ; genius”. Le génie d’une personne, sa capacité naturelle à comprendre les choses, son sens commun, pouvait donc être appelé “engine”. On entrevoit là la parenté existant avec les mots ingenious et ingenuity, mots que l’on retrouve en français sous la forme ingénieux et ingéniosité.

    Si de nos jours engine signifie donc surtout moteur, il existe des mots courants pour lesquels on retrouve l’idée originelle de machine (d’engin donc, voire de machine infernale), par exemple le “fire engine” (camion pompier), le “beer engine” (appareil à pression pour servir de la bière) ou, moins fréquent maintenant, le “engine of torture” (engin de torture). Plus récemment est apparu le “search engine” (moteur de recherche), expression donnant 291 millions de Google-hits — avec en résultat numéro 2 le site Altavista.com, Google.com n’étant pas le numéro 1 par un effet dans lequel on pourrait soupçonner une forme d’auto-censure, ou de modestie.

    Il est à noter que si le mot ingénieur existe en français depuis 1559 (en tant que “constructeur d’engins, de machines”), ce n’est qu’en 1747 que le mot est attesté pour la première fois en tant que titre — l’année même de la fondation de l’École des ponts et chaussées (devenue l’ENPC), la plus ancienne école d’ingénieurs française. La “Commission des Titres d’Ingénieur” française, elle, n’est apparue qu’en 1934. Il aura donc coulé de l’eau sous les ponts entre la naissance du titre et celle de l’institution chargée d’en assurer la défense.

    Défense ? Ah oui, une histoire de poliorcétique**, une fois de plus — un domaine dans lequel les ingénieurs sont censés s’y connaître.
     
     
     
    * “Le sens III est dû à l’infl. de ingénieur.”
    ** « Les assiégeants construisirent une machine prodigieuse (…). C’était une tour en bois, avec un pont mobile destiné à s’abattre sur le rempart (…). Les cosaques, chez lesquels on ne s’attendait pas à retrouver cet étrange souvenir de la poliorcétique des Romains, appelaient cette machine la ville promeneuse (Mérimée, Cosaques d’autrefois, 1865, p.90). »

  22. Waouh, Sig, je vois que vous avez longuement réfléchi à ce que signifie votre titre et votre métier d’ingenieur.

    Mais une petite curiosité mérite encore d’être relevée : vous citez ingenious et ingenuity, avec leurs traductions françaises ingénieux et ingéniosité. Mais il y a aussi, en français ingénuité, qui n’a rien à voir avec le génie, mais avec le « genus » romain, c’est-à-dire le fait d’être né libre. La liberté menant à la franchise (il me semble qu’on a déjà parlé de cela ici, mais où ?), et la franchise à l’innocence (!), ingénuité est maintenant synonyme d’une candeur un peu sotte – il semble qu’il existait un mot anglais pour cela, donné maintenant pour obsolete par le Merriam-Webster : ingenuousness

  23. Español : ingenuo, naïf, innocent.

  24. marie-lucie

    En anglais, le nom ingenuousness ne s’emploie peut-être guère à l’heure actuelle, mais l’adjectif ingenuous existe encore, ainsi que l’adverbe correspondant ingenuously, qu’on peut employer, par exemple, pour parler de Candide (le personnage de Voltaire). Si on connaît ingenuous, on n’aura aucun mal à reconnaître et à comprendre ingenuousness.

  25. je vois que vous avez longuement réfléchi à ce que signifie votre titre et votre métier d’ingenieur

    Seulement depuis hier. 🙂

  26. Siganus K.

    Arcadius : Español : ingenuo, naïf, innocent.

    Ingénu en français, ingenuous en anglais, qu’il ne faut donc pas confondre avec ingenious, ingénieux, astucieux.

  27. >Aquinze
    « …on a parlé déjà…” dans “Bonhomme Salute” (1 mars)

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