Gabelou

Gabelou.
Nom masculin

Policier.

Contrairement à la doulce France où gabelou est un terme péjoratif utilisé pour parler des douaniers, dans notre non moins joli pays les gabelous sont exclusivement des agents de la “force policière” — aussi connue sous le nom de “the Force” dans un certain jargon administratif.

Une chose me désole ici : je n’ai pas de photo de policiers en uniforme d’autrefois, quand cette grosse toile grise héritée des Anglais leur seyait à merveille, avec leur ceinturon haut placé sur le ventre, comme dans l’armée grand-bretonne à l’époque de la seconde ou de la deuxième guerre mondiale — ou comme le général de Gaulle sur certaines de ses photos en uniforme.

En août 2006, un certain Volcy — que je soupçonne d’être à même de donner maintes leçons de savoir-vivre mauricien — écrivait savoureusement ceci dans le quotidien L’Express :
« Mais il arrive qu’on puisse damer le pion aux forces de l’ordre. Je me souviens ainsi d’un incident qui eut lieu à la route St-Jean. Un gabelou intransigeant avait levé la main, du geste qu’on utilise pour dire “je le jure”, afin de stopper quelqu’un qui transportait un ami sur son cadre. Continuant son chemin sans se démonter: “Bien sagrin bonom, pena plas”, dit le cycliste, et, laissant le pandore plus naufragé que le raddhoa de la Méduse, il s’en fut en sifflotant. »

Pour saler le porc il fallait certes des cochons “au premier d’abord”, mais aussi du sel. J’ose croire que cette denrée, tout comme l’autre, n’a jamais manqué sur nos 720 milles carrés entourés d’eau salée. Et j’ose croire aussi que la perfide Albion, qui nous a amèrement maintenu sous son joug pendant si longtemps, n’a jamais poussé la perfidie jusqu’à taxer le sel de la mer indienne produit dans nos salines, y compris celles dont les jardins abritent aujourd’hui une tête de feu le camarade Lénine encore conservé comme du vulgaire poisson salé dans un bâtiment rougeâtre jouxtant le Kremlin, ce qui fait que le Mahatma n’a pas eu à continuer sa marche jusqu’à nos rivages. Tout au plus avons-nous eu à payer la gabelle un grain de sel dans nos cheveux.

15 réponses à “Gabelou

  1. laissant le pandore plus naufragé que le raddhoa de la Méduse

    Il serait peut-être nécessaire de préciser aux lecteurs amauriciens que l’inspecteur Raddhoa était un gabelou aux méthodes souvent salées qui a défrayé la chronique jusqu’à sa mort, et même après.

  2. …“avec leur ceinturon haut placé sur le ventre, (…) — ou comme le général de Gaulle sur certaines de ses photos en uniforme. »

    Voilà de quoi nourrir votre nostalgie avec le sourire…

    Par ailleurs, je ne suis pas sûr que « gabelou » soit si péjoratif que cela en français de France. Déjà, la terminaison « lou », je ne sais pourquoi, inspire la sympathie (comparer, par exemple, « filou » et « voyou »…) ; « -lou », ça sonne médirerranéen, ça sent bon la Provence, ça ne peut pas être tout à fait sinistre. Ça rappelle aussi un diminutif affectueux, P’tit Lou, ou loulou (« un sacré loulou »… )

    D’ailleurs les douaniers eux-même on appelé leur site web « Gabelou.com ». Par contraste, je vois mal les membres de la gendarmerie nationale ouvrir un site « Pandores.com » (quoiqu’on trouve sur le site du ministère de la défense une sympathique synthèse de l’image du gendarme dans la chanson française…).

    Cliquer pour accéder à Gendarmechanson.pdf

    Pour en revenir à l’impôt sur le sel, je dois dire que je suis assez étonné qu’il n’ait jamais été pratiqué à Maurice (même du temps où l’île était française), alors qu’il existait, quasiment jusqu’à la seconde moitié du XIXè, dans la plupart des pays européens, ainsi qu’en Amérique du Nord (il n’a été supprimé au Royaume-Uni que parce que son prélèvement a pu être « transféré » sur l’Inde, d’où cette fameuse « Marche du sel » que vous évoquez…).

    L’Espagne, semble-t-il, n’a pas hésité à exporter cette fructueuse pratique lors de la colonistaion de l’Amérique Latine, mais je ne suis pas encore parvenu à établir si (et pourquoi) la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne s’en seraient abstenus lors de leur expansion coloniale au cours des XVIIIè et XIXè siècles. Si d’aventure un historien fiscaliste passait par là, je lui serais bien obligé de ses lumières !

  3. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que “gabelou” soit si péjoratif que cela en français de France.

    C’est pourtant ce qu’indique le Petit Robert. Ici on n’appellera jamais un garde (policier) « gabelou » en sa présence. Le mot sert avant tout à se moquer.

    Pour ce qui est d’une éventuelle taxe sur le sel, j’essaye de me renseigner. La chose ne semble toutefois pas avoir traumatisé grand monde entre Macondé et Cap Malheureux. Un article de l’Express dit ceci : « Dans le passé, le sel était en Europe grevé d’impôts, par exemple la gabelle. Les douaniers qui les récoltaient étaient des gabelous. » Ce qui suggère que la chose n’a pas existé à Maurice (pour autant que le journaliste ait été bien renseigné, ce qui n’est pas gagné d’avance).

    Accessoirement, il a été dit que le gouvernement mauricien, à l’époque du self-government précédant l’indépendance pleine et entière, a choisi le 12 mars comme date de l’Indépendance en souvenir de la marche du sel que Gandhiji avait commencée le 12 mars 1930.

  4. Une chose me désole ici : je n’ai pas de photo de policiers en uniforme d’autrefois, quand cette grosse toile grise héritée des Anglais leur seyait à merveille

    Tombé fortuitement sur cette photo et celle-là sur ce site qui contient de magnifiques photos de Maurice d’antan (certains lieux sont « méconnaissables », par exemple, la plage de Grand Baie).

  5. Siganus Sutor

    Heureux de vous revoir par ici, Gro Zippo. Ce site est une mine d’or pour qui s’amuse de voir des vieilles photos de Maurice. En ce moment des travaux sont en cours pour élargir l’“autoroute”, laquelle était en construction dans les années 60 (ou 70 ?), comme on peut le voir . (Quel trafic en ce temps-là !) J’ai aussi beaucoup aimé cette photo de Plaisance, prise à l’époque où l’on pouvait monter sur le toit de l'[aéroport] aérogare pour voir atterrir ou décoller les avions — et faire salam aux gens qui arrivaient ou qui partaient.

  6. Merci. Je crois pouvoir dire que la construction du simin néf se faisait autour de 68; je possède une photo où j’apparais encore mince (d’avant l’attribution de mon surnom), donc à l’âge de 7 ans. Nous étions sur le pont qui surplombe la Grande Rivière Nord Ouest (là où ce pauvre monsieur qui a eu une crise cardiaque au volant est tombé dans le vide), et on voit l’embranchement de Mt. Ory complètement « dépouillé ». Sur cette autoroute, on était épaté de voir la voiture atteindre 70 mph (112 km/h), et ce, avec l’aide de la grande descente avant le rond-point (disparu) de Réduit.

    Ah ouais, « l’aréogare » !

  7. Hmmm, ce site révèle des surprises. Regardons la photo de la municipalité de Quatre-Bornes; nous y voyons les commentaires de coromandel45. Cliquons sur son lien, et admirons les photos.

  8. Gro Zippo : Sur cette autoroute, on était épaté de voir la voiture atteindre 70 mph (112 km/h), et ce, avec l’aide de la grande descente avant le rond-point (disparu) de Réduit.

    Avant ou après ? En descendant, Montagne Ory est après Le Réduit. C’est d’ailleurs quand on longe l’extrémité sud-ouest de la chaîne de Moka, ou juste avant le pont Colville, que la pente est la plus forte. J’avais un père qui était un champion du “casse-collet”. Jamais laisser le moteur tourner plus que nécessaire et, surtout, ne jamais freiner pour ne pas casser l’élan. Avec le guidon qui se mettait à battre à partir d’une certaine vitesse, pour cause de roues mal balancées, cela fichait parfois la trouille. En ce temps-là les gabelous ne checkaient guère la vitesse, faute de moyens.

  9. Je pensais à la descente depuis Trianon (venant de Quatre-Bornes) vers le rond-point de Réduit (dans l’autre sens dans la photo que vous « citez »). Le bol qui y est permettait de ne pas trop user les freins à l’approche du rond-point. Comme on habitait Q.B., un « batte-carré » sur le « simin néf » n’allait pas au-delà de Réduit, sinon il fallait aller jusqu’à Port-Louis. Même à Rs 3.67 le gallon, l’essence coûtait cher.
    Le « casse-collet » à l’endroit que vous mentionnez fait vraiment accélérer; même avec le frein moteur, je ne m’y risque pas trop, au risque de passer pour un « lamin-dibwa ». Il est vrai que la circulation était beaucoup moins dense avant, et on pouvait laisser filer la voiture sans trop craindre pour la distance de freinage. Il me semble que le « casse-collet » était devenu « illégal » après le triste accident à Rose-Belle autour de 1976.
    J’aime bien le guidon :-), ça me fait penser à tous ces autres mots que nous seuls (?) comprenons comme la chopinette, le stepney, le frein à bras (il me semble que les québécois l’utilisent aussi), les clignoteurs, le vérin et la veilleuse (j’en oublie d’autres). Il me semble me rappeler aussi que la pédale d’embrayage est une pédale de débrayage (ou débrayeur) au pays, non ?

  10. Siganus Sutor

    Ah oui, le petit creux qui enjambe deux rivières. Juste de quoi prendre un peu de vitesse pour remonter de l’autre côté. Hop !

    Il me semble que le « casse-collet » était devenu « illégal » après le triste accident à Rose-Belle autour de 1976.
    Ah, première nouvelle pour moi… Dans un pays comme Maurice, vous êtes sûr ? Si c’est le cas, voilà ce que les gabelous devraient sanctionner, plutôt que de chercher des lipoupoules à propos de votre forme de constat à l’amiable ou de votre “pompe à feu”. La descente dont on parle est régulièrement descendue par des deux roues qui éteignent tout et qui font ch… une trâlée d’automobilistes en se traînant à 40 km/h sur une autoroute où la circulation est dense. Pour les passer on est obliger de se faufiler entre le guidon du motocycliste et tout ce qui peut se trouver sur le lane de droite, ce qui ne va manifestement pas dans le sens de la sécurité routière.

    j’en oublie d’autres
    Off the top of my head : ‘lanternes’, ‘beaufort’, ‘choke’, ‘carotter’, ‘mettre arrière’, ‘casser un contour’, ‘enterrer’, ‘tank’, ‘mufler’, (‘balais à glace’ peut-être ?), ‘wipers’, ‘fauteuil’ possiblement, ‘caoutchouc’, ‘box’, ‘caisson’. J’en oublie aussi.

  11. Siganus Sutor

    Ah, et comment ai-je pu oublier celui-là : ‘sailler’.

  12. Sûr ? Non 🙂 d’où le « semble » et le mot illégal entre guillemets. C’était probablement un voeu pieux comme à chaque fois qu’il y a un pépin, on râle contre le fautif en se demandant comment il a pu agir comme ça alors qu’on le fait soi-même. Ah oui, j’ai oublié de préciser que cette « interdiction » était souhaitée pour les camions (et bus). J’ai sûrement dû entendre quelqu’un qui a dit que quelqu’un d’autre avait entendu, etc. Ce serait intéressant de retrouver les archives de cette époque où l’émotion avait été très forte car beaucoup d’enfants étaient au mauvais endroit au mauvais moment.
    Tiens, je confonds peut-être le « beaufort » avec le « parsok », dans son acception n’ayant pas trait aux « ferrays », mais « enterrer » c’est quoi ? C’est battre quelqu’un à la course ? N’ayant été que moyennement « pirate » sur une SS50, après une initiation sur mini-honda à faire frotter le « stand », j’ai pas dû enterrer grand-monde.

  13. Je viens de comprendre « pompe à feu »: c’est un extincteur. C’est obligatoire aussi ? J’en étais resté au constat, la craie jaune et le triangle.

  14. Siganus Sutor

    Pour moi ‘enterrer’ c’est comme ‘râper’, c’est aller vite. “Le boug était en train d’enterrer même sur la grande route, malgré la pluie, et juste à ce moment-là un chien a traversé devant lui…”

    Oui, il paraît que ce petit spray ridicule est obligatoire. Un moyen de plus pour que les compères gabelous se fassent de l’argent facile. Et bien évidemment on vous demande si vous avez votre permis ou votre craie jaune (ou votre ‘pompe à feu’) bien avant de vérifier si vos caoutchoucs sont lisses…

  15. Siganus Sutor

    …“avec leur ceinturon haut placé sur le ventre, (…) — ou comme le général de Gaulle sur certaines de ses photos en uniforme.”

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