Communalisme

Communalisme.
Nom masculin.
Tendance à penser et à agir en tenant compte de la communauté (groupe ethnique ou religieux) à laquelle appartiennent les personnes auxquelles on a affaire ; en particulier, tendance à favoriser les membres de sa propre communauté au détriment du bien commun. Ethnocentrisme.

Communaliste.
Nom ou adjectif.
Personne pratiquant le communalisme ; ethniciste ; raciste.

Communal.
Adjectif.
Relatif au communalisme.

Week-End du 2 mai 2010

Le communalisme, débat du moment, débat de toujours… Né au moment où le suffrage universel a légitimé la prise du pouvoir politique par une majorité électorale, majorité produite rituellement par la composante hindoue de notre population. Peut-on dès lors parler de communalisme ? Et d’abord, qu’est-ce que le communalisme dans une société pluriethnique ?” (L’Express du 16 mai 2010. – lien remis à jour)

Voice of Hindu pé défende Hindu. La voix Créol pé défend Créol. Sa ban la voix-la pas communaliste. Mais toi quand to la voix lévé, zotte appelle toi communale.” (Zamzam News, octobre 2009.)

Le conseil des religions rassemble tous les religieux et promeut un discours qui encourage la responsabilité politique du citoyen, la réhabilitation de la politique et la remise en cause d’un certain système d’organisation de la société. Malheureusement, il arrive que certains religieux s’enferment dans des intérêts sectaires dans le sens ‘de protection de montagne’.
Vous voulez dire les intérêts communalistes…
Malheureusement oui. Il faut reconnaître que le jeu communaliste pourrit la politique à Maurice. Ce qui fait qu’il peut arriver que certaines décisions économiques soient perçues comme ayant une visée communaliste.
” (Interview d’un prêtre catholique dans Le Mauricien du 7 janvier 2010.)

Que faut-il faire pour combattre le réflexe communal? La campagne électorale, qui est désormais derrière nous, a malheureusement démontré que les politiques et autres prêcheurs mal inspirés, se sont, plus que jamais, empressés d’utiliser grossièrement le communalisme pour en faire une arme destructrice. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’impact des propos et des dérives communalistes ont, à l’instar des balles, heurté et blessé non seulement les cibles, mais aussi l’esprit des citoyens mauriciens qui n’adhèrent pas aux discours basés sur les origines de leurs semblables.” (Week-End du 16 mai 2010.)

C’est, comme d’habitude, une campagne communale, où chacun veut se poser en leader de sa communauté respective.” (L’Express du 20 avril 2010.)


 
 
L’emploi fréquent de ce mot développe une accoutumance produisant un effet de surprise lorsque, sous d’autres cieux, il est par exemple question d’“élections communales” qui n’ont a priori rien de communal au sens mauricien : « Participation massive pour les élections communales au Burundi » (RFI, 24 mai 2010).

Le mot mauricien communalisme peut être rapproché d’un mot du dictionnaire : ethnocentrisme – “comportement social et attitude inconsciemment motivée qui conduisent à privilégier et à surestimer le groupe racial, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples.” Dans cette définition il manque toutefois la dimension religieuse que contient aussi le communalisme mauricien. En effet, parmi les habitants de l’île une part importante des hindous a la même origine ethnique qu’une part importante des musulmans. Or de nos jours les uns et les autres sont considérés comme appartenant à des communautés différentes. Par ailleurs, le communalisme ne se résume pas uniquement à favoriser ceux de sa propre communauté. Il peut aussi relever d’un calcul — en particulier en politique, mais aussi parfois dans le monde de l’entreprise et des affaires —, calcul qui voudrait que certaines personnes soient plus aptes que d’autres, du fait de leur appartenance communale et de la perception qu’en aura le public, à occuper certains postes.
 
 
Baker et Hookoomsing (Diksyoner kreol morisyen) prêtent au mot kominalis (communalisme/communaliste) une origine française, renvoyant aux mots supposément français communalisme et communaliste. Il est permis d’en douter. Que le français ait pu avoir une influence sur la forme qu’ont pris ces mots, c’est fort probable, mais à ma connaissance le mot communalisme n’existe pas en français standard. Quant au mot communaliste, si pour sa part il existe, il possède un sens très éloigné de l’acception mauricienne puisqu’il se réfère soit à des personnes ou des mouvements prônant l’autonomie des communes (“municipalités” en mauricien), soit aux partisans de la Commune de Paris (période révolutionnaire à Paris en 1871), soit encore à des membres de certaines communautés religieuses ou des prêtres habitués d’une paroisse (TLF). On pourrait penser à une origine anglaise, mais là non plus ces termes ne correspondent pas. Il faudrait alors penser que les mots communalisme et communaliste sont des créations authentiquement mauriciennes, ce qui serait symbolique — voire symptomatique.
 
 
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Mise à jour du 26 septembre 2010 :

Plus haut il était dit à propos des mots communalisme, communaliste et communal qu’“on pourrait penser à une origine anglaise, mais [que] là non plus ces termes ne correspondent pas”. Erreur : en anglais les termes en question offrent une remarquable similitude de sens. English Oxford Dictionary (Shorter), third edition :

Communal […] 2. Of or pertaining to a (or the) community 1843; especially, in India, of any of the racial or religious communities. Hence Communalism, a theory of governement which advocates the widest extension of local autonomy for each locally definable community.

Cette définition se retrouve dans le Collins (édition plus récente, i.e. 2003) :

Communal […] 2. Relating to different groups within a society: communal strife.
Communalism […] 2. An electoral system in which ethnic groups vote separately for their own representatives. 3. Loyalty to the interests of one own’s ethnic group rather than to society as a whole.

Les termes mauriciens semblent bien dériver des termes anglais, n’en déplaise à MM. Baker et Hookoomsing.

10 réponses à “Communalisme

  1. LOrraine Lagesse née Desmarais

    AIOOOOO mama ce sujet est innabordable….car on vit dans ce systéme de communalisme qui ira en grandissant..Meme plus la peine d en parler enfin ceci est MON opinion…
    Hier j entendais » » les bus dorment dans les garages au lieu de circuler » » BIS pé dormi…
    Pourquoi se sert on de ce verbe dormir…en créole pr dire qu un autobus..ne roule pas???

  2. Siganus Sutor

    Quand on dort on bouge fixe.

    Plus la peine d’aborder le sujet du communalisme, a.k.a. “noubanisme” ? Bien au contraire, il me semble qu’il faut sans arrêt remettre la question sur le feu, non pas pour brûler des journaux ou pointer du doigt X, Y ou Z, mais pour exposer à quel point la chose peut être pernicieuse, jusque dans ses détails les plus banals (cf. ce que disait Torpedo l’autre jour sur les quincaillers de Port-Louis). C’est par l’éducation et par la conversation qu’on en sortira.

  3. Je pense que l’exacte traduction, en français standard moderne, de ce communalisme mauricien est « communautarisme ».

  4. Le mot qui se rapproche le plus de ce « communalisme » mauricien pourrait être le « communautarisme » qui nous vient des États-Unis, je crois. Il englobe aussi bien les notions d’ethnie, de religion que de sexe, etc.
    Le communautarisme ethnique est entré dans la loi aux USA (et au Canada, je crois) avec des lois favorisant telle ou telle communauté et des quotas à respecter dans les emplois par exemple (et c’est tellement entré dans les mœurs que vous ne verrez pas une série télé sans son black, son asiatique et son homosexuel, par exemple). Le risque majeur est la « ghettoïsation » ou l’affrontement inter-ethnique (voir Latinos vs Afro-américains par exemple).
    Le risque est grand en France où la tendance générale — au prétexte d’aider les « minorités » quelles qu’elles soient — pousse au communautarisme, de voir se développer un jour ou l’autre des affrontements du même ordre. Mais ne dit-on pas qu’il faut diviser pour régner ?

    Pour l’anecdote, j’ai lu il y a déjà longtemps une nouvelle de Science-Fiction qui traitait le problème de manière humoristique (mais le rire était jaune*). Dans un monde politiquement unifié et en paix (on peut rêver…) chaque communauté linguistique avait obtenu que sa langue soit traitée à l’égal des autres. Conséquence : quand vous achetiez un réveille-matin, vous repartiez avec un réveille-matin dans la poche et une encyclopédie en six volumes multilingues pour le mode d’emploi, les billets de banques rédigés en toutes les langues ressemblaient à des cahiers d’écoliers, les carrefours étaient encombrés de panneaux de signalisation de 4m x 3m, etc. Et le problème était insoluble puisque chaque communauté se gardait bien d’apprendre à ses enfants la langue du voisin. Ça se terminait très mal.

    * Oui, il était noir aussi. Et blanc. Et rouge. Et tout ce que vous voudrez, ne fâchons personne!

  5. Ah! Ben, Aquinze, le temps que je rédige mon commentaire, que je me relise, que je le peaufine, … Hop! Le vôtre était paru!

  6. En effet, Leveto et Aquinze, il est possible que le mot “communautarisme” recouvre assez largement la notion de “communalisme” telle qu’elle est entendue à Maurice. (Vous pouvez cliquer sur le deuxième lien du billet, lequel renvoie à un article de Jean-Claude de L’Estrac, daté du 16 mai 2010, dans lequel il fait un parallèle avec ce qu’on peut trouver en France et aux États-Unis.) Mais je ne suis pas certain que d’un mot à l’autre on ait un calque parfait. Normal, me direz-vous, chaque pays ayant ses particularités propres.

    Il me semble qu’il existe un débat à propos du communautarisme, un débat opposant ceux qui sont en faveur d’une forme de reconnaissance ou d’“affirmative action” et ceux pour qui on ne doit pas faire de distinction entre les citoyens d’un même pays. Le mot, surtout si l’on se penche sur sa forme anglaise communitarianism, n’a pas obligatoirement une connotation négative. Par contre le mot communalisme employé à Maurice est uniquement perçu comme une tare politico-sociale, un travers à éviter, à l’instar par exemple de la corruption. Il ne peut appartenir à un registre positif ou neutre.

    Pour l’anecdote, hier soir dans une tabagie j’ai entendu des propos qu’on entend assez rarement en public. Un homme d’un certain âge est entré et s’est mis à parler assez fort dans un mélange de bhojpuri et de créole, en s’adressant à la fille du propriétaire, laquelle souriait poliment sans trop savoir que faire. Le client, si tant est que c’en était vraiment un au bout du compte, lui demandait de façon insistante si elle parlait bhojpuri, et il ponctuait son discours de “moi mo kontan mo kominoté, moi mo enn Indien, moi mo enn indou” (moi j’aime ma communauté, moi je suis un Indien, moi je suis un hindou), ainsi que de “Hare Krishna” épisodiques. Ses propos étaient rendus quelque peu incohérents par une évidente consommation d’alcool. La jeune fille, malgré son sourire, semblait un peu gênée, voire agacée, mais n’osait rien dire.

  7. I agree that communautarisme is the Standard French equivalent, but this has little in common with the U.S. movement called communitarianism, which comes in two flavors, philosophical and political. The first makes the obvious point (unless you are a radical individualist) that people are members of a community long before they become individuals, and that even their beliefs which go against community norms are still framed by them: a European or American atheist normally denies the existence of the Jewish-Christian-Muslim God, not the existence of Thor or Krishna.

    The political version is a kind of radical centrism, which tends to value and support community norms, but not (unlike ethnocentricism) to see them as handed down on Mt. Sinai. See the above WP article for more explanations.

  8. @ Siganus Sutor
    Bien dit. Les quincailleries des autres régions du pays diraient simplement être impuissant mais ne feraient jamais une chose pareille – de vous recommander d’aller voir un de ses concurrents d’une autre ethnie que la sienne. Je ne l’ai pas vu jusqu’à présent, du moins…

  9. Siganus Sutor

    Torpedo, vous voulez dire qu’en dehors des quincailleries de Port-Louis vous n’avez jamais vu un quincailler X vous suggérer d’aller voir un quincailler Y qui serait d’une autre communauté que la sienne ?

    Je dois avouer ne pas avoir tenu de comptes en la matière, mais je me demande si en ce qui concerne ma propre expérience cela a été aussi draconien. Il serait intéressant de faire un petit sondage…

  10. choonee :p

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