Tambalacoque

Tambalacoque.
Nom masculin.

Grand arbre endémique (Sideroxylon grandiflorum), aujourd’hui très rare, que l’on trouve encore dans certaines forêts des hauts plateaux.

Le cheval repart au lancé. Mais en chemin son pied heurte un chicot de tambalacoque. Le pied en est tout blessé, et le cheval ne peut s’empêcher d’injurier le tambalacoque.
(Charles Baissac, Le Folklore de l’île Maurice, 1888.)

Environ mille pieds de tambalacoques prospèrent à Maurice notamment à Brise-Fer, Mare-Longue, Macchabée, Ferney, Bassin-Blanc, Bel-Ombre, au Pouce et même pour l’un d’entre eux dans un parc privé de Curepipe. De la famille des sapotaceae, cet arbre se distingue par une longévité exceptionnelle qui peut avoisiner les mille ans et sa hauteur dominante dans la canopée des forêts hautes de Maurice.”
(Le Mauricien, 21 janvier 2012.)

Plus que centenaire, le “tambalacoque”, est unique dans le village de Petit-Raffray, voire de la région, expliquent des habitants du village.”
(L’Express, 5 janvier 2004.)

Symbole de résistance et de longévité, le tambalacoque, arbre endémique unique à Maurice peut atteindre jusqu’à 400 ans, voire plus.”
(Week-End, 20 novembre 2011.)

Sur le sentier plus étroit que nous prenons entre les arbres indigènes, nous ne tardons pas à découvrir un Tambalacoque, arbre que le scientifique américain Stanley Temple avait postulé ne plus pouvoir se régénérer depuis la disparition du dodo… Il avançait qu’une digestion partielle des graines par notre Raphus cucullatus était indispensable à leur germination, ce qui s’est par la suite avéré inexact. Celui que nous découvrons est dans un état pitoyable, avec une partie du tronc pourrie et des marques de machette à environ cinquante centimètres du sol. Un repère a permis aux botanistes de constater que le diamètre de son tronc ne prend en moyenne que 0,2 mm par an, ce qui le classe parmi les arbres à croissance très lente.”
(Le Mauricien, 7 janvier 2012.)

Appartenant à la famille des Sapotacées (au même titre que le bois de natte, le makak et le pomme jaco), il s’agit d’un arbre endémique à Maurice, pouvant atteindre une vingtaine de mètres de hauteur, au tronc bien droit. Il était un bois apprécié en construction.

L’origine du mot tambalacoque est inconnue — une forme “tamanicoque”, aujourd’hui disparue, aurait existé —, le nom écrit de la sorte étant attesté depuis 1888 (voir plus haut l’extrait du livre de Charles Baissac).

L’arbre a donné lieu à un certain nombre de théories fantaisistes, parfois prises sans sourciller par les uns et les autres (cf. l’article de L’Express du 5 janvier 2004 ainsi que les extraits ci-dessus et ci-dessous).

Le dodo avalait la graine de l’arbre tambalacoque et pour mastiquer cette graine dans son estomac, il avalait une pierre grosse comme un œuf de poule, qui lui servait de dents intérieures.”
(Bernard Violet, L’ombre d’une île, entretiens avec Malcolm de Chazal, 1994.)

Au début des années 1970, Stanley Temple, un chercheur américain, ornithologiste de son état, donc un spécialiste des oiseaux plutôt que des plantes, a émis l’hypothèse que pour germer les graines de tambalacoque avaient besoin de passer par le système digestif d’un dodo. Les dodos ayant disparu, les tambalacoques ne pouvaient plus se reproduire, et se trouvaient donc condamnés à plus ou moins brève échéance si un substitut au gésier de dronte n’était pas trouvé. Des dindons furent utilisés comme cobayes, sans résultat concluant. On se mit à parler de “dodo tree”, ce qui ne pouvait qu’attirer l’attention du public sur les tambalacoques et leur raréfaction. (L’association dodo / tambalacoque perdure à ce jour, notamment sur internet.)

En 1977, dans son livre Golden Bats and Pink Pigeons, l’écrivain et naturaliste britannique Gerald Durrell a mentionné la chose en citant ce qu’on lui avait raconté lors d’une de ses visites à Maurice : “le tambalacoque était commun à l’époque du dodo et, selon la théorie, le dodo aimait manger le fruit de l’arbre. Lorsque la partie charnue était digérée, les sucs gastriques pouvaient agir sur la graine dure et le passage de celle-ci à travers le corps du dodo la ramollissait suffisamment pour lui permettre de germer”. Mais de l’aveu de Durrell lui-même, plutôt sceptique, cela était avant tout une belle histoire : “‘It’s a lovely story,’ I said, fascinated at the thought of such a link between a bird and a tree, and now the extermination of one was causing the disappearance of the other, ‘but I’m afraid it’s got more holes in it than a colander.’” Passons, donc. Mais pour en avoir le cœur net il faudrait sans doute demander son avis au Lonely Dodo pendant qu’il est encore là.

11 réponses à “Tambalacoque

  1. Savoureuse fable, Siganus…

    Sait-on si le Dodo pratiquait … l’automédication* ?

    * ce passionnant documentaire débute à 2:30

  2. Siganus Sutor

    MiniPhasme, l’automédication peut être dangereuse si on se trompe énormément. Qui sait si ce n’est pas ce que le dodo a fait, en se soignant à l’aide de plantes toxiques introduites par l’homme lusitanien ou batave. Ce dernier aurait ainsi été responsable de la disparition de notre columbidé national, certes, mais uniquement de façon indirecte.

    Rouillard et Guého disent que l’écorce de tambalacoque « est un astringent et un détersif ». Je ne sais pas ce que “détersif” veut dire, mais c’est peut-être mortel !

    Quant à notre très-photogénique Madame L’Oréal locale, elle ne mentionne même pas le majestueux tambalacoque dans son livre sur les arbres de Maurice. Serait-ce parce que le mot se termine par une syllabe “kok” si vulgaire ? (Cf la liste de mauricianismes.)

  3. sans rapport aucun, sinon l’esprit d’escalier, j’ai longtemps rêvé sur le nom de cet autre végétal : aristoloche, découvert dans Gide (je crois que c’est dans Paludes, « un chemin bordé d’aristoloches »… ).

  4. On pourrait chanter « tambalacoque » sur cet air là :

    Aquinze, ‘aristoloche’ ne peut pas me faire rêver, ça ressemble trop à une limace et je ne suis pas la seule à le penser : Qu’est-ce que c’est que ça, des aristoloches? Rien de bon, évidemment. D’abord, moi, les aristos, je les déteste, et les loches, ça vous fait glisser quand on marche dessus : ce sont des bêtes répugnantes… (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 153.)

  5. Coïncidence ! :

    http://www.lemauricien.com/article/50-ans-sega-claudio-veeraragoo-voix-du-patrimoine

    (Tambalacoque m’a fait penser à Ambalaba et ensuite j’ai cherché des renseignements sur Claudio Veeraragoo)

  6. …ou sur cet air-ci

  7. MiniPhasme

    Siganus : l’automédication peut être dangereuse si on se trompe énormément.

    Se pourrait-il que votre Dodo ait été accro à la fausse angusture* ?

    De quoi faire frémir les soldats victimes de troubles, qui suivent encore l’ordonnance du docteur Siegert…

    Avec modération ? natürlich ! 🙂

    * Poison violent extrait de l’écorce du vomiquier
    Ben alors, vous dormez, arcadius ?
    [ ma patte brindille à couper que leveto a déjà vu le topo (débaptisé par l’éponyme d’une station de métro parisienne). BTW, dans aristoloche, c’est moins l’apocope prout prout que le topo ANGEVIN qui m’emballe… ]

  8. MiniPhasme feuille

    Ah, j’oubliais…

    On ne sait pas à quoi (ou quelle racine) carbure votre « très-photogénique Madame L’Oréal locale », Siganus, mais l' »étylomologie » relevée dans son « livre sur les arbres de Maurice » ne me branche pas trop…

  9. Siganus Sutor

    “Aristoloche”, une liane qui fait des fleurs et dont l’étymologie signifierait “excellent accouchement”, voilà qui ne manque pas d’originalité Aquinze. Aussi exotique que “rhododendron”, fleur qu’on trouve jusque dans des contrées hyperboréennes. Mais si j’avais à choisir un autre mot exotique j’aurais opté pour “colophane” — comme dans la comptine. Je pensais qu’à l’instar de “tambalacoque” il s’agissait d’un mot bien de chez nous. Erreur on ne peut plus funeste : la colophane (bizarrement féminin en français dit “standard”) est bel et bien connue au-delà du Coin de Mire. Il s’agit du résidu solide de la distillation de l’essence de térébenthine, employé à la préparation de savons ou de colles, ou pour enduire les crins des archets. Cela n’a pas grand-chose à voir cependant avec Canarium paniculatum, le bois colophane endémique, à part le fait que de la résine était prélevée sur le tronc de l’arbre et “utilisée par les violonistes campagnards ou brûlée en guise d’encens” (Rouillard & Guého).

    “Les Aristoloches” — presque le titre d’un film produit par les studios Disney.

     

    Zerbinette, ça fait presque grincer des dents d’entendre le “créole” prononcé de cette façon-là ! C’est vraiment du créole petit-nègre, si vous me permettez l’expression. Ça n’a dû qu’ajouter à l’amertume du pauvre Claudio, un ségatier avant tout associé à l’inoubliable “Bhai Aboo”. (Ah, que c’était bon de danse sur cet air-là quand on était encore jeune…) Mais je n’ai jamais compris pourquoi cette salade il fallait la manger en bas là-bas. Et pourquoi une salade d’ailleurs ?

     

    MiniPhasme, votre angusture ne peut que faire songer au bitters qu’on mettait dans le gin tonic ! Un dodo mort de cirrhose ? Une hypothèse encore jamais imaginée j’ose croire.

  10. MiniPhasme

    Euh… Je me garderais bien de conseiller à vos candidats au bac d’en prendre de la graine… 🙂

  11. Siganus Sutor

    MiniPhasme, qu’y a-t-il donc dans ces annales de “sciences nat” au bac S 2015 ? Quand je faisais quelques recherches sur le tambalacoque, il me semble avoir vu un problème posés aux candidats de Pondichéry dans lequel il était question d’une relation symbiotique entre le dodo et cet arbre-là. Peut-être n’ont-ils pas d’inspecteurs académiques de ce côté-là de l’océan Indien ?

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