Aucune part

Aucune part.
Locution adverbiale.

Nulle part.

Jamais la rue n’avait connu pareille foule et probablement aucune part n’avait-on vu foule plus ordonnée et plus recueillie.”
(Selmour Ahnee, Fagots, 30 juin 1947.)

Je me suis rendu au bureau de la Sécurité sociale. Un officier m’a informé que je recevrais mon allocation vers le 4 janvier. Entre-temps, comment vais-je faire pour vivre ? Je n’ai aucune part où aller…
(Le Défi, 26 décembre 2012.)

Le gouvernement est venu avec un subterfuge légal ne mentionnant, aucune part dans la loi, le mot sodomie. Il l’a classifié sous la définition du viol, mais d’une manière générale.”
(L’Express, 10 avril 2007.)

Si je suis étonné que le projet MID n’apparaît aucune part dans le discours budgétaire, j’accorde néanmoins le bénéfice du doute, car je sais que le Plan d’action MID est fin prêt et qu’il faudrait pour lui seul un mini-budget !
(Le Mauricien, 10 novembre 2012.)

Le Road Traffic Act reste assez silencieuse ; la loi ne stipule aucune part qu’il est interdit de prendre sa voiture en cas de mauvais temps.”
(La Vie catholique, 2-8 mars 2007.)

Beaucoup de responsables de ressources humaines des entreprises privées concernées ont été étonnés de recevoir une telle correspondance cette année. D’autant que l’heure des pique-niques n’est aucune part mentionnée dans le courrier.”
(Week-End, 15 avril 2012.)

M. le président, l’honorable Leader de l’opposition a fait référence, encore une fois, à mon discours du 07 décembre 2009, surtout par rapport au rattrapage. Laissez-moi dire que, quand on lit mon discours du 07 décembre 2009, je le répète, à aucun moment et aucune part, j’ai préconisé la compensation salariale par rapport au rattrapage, même pas le principe de rattrapage.”
(Hansard, sur le site du gouvernement, discours de Pravind Jugnauth à l’Assemblée, 14 décembre 2010.)

 
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Billet originel du 1er juillet 2011 :

Ce matin, à propos d’un étui d’appareil photo sur lequel il paraissait impossible de remettre la main, une personne m’a dit en français : « Je ne sais pas où il est ; je le trouve aucune part. »

Aucune part ? Voilà qui semblait être l’équivalent local de l’expression française “nulle part”. En quelque sorte la version francisée de ce qui en créole se dit “okenn par”, comme par exemple dans “Kapav linn perdi, mo pa trouv li okenn par.”

Amis lecteurs, qu’en pensez-vous ? Diriez-vous qu’aucune part est une expression recevable en “bon” français ?

 

Ҩ

 

17 réponses à “Aucune part

  1. A l’origine aucun était positif et avait la valeur de quelque ou de quelqu’un , s’accordant avec le nom. Il est toujours employé dans ce sens , sans pour autan paraître aussi affecté que le style de P. Valéry : L’ombre de quelque page éparse d’aucun livre (!)
    Ce mot est maintenant généralement négatif, on DOIT utiliser la négation ne.
    Je ne prends aucune part en cette querelle : ce qui veut dire que je ne m’implique pas.
    Mais votre part signifie lieu, endroit, site. En bon français on dit nulle part.

  2. Siganus Sutor

    Mais votre part signifie lieu, endroit, site. En bon français on dit nulle part.

    Arcadius, c’est noté, merci. Aucune part constituerait donc bien un mauricianisme. Sa signification me semble cependant claire. “Nulle part”, c’est “dans aucun lieu”. On pourrait remplacer “aucun(e)” par “nul(le)” et vice versa sans que le sens de l’expression en soit fondamentalement modifié.

    Je trouve toutefois que les expressions “nulle part” ou “aucune part” ont intrinsèquement quelque chose de sémantiquement obscur de nos jours. De quelle “part” est-il question là ? D’une part de la maison ? (J’ai cherché dans toutes les parts (parties) de la maison, et je ne l’ai trouvé dans nulle/aucune part.) D’une partie d’un autre tout ? Le nowhere anglais me paraît un brin plus explicite.

    Le TLF, à l’entrée part, parle de “partie d’un lieu” en II. C’est dans cette deuxième partie de la définition que l’on retrouve l’expression “nulle part”, mais aussi “quelque part” (je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part), “autre part” (j’étais autre part (i.e. ailleurs) à ce moment-là) ou “de toutes parts” (je suis sollicité de toutes parts). Il s’agit à chaque fois d’une notion géographique, la “part” en question s’apparentant à un lieu, un endroit, un côté… Le mot “part” ne me semble plus employé dans ce sens que dans ces expressions plus ou moins figées.

  3. Il semble qu’il s’agisse d’un usage ancien de la langue. Voyez par exemple ici, où « aucune part » est synonyme de « nulle part » :
    « On pouvoit ainsi diviser tout le tiers-état, en deux principales classes , qui se subdivisoient en différentes sections. Je ne veux déprimer aucune nation; mais je ne crois pas qu’aucune part on trouvât plus de lumières, plus de probité, plus d’urbanité, plus de loyauté, une religion plus éclairée que dans la première de ces deux classes , qui comprenoit toutes les académies, tous les gens de lettres. Je ne crois pas que nulle part on trouvât plus de bonne foi , plus de simplicité, plus de candeur, plus de véritable piété, plus d’amour du travail, que dans l’élite de la seconde. Je ne crois pas enfin, que nulle part on trouvât plus de patience, plus de docilité, plus de bonhommie, plus d’attachement à la foi de nos pères, avec aussi peu de superstition, que dans le reste de la seconde classe.»

  4. Siganus Sutor

    Bonne pêche, Olimalia. En effet, dans L’Ami du Roi, des François, de l’ordre et sur-tout de la vérité; ou Histoire de la Révolution de France, et de l’Assemblée Nationale (1791, par M. Montjoye) on voit aucune part utilisé comme synonyme de nulle part, dans le même paragraphe que cette dernière expression. Alors oui, peut-être s’agit-il d’une expression ancienne. Ce ne serait pas la première fois que “mauricianisme” rimerait avec “archaïsme”.

  5. Cher Siganus, afin qu’on ne pense pas qu’il s’agisse d’un hapax, voici d’ailleurs un second poisson, de 1758, où « aucune part » (en bas de page) est aussi employé dans ce même sens.

  6. Merci à Olimalia ; à noter qu’en español nulle part se dit ninguna parte (aucune)

  7. zerbinette

    J’ai l’impression que l’adj. « nul(le) » s’emploie surtout avec « part » ! D’ailleurs le tilf donne pour équivalence à « nulle part » : en « aucun » lieu ! et indique pour nul : Littér. sauf dans nulle part.

    Je dirais spontanément : « je n’ai aucun endroit où aller » plutôt que : « je n’ai nul endroit où aller ».

    Et nulpart est devenu un adverbe ! d’ailleurs regardez aussi le nombre d’occurences pour « nul part » ! A tel point que sur un forum on trouve la question : « Nulle part ailleurs ou nul part ailleurs? »

    Mais pourtant aussi Quand vous n’avez aucune part où aller?

    Le mauricianisme ne serait-il pas dans l’oubli de la négation devant le verbe ? 😉

    « je n’ai nul endroit où aller » mais plutôt :

  8. zerbinette

    La dernière ligne (en trop !), c’est à cause de la difficulté pour « dérouler » le texte à l’intérieur du cadre avec la nouvelle présentation ! On ne voit plus ce qui traîne….. grrrr

  9. J’ai l’impression que l’adj. « nul(le) » s’emploie surtout avec « part » !

    Zerbinette, je ne me risquerais pas à dire que “ça c’est nul”, mais peut-être avez-vous oublié de préciser que tel était le cas en ce qui concerne l’adjectif indéfini, comme il est dit dans le TLFi. (Voir ci-avant. A moins que nul lien ne puisse vous retenir suffisamment longtemps pour en avoir le cœur net.) En tant qu’adjectif qualificatif son utilisation indépendante est loin d’être réduite à zéro (a.k.a. “nombre nul” — null chez les Anglais, qui ont viré le -e muet). Un blog nul, un devoir nul, une fête nulle, un article nullissime, des propos nuls et non avenus (aussi qualifiés de null and void en anglais), un match nul (double sens), etc.

    Je me suis rendu chez une notaire il y a quelques temps — si tant est que ce nom de fonction puisse se féminiser de la sorte — et je me suis demandé, alors qu’elle lisait l’acte, ce que pouvaient bien être ces “monuls” dont elle parlait régulièrement. Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’il s’agissait de “mots nuls”, auprès desquels il fallait apposer ses initiales.

    Et nulpart est devenu un adverbe

    Je suppose que c’est un joke, non ? A moins que vous ne l’ayez trouvé dans le Larousse 2011…

    Le mauricianisme ne serait-il pas dans l’oubli de la négation devant le verbe ?

    Là j’ai pas compris. Je vois vraiment pas où est le problème. De nos jours c’est pas comme ça que tout le monde parle en France et ailleurs ? 😆

    Même le créole suit cette tendance. En toute rigueur dans le billet j’aurais dû écrire “mo napa trouv li okenn par”, qui est en quelque sorte l’équivalent du “ne… pas” français. Mais je n’entends plus grand monde parler de la sorte maintenant, moi compris.

  10. Olimalia, pêcheur sachant pêcher sans son cormoran… Il est bon de savoir que M. Montjoye n’était pas seul.

    Arcadius, votre ninguna parte hispanique (littéralement “aucune part”) me met du baume au cœur.

  11. zerbinette

    Siganus, bien sûr vous avez raison ! c’était nul ! Je voulais parler de « nul » dans le sens de : « aucun » bien sûr !

    Quant à nulpart, voyez vous-même.

  12. Siganus Sutor

    Zerbinette, je n’avais nulle intention de faire autre chose que de l’humour ± nul, bien sûr !

    Quant à nulpart, je vois, effectivement. Je vois que ceux qui en usent ont quelques difficultés supplémentaires avec l’orthographe :
    • “Disque dure externe apparait nulpart”
    • “Police partout justice nulpart c’est victor hugo, les amis!
    Pous ceux qui s’interroge sa signifie que la ou il y a trop de policiers la justice perd de son pouvoir, c’est souvent les dictateurs qui utilise l’etat policier ou les gouvernement repressif…”
    • “Un vaginisme qui vien de nulpart et qui ne mene nulpart”

    On a en quelque sorte rejoint l’adverbe anglais nowhere mentionné plus haut. Il arrive toutefois que d’aucuns l’écrivent en deux mots, y compris en citant la Bible : “We know that Jesus himself was homeless, as the ancient text says “The Son of Man has no where to lay his head.” (Luke 9:58)”. Il arrive cependant que cet adverbe prenne valeur d’adjectif :

    He’s a real nowhere man,
    Sitting in his Nowhere Land,
    Making all his nowhere plans
    for nobody.

  13. Bonjour, je m’appelle aurore et j’ai seulement 22 ans . Je n’ai pas tout compris ce que vous avez pu écrire sur ce forum et je voudrais savoir si oui ou non « aucune part » se dit dans notre langage français car une amie me l’a dit la dernière fois et je lui ai soutenu bec et ongles que cela ne se disais pas ! Alors depuis j’en cherche la preuve … Merci beaucoup à vous tous ! En espérant avoir de vos nouvelles …

  14. Bonjour Aurore. En principe l’expression “aucune part” n’est pas utilisée en français standard d’aujourd’hui. Par contre elle est assez fréquemment employée en français parlé à l’île Maurice, et plus encore en créole mauricien sous la forme “okenn par”. Toutefois — voir plus haut les commentaires d’Olimalia —, il semblerait que cette expression était utilisée en France au XVIIIe siècle.

  15. Ah beh super ! J’ai un peu raison alors 🙂 elle n’ai pas sence dire ça ? Elle doit dire « nulle part » ? Merci beaucoup pour votre réponse ! Ça fait plaisir de savoir qu’il y a des gens qui nous prennent au sérieux et pas pour des imbéciles ! Je sais ou revenir maintenant quand j’ai une question 🙂 a bientôt peut être 🙂

  16. À votre service.

    (Ce matin je cherchais désespérément un bouchon de lavabo que, pensais-je, le chat avait emporté pour jouer avec, et après avoir fait le tour d’une partie de la maison je me suis surpris à dire “il n’y a aucun bouchon aucune part”.)

  17. Lool ! C’est parce que à force d’en parler maintenant ça vous perturbe ^^ moi c’est sur on ne m’y prendra pas 🙂 me tarde de pouvoir dire à ma copine que je sais de source sûre qu’elle parle en créole mauricien Lool

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