Poban

Poban.
Nom masculin.

Pot pouvant être fermé de façon hermétique et utilisé pour conserver des denrées alimentaires.

Autrefois, à l’époque où il n’y avait pas de frigidaire, la conservation des aliments posait problème, surtout dans un climat chaud. Pour pallier cet inconvénient, beaucoup de denrées périssables étaient confites ou salées. Ma mère disait que sa mère utilisait des pobans, c’est-à-dire de gros flacons en terre cuite pourvus de bouchons, pour conserver des aliments, par exemple des limons qui étaient recouverts de sel. Aujourd’hui, un poban est avant tout un bocal en verre, comme ceux visibles sur les photos suivantes :

Poban à couvercle vissé (gauche) et poban à couvercle en verre, anneau de caoutchouc et clip métallique (droite).

Poban à couvercle vissé (gauche) et poban à couvercle en verre, anneau de caoutchouc et clip métallique (droite).

Pobans_8

Le mot poban paraît quasi inconnu en Europe francophone, à l’exception de l’usage particulier qui semble en être fait pour le conditionnement des pruneaux (les pruneaux tout chauds étaient conditionnés dans différents emballages : boites fer, flacons en verre appelés aussi “pobans). Par contre on le rencontre sur le pourtour de la mer des Antilles et, semble-t-il, jusqu’en Louisiane.

A Marie-Galante il existe un proverbe selon lequel « Ti poban ka souflé byen » : Une petite fiole siffle bien. (Dictionnaire du créole de Marie-Galante, Maurice Barbotin.) Dans cette île guadeloupéenne « poban » signifie flacon, fiole — http://books.google.mu/books?id=o-aDbjaqSr4C&q=poban —, mais jusqu’à l’heure je n’ai pas réussi à savoir si le mot existait en Guadeloupe même ou à la Martinique. Cela semble probable, vu qu’il est utilisé en Haïti aussi, où on trouve un lieu-dit Poban dans le département de la Grand’ Anse. En outre, dans la traduction de la Bible en créole haïtien on retrouve le mot poban : « Samyèl pran ti poban lwil la, li vide l’ sou tèt David, la devan tout frè li yo. » (Samuel 16:13.) Les Haïtiens cultivent par ailleurs une banane farineuse (banane à cuire) nommée « banane poban ».

En Louisiane existait un journal qui fut créé francophone (en 1827) sous le nom de L’Abeille de la Nouvelle-Orléans, qui devint bilingue et s’appela aussi The New Orleans Bee, avant de redevenir uniquement francophone en 1872, jusqu’à sa disparition en 1925. Dans le numéro du 11 juin 1832, parmi les annonces diverses, il est question de la vente de la cargaison d’un navire provenant de Marseille. Parmi la cargaison en question on trouve « dix caisses de Prunes en poban”. Il reste cependant à savoir si ces « prunes en poban » ne correspondent pas au conditionnement des pruneaux mentionné plus haut.

A vendre : 10 caisses de Prunes en poban.


A vendre : 10 caisses de Prunes en poban. (Cliquable.)

Incidemment, ceux qui étaient chargés de cette vente — C. Oger & Co. — possèdent un « et compagnie » parfaitement mauricien. On en dira davantage lorsqu’il sera question du mot « compagnie ».

Pobans à l'ancienne, en terre cuite, qui servaient à conserver des limons confits ou d'autres denrées.

Pobans à l'ancienne, en terre cuite, qui servaient à conserver des limons confits ou d'autres denrées.

Pobans servant à contenir des olives, des mangues, des fruits de Cythère...

Pobans contenant des olives, des bilimbis, des mangues, des fruits de Cythère...

Devant la vertigineuse et très gênante absence de dictionnaire du langage mauricien, certains sont dans la plaine, si ce n’est dans la peine, lorsqu’il s’agit de supputer l’orthographe de certains mots. Dans cette mine de mauricianismes qu’est le livre quasi trentenaire d’Yvan Lagesse, ancien patron de la principale banque du pays, on trouve la graphie « pauban » :

« Get li, li kouma enn prino dan so poban ! »
Comment vivre à l'île Maurice en 25 leçons, page 179. (Image cliquable.)

 

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Mise à jour du 22 avril 2018

Une correspondante, Danielle Labatut, nous fait parvenir le très intéressant extrait d’un manuscrit écrit entre 1760 et 1780 par François Bouquey Lagrave, capitaine de navire originaire de Saint-Émilion près de Bordeaux. Il y avait transcrit des conseils utiles à son métier de marin, dont la façon de conserver des aliments dans des pobans.

Extrait d'un manuscrit conservé aux archives départementales de la Gironde.

Extrait d'un manuscrit conservé aux archives départementales de la Gironde.

Il est dès lors possible d’imaginer qu’il pourrait s’agir là d’un mot utilisé dans un parler régional de l’ouest de la France, mot que les navigateurs français se seraient approprié en utilisant l’objet en question lors de leurs voyages en mer, ce qui expliquerait sa diffusion d’un océan à l’autre. Cela semble plus probable qu’un mot indigène emprunté aux Antilles (ou ailleurs) et transposé en langage maritime, mais qui sait ? Quoi qu’il en soit, le très complet Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW) — dictionnaire étymologique et historique du français et dialectes d’oïl, du franco-provençal, de l’occitan et du gascon — ne compte aucune entrée pour le mot “poban”.

32 réponses à “Poban

  1. Ah, je viens de découvrir une acception de poban pour le moins surprenante :

    poban
    nm (po-ban)
    Nom, aux Antilles, donné au produit de sang mêlé, qui a le moins de sang nègre.
    http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/poban/57753

    C’est ce qu’en dit Littré.

  2. Je peux confirmer l’utilisation— rare mais réelle — du mot « poban  » à Marie-Galante, comme en Guadeloupe pour désigner toutes sortes de petits récipients en verre disposant d’un moyen de fermeture comme un couvercle ou un bouchon (et notamment par des saintois à propos d’une flasque de …rhum) . En Martinique, bien que cela soit très probable, je ne l’ai pas entendu, du moins ce n’est pas resté dans mes souvenirs.
    Les autres acceptions m’étaient inconnues, notamment le toponyme haïtien. Me revoilà parti dans des recherches … Sacré Siganus!

  3. Leveto, je suis désolé de vous faire perdre votre temps. Comment pourrais-je me faire pardonner ?

    Je suis aussi tombé sur un dictionnaire du patois saintongeais dans lequel le mot poban figurerait — au conditionnel. L’entrée semblait renvoyer à une autre : pot-ban, et l’auteur avait l’air de suggérer que ce n’était qu’un… pot-banal.

    Sinon, je suis aussi tombé sur une page a priori martiniquaise sur laquelle on comptait les 16e de sang blanc ou nègre, ce qui faisait de vous un blanc, un poban, un quarteron, un mulâtre, etc., jusqu’au nègre avec 16/16e de sang noir. Avez-vous déjà entendu parler de quelque chose de la sorte dans les Antilles ?

  4. The jars on the right with the glass lids and metal hinges are known as « French Kilners » in the U.K. and « bail closure jars » in the U.S. So apparently the attribution to Francophonia is correct.

    Who invented that particular style of canning jar, anybody know?

  5. A. J. P. Crown

    John, in England they’re known (to me, at least) as ‘Kilner jars’, I’ve never heard ‘French Kilner’. But FK implies that there’s also something different, the ‘English’ Kilner. I wonder what that is?

    I must say I hate the damn things. Over the years I have seen lots of jam go moldy because the seal wasn’t tight.

    My great-great aunt inherited an oak chest, she once told me, from some rich relatives. She was so excited, she didn’t know what it could be. It turned out to be full of pobans of jam labelled ‘1912’.

  6. A. J. P. Crown

    If you google it and follow the ref. at the bottom, you will see that apparently the Kilner jar was invented by Jeremy Clarkson’s great-great-great grandfather, John Kilner (1792-1857).

  7. A. J. P. Crown

    Sorry, by ‘googling it’ I meant look in Wikipedia.

  8. Siganus, je suis comme vous : je n’ai jamais entendu utiliser aux Antilles (attention! je n’y ai passé que 2 ans !) « poban » dans l’acception que vous signalez de sang-mêlé; c’est une complète découverte.
    Sur le toponyme, je sèche lamentablement, mais je n’ai pas consulté tous mes dictionnaires…
    Quant à « pot-banal », ça me semble être plus une explication a posteriori qu’une réelle étymologie, mais qui sait ?
    L’enquête continue…

  9. Après quelques recherches il apparait finalement que l’étymologie selon « banal » n’est pas si sotte.
    Il y avait en effet autrefois des monopoles établis par le seigneur à son seul profit. On appelait ces monopoles des « banalités », les principales étant le droit de moulin, de pressoir et de banvin.
    Ce dernier droit, le banvin, réservait au seigneur le droit de vendre du vin sur ses terres pendant une quarantaine de jours après le ban des vendanges. Le vin était alors vendu non pas dans des bouteilles, mais, comme le lait, dans des pots! Il s’agissait de pots banals, de pots-bans!
    Reste une énigme: le rapport avec les sangs-mêlés…

    P.S. Merci Quillet, une fois de plus !

  10. « Banvin : droit, pour le seigneur, de se réserver, à certaines périodes, le monopole de la vente du vin au détail, à pot ou à pinte, mais «sans fournir viande ni rien à manger sur le lieu » ce qui ferait du seigneur un aubergiste. »
    C’est dans ce document, colonne de droite, en note 2, page 18

    Cliquer pour accéder à Sedanmagjuilletaout092.pdf

  11. J’en rajoute une couche: lire ce document où il est question des pots de mesure (vendus par le seigneur et marqués à ses armoieries!) servant au banvin:
    http://cgha.free.fr/histoire/droitsseigneuriauxtransactions.htm#transaction12

    PS pas un mot sur la TVA dans ces documents…

  12. Leveto, vous pobannez comme un forçat, for my eyes only… Merci. Malheureusement je n’ai pas beaucoup de temps libre pour décortiquer tout cela. (Patience, j’y reviendrai, tôt ou tard.) Je sais que vous n’êtes pas du genre à accepter des pots-de-vin (“gousse” en mauricien, les vignes étant on ne peut plus rares ici-bas), mais je vous revaudrai cela — en nature.

  13. Leveto : On appelait ces monopoles des “banalités”, les principales étant le droit de moulin, de pressoir et de banvin.

    N’y avait-il pas le droit de four aussi (obligation d’utiliser le four du seigneur contre paiement) ? En quelque sorte le seigneur féodal était un capitaliste avant l’heure — un capitalisme contraint et forcé dans ce cas.

    L’habitude de mettre le vin dans des pots plutôt que dans des bouteilles n’était sans doute pas si rare autrefois. Cela était peut-être même la norme. Dans les auberges ne servait-on pas le vin, tiré d’un fût, dans un pichet, autrement dit un pot ? L’expression « pot-de-vin » en témoigne il me semble. D’ailleurs je me souviens de personnes qui mettaient des fruits à macérer dans de l’alcool, le tout dans des pots, du modèle à joint en caoutchouc visible ci-dessus, des pots appelés pobans en l’occurrence.

    A propos des pots-de-vins, je ne suis pas certain qu’il y ait une rigoureuse superposition entre ce mot composé et le mauricianisme « gousse ». Il me semble qu’un pot-de-vin peut être un pourboire (“pour boire”), une récompense que l’on donne après que la chose qui devait se faire a été faite. Certes, le pot-de vin peut être illégal — et aujourd’hui il l’est la plupart du temps —, mais ça ne me semble pas une obligation. Historiquement, et étymologiquement, il viendrait plutôt après qu’avant. En cela il correspondrait, dans une certaine mesure, à l’anglais tip, qui se différencie de bribe, lequel correspond toujours à l’action de soudoyer, comme dans le cas de la gousse.

  14. Quelques pobans de plus dans le billet, et même un pauban…

  15. As you perhaps guess, I read these posts through Google Translate, which has the virtue of presenting the original, sentence by sentence, as tooltips: between the translation and the original, I believe (hope?) I understand most of it.

    But I thought I’d mention some of the amusing things that happen when Translate hits its limits. Most of the Kreyol is rightly left alone, but li vide l’ sou tèt David becomes li empty the penny Tèt David. The English, too, remains basically intact, although my bail closure jars became the bizarre lease closure gander. Crown’s reference to the ‘English’ Kilner is flip-flopped to the ‘Français’ Kilner (the French for London is Paris, indeed).

    But the weirdest thing is that francophone is twice rendered simply as speaking: at the top of the post we anglophones are told « The word poban seems almost unknown in Europe speaking », and later « In Louisiana there was a newspaper that was established French (1827) under the name The Bees of New Orleans, who became bilingual and is also called The New Orleans Bee, before speaking again only in 1872, up his death in 1925. » Note that the first occurrence of francophone became simply French, which is not good English but certainly intelligible. Such are the vagaries of statistical translation.

  16. Chez moi, les bocaux à fermeture métallique et rondelle de caoutchouc s’appelaient bocaux à conserves.

    Les vins du seigneur vendus en pots: la limite de temps mise à la vente veut peut-être dire que ce vin était vendu pour la consommation immédiate, et non mis en fût pour y mûrir et se conserver longtemps.

  17. Dans son glossaire des racines créoles, Pierre Bonnet donne comme définition de Poban: « Terme péjoratif désignant aux XVII° et XVIII° siècles, la population blanche laborieuse des villes. A la campagne, ils s’appelaient les “Petits Blancs”« . Plus loin il mentionne que le poban est aussi le « Mot créole désignant un pot, un récipient, une fiole » et précise que «  le “poban servait aussi de mesure pour l’achat d’huile de ricin ».

    Cela se recoupe assez bien avec la définition qu’en donne Robert Germain dans sa Grammaire Créole, bien plus lisible dans cette citation.

    Il semblerait donc que le flacon tire son nom de son utilisation par les Pobans à l’origine. Quant à savoir d’où vient ce qualificatif Pobans, serait-ce un glissement de « petits blancs » ? Probablement pas, « petit » aurait donné « ti » plutôt ?

  18. Dans ce livre ancien, l’auteur penche pour l’hypothèse inverse : les petits marchands des villes étaient appelés blancs poban d’après le nom des bouteilles en verre dans lesquelles se vendaient les salaisons (olives par exemple) ou les fruits confits.
    Meilleurs vœux à tous.

  19. Si l’on suppose que l’hypothèse de Gro Zippo (« poban » désignait les petits-blancs avant de désigner les contenants) est la bonne, est-ce que que « poban » ne pourrait pas dériver de PAU(VRE) B(L)ANC, tout simplement?

  20. Siganus Sutor

    “Poban” en tant que corruption de “pauvre blanc” ? Voilà qui serait extraordinaire. Je ne suis pas certain qu’un tel changement suive bien les modes d’évolution usuels des mots — il me semble, à tort peut-être, que le [l] de [blɑ̃] aurait dans ce cas “dû” donner un mot se rapprochant davantage de “poblan” —, mais qui sait si cela n’a pas été le cas…

    Olimalia*, comment comprenez-vous que les “blancs poban” étaient ainsi nommés d’après le nom donné à certaines fioles ? Dans le livre que vous proposez (Seconde campagne de Saint-Domingue, Jean Baptiste Lemonnier-Delafosse), l’auteur cite tout au plus les deux définitions, le récipient apparaissant en note de bas de page. Certes, on pourrait être tenté de comprendre, lorsque dans le corps du texte apparaît l’expression “blanc poban” renvoyant elle-même à la définition de la bouteille, que la première est issu de la seconde, mais il ne me semble pas que cela soit clairement stipulé dans l’ouvrage.

    Zippo, dans ce que vous citez, une fois encore je ne vois pas bien ce qui permet de penser que telle acception du mot poban a donné naissance à l’autre, en l’occurrence que le nom de la fiole est issu du nom donné aux petits blancs. Quand je lis tout cela je ne vois tout au plus que deux définitions mises en parallèle, sans que l’une apparaisse comme étant issue de l’autre. Mais peut-être ai-je mal vu ?

    Quoi qu’il en soit, il peut être intéressant de remarquer que dans sa Contribution à un inventaire des particularités lexicales du français de l’île Maurice Didier de Robillard mentionne une expression utilisée pour parler des blancs modestes, ou des “presque blancs”, et qui, une fois encore, fait appel à un récipient :

    Blanc baquet – Terme dépréciatif utilisé pour désigner une partie de la population proche des “blancs” sur tous les plans (phénotype, langue, culture, etc.), mais non considérée comme faisant partie des “blancs” par ceux-ci.

    Dans ce cas-ci, il n’est pas possible de penser que le mot baquet dans l’acception de “cuvette, bassine” soit issu du nom donné à un groupe social, et c’est le contraire qui est vrai. Il est cependant loisible de se demander pourquoi ces blancs-là ont-ils été qualifiés de “baquet”. Serait-ce parce que la blancheur d’un baquet blanc est en général douteuse ?

    Pour ce qui est de l’hypothèse émise par Leveto à propos de l’origine du mot poban (“Ce dernier droit, le banvin, réservait au seigneur le droit de vendre du vin sur ses terres pendant une quarantaine de jours après le ban des vendanges. Le vin était alors vendu non pas dans des bouteilles, mais, comme le lait, dans des pots ! Il s’agissait de pots banals, de pots-bans !” — cf commentaire du 9 août 2009 ci-dessus), personne ne l’a reprise, pas même l’auteur de ce blog. Pourtant, dans le Diksioner Morisien d’Arnaud Carpooran, au début de l’entrée poban (“enn gran po avek kouvertir ki servi pou gard bonbon ouswa pou met kiksoz konfi. ◙ Fr. bocal ; Ang. jar”), il est possible de lire ceci, avec un trait d’union, exactement comme l’a écrit Leveto : “{Fr. d. pot-ban}.” Cette étymologie-là — un mot issu d’un dialecte français parlé à l’époque coloniale — se retrouve chez Baker et Hookoomsing, qui renvoient en l’occurrence à Robert Chaudenson : “<Fd/Fom v R. Chaudenson, 1974, p. 837”. Malheureusement, je ne possède pas d’exemplaire du Lexique du parler créole de la Réunion, publié par Honoré Champion en 1974, et il ne me sera pas possible d’en dire davantage à ce sujet.

     

    * Merci pour vos vœux, Olimalia. Je vous souhaite moi aussi une bonne année 2012. Avec, par rapport aux années précédentes, un plus grand nombre de billets à la clef ?

  21. Siganus Sutor

    Et un exemple d’utilisation, dans un article du quotidien L’Express :

    Le poban rempli de bonbons, que l’exposition prend soin de bien isoler derrière une vitrine, réveille notre palais d’enfant gourmand.”
    (L’Express, 21 février 2011.)

  22. Oui Siganus c’était probablement une conclusion hâtive de ma part. C’est un peu mon (sempiternel) souci de m’attacher aux détails; si je reprends la citation à propos des définitions de Germain, le mot « seuls » m’interpelle (pourquoi l’auteur le précise-t-il ?). J’imagine bien que le poban serait devenu un raccourci pour le « flacon utilisé uniquement par les Pobans », tout comme « frigidaire » l’est pour « un réfrigérateur de la marque Frigidaire ». Fidèle à l’esprit de ce blog, j’ai proposé une autre piste impliquant et liant les deux acceptions qu’on retrouve si souvent ensemble, mais piste qu’on peut à loisir démonter, ce qui fait avancer les choses (en éliminant une hypothèse improbable).

    Pour le terme poban utilisé comme type de population, tout comme Etienne qui proposait un glissement de « pauvre blanc » vers « poban », j’avais aussi pensé à une origine possible avec « peau blanc » (avec aussi la disparition du ‘l’). J’imaginais bien que le terme poban ait pu désigner un Blanc de condition modeste qui n’avait que la « po blan », sans avoir la richesse des Grands Blancs (terme qu’on retrouve souvent). J’ai déjà entendu un qualificatif analogue de ferblan (« faire blanc ») utilisé sur Mars à l’encontre de ces Créoles qui, de par leur peau blanche, fréquentaient des Blancs, mais n’en faisaient pas partie. Ça ressemble pas mal aux blan baquet; les baquets ne sont-ils pas souvent en fer blanc (sur Mars)?
    Est-ce que « poban » ne serait pas un terme péjoratif utilisé pour ces Ti-Blancs ? On pourrait le penser en lisant dans « Voyage aux Antilles » la description que fait l’auteur des différentes composantes de la population blanche, entre autres (p. 248-9):
    « Il reste une troisième catégorie de blancs, c’est celle des petits pacotilleurs européens, qui vont tenter fortune aux Antilles. Cette malheureuse classe est l’objet du sarcasme éternel des nègres, qui ne comprennent pas qu’un blanc puisse porter un paquet sur le dos. Ils ont imaginé, je ne sais pas pourquoi, de leur donner de ridicules sobriquets : ils les appellent pobans et moutons-France. »
    D’autres Blancs font aussi l’objet de moqueries; ce sont les soldats, car eux aussi doivent porter leur malle sur leur dos (p. 250). Un des domestiques disait d’eux que c’était des « pauvres blancs » (on rejoint la proposition d’Etienne); l’auteur précise néanmoins ne pas connaître l’origine du terme.

    Si on accepte une quelconque relation entre les deux acceptions, Olimalia propose un contre-exemple inversant la racine de la relation (même si la phrase ne l’indique pas clairement mais la suggère). On peut trouver un autre exemple où, comme vous le suggérez, aucune relation n’est indiquée entre les deux définitions qui sont juxtaposées. Dans ce dernier exemple, l’anthropologue Bonniol propose juste une étymologie pour le contenant avec doban qui serait tiré de « d’Aubagne », pour les jarres originaires de cette ville.

    Difficile (pour moi) de continuer l’enquête sur cette piste avec des conclusions possibles aussi différentes … 🙂

    Aussi, bonne année à tous.

  23. Roméo Armougon

    Bonjour . Je vous confirme que le mot poban est utilisé dans la langue créole de Guadeloupe pour désigner une petite fiole , mais également une mesure de 100ml d huile ou de rhum

  24. Siganus Sutor

    Bonjour Roméo, et merci pour votre contribution. À Maurice un poban est plutôt un pot d’une certaine taille qu’une petite fiole (voir photos ci-dessus), mais l’idée générale est bien là, et il est toujours étonnant de trouver des liens de parenté linguistique malgré la distance qui nous sépare.

  25. Lorraine Lagesse

    La colle matartar, ,
    Cet ENFANt est colle a SA mere comme UNE Colle matartar,,,
    CELA vient il de TAR » »?

    Cordialement Lorraine

    ,

  26. Lorraine Desmarais lagesse

    personne ne m a répondu sur la colle matartar

  27. Siganus Sutor

    Lorraine, même si l’expression m’est quelque peu familière (j’ai dû l’entendre deux ou trois fois), je ne saurais dire d’où elle vient. Peut-être d’une marque de colle ? Si c’est le cas, on aurait alors pu entendre aussi quelque chose du genre “Ayo papa ! cet enfant-là colle avec sa manman comme la colle Cascamite.”

    _______

    PS — “Matar tar” pourrait être une marque de produit bitumineux (“tar”, goudron).

  28. Lorraine Desmarais lagesse

    NON jamais entendu la colle cascamite..mais souvent entendu matartar…qui comme déjà dit doit venir de tartar..ou colletarre (?) tarassocié avec MA (pour maman) ferait matartar…

  29. Siganus Sutor

    Lorraine, je ne suis pas en train de dire que l’expression “comme la colle cascamite” existe, je dis simplement que, si “matartar” était une marque, alors on aurait pu (conditionnel) avoir une expression similaire avec une autre marque de colle.

    Entre parenthèses, ce “matar tar” dont on parle, ne pourrait-il pas être un enduit bitumineux qu’on passait sur la coque des pirogues ? Je me rappelle aussi, vaguement, un produit appelé “rexine” (?) (résine ?), ou encore “la braie”, qu’il fallait faire fondre sur le feu et qu’on utilisait pour boucher des cavités ou des interstices de la coque. Mais ma mémoire me joue peut-être des tours…

    _______

    (Un billet sur les pobans peut amener son monde à discuter de choses les plus hétéroclites qui soient.)

  30. Lorraine Desmarais lagesse

    OUI je pense que cela vient du TAR..& coltar vient de COLD tar…
    Matartar n est pas une marque…de bitume…
    Mais j ailerais bien savoir d ou vient cette expression qui a passé dans notre patois…

  31. Labatut Danielle

    Bonjour, en faisant une recherche sur la définition du mot poban je trouve votre site, vivent internet et les curieux qui l’alimentent !
    J’ai trouvé « pobans » dans un manuscrit de 250 pages conservé aux archives départementales de la Gironde, écrit par un capitaine de navire originaire de Saint-Émilion, François Bouquey Lagrave, entre 1760 et 1780. Il y retranscrit des citations littéraires mais aussi de bonnes pratiques liées à sa profession comme la façon de calculer sa route ET les moyens de conserver la nourriture pendant ses longues traversées vers les Antilles.
    Voici page 3 une recette pour conserver les huîtres (je n’ai pas essayé !) :
    Pour amariner les huîtres, il faut les faire bouillir d’un 1/4 d’heure dans leur liqueur et les bien écumer, ensuite avoir du vin blanc, le faire bouillir et le laisser, puis laisser le tout refroidir et les mettre dans des pobans par cent ou 1/2 cent avec quelque peu de poivre en grain.
    Dommage, je ne peux pas coller une photo du texte dans le commentaire !

  32. Danielle, mille mercis de partager cette intéressante trouvaille. Il est possible d’ajouter une photo aux commentaires, mais je ne sais plus trop comment faire. Faire une mise à jour du billet me semble la meilleure solution toutefois (« contribution de Danielle Labatut »). Vous pouvez m’envoyer la ou les photos(s) à siganus.k sur Gmail.

    Quant à l’origine du mot poban, elle demeure mystérieuse. Elle a forcément quelque chose à voir avec la marine, puisqu’on trouve le mot des Mascareignes à la Louisiane, mais la source à laquelle il a été puisé reste à trouver.

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