Remater

Remater
Verbe intransitif.

Se rétablir, se remettre (d’une maladie, d’une blessure), retrouver la forme, récupérer, aller mieux.

— Ta grand-mère a eu des problèmes de santé, non ?
— Oui, mais elle a bien rematé.

Nous avons là une des rares expressions spécifiques au français de Maurice qu’on ne retrouve pas en créole mauricien. L’analogie maritime est une quasi-certitude, même si le verbe n’est pas écrit avec l’accent circonflexe du mot “mât”. Cette origine n’est toutefois pas sous-entendue, l’expression étant utilisée sans que les locuteurs y voient une référence à la navigation à la voile.

Une très grave avarie sur un voilier consiste à démâter, c’est-à-dire perdre le mât — mauvaise rafale ! Lorsqu’on a remis en place cet élément essentiel à la bonne marche du bateau, les choses vont mieux et la navigation peut reprendre, d’où la probable extension de sens à la santé recouvrée.

Le vocabulaire de la marine comprend le verbe “mâter”, pourvoir un bateau d’un mât. Le verbe “remâter” est sensiblement plus rare. Nous aurions donc là un double mauricianisme, tant par le sens que par la fréquence d’utilisation. On pourrait néanmoins imaginer le scénario suivant : mâter, démâter, remâter, redémâter… De quoi perdre la santé, définitivement.

 

Kozé No 11 — Mai 2016

Kozé # 11 — Mai 2016

9 réponses à “Remater

  1. Lorraine Desmarais lagesse

    OUI on se demande pourquoi et comment le mauricien a réussi a se servir des mots et les acoquiner avec des situations ..
    Comme remater…mais qui semble logique si tant qu un mat est démanté on peut re mater au niveau de sa santé..
    par eg Tomber dans les vavangues…un arbre fruitier..tomber en syncope..Pourquoi ???

  2. Siganus Sutor

    Parce que nous n’avons pas de pommes.

    Pour ce qui est de remater, il serait intéressant de savoir si d’autres contrées un tant soit peu francophones et possédant une histoire maritime ont une expression similaire.

  3. Lorraine Desmarais lagesse

    oui, mais on aurait pu tomber dans les vounes ou dans les pique fesse..
    OUI a chercher si remater existe ailleurs , peut etre en Bretagne

  4. zerbinette

    Ne pourrait-on aussi re-mater dans le sens de « mater » une seconde fois ? aussi bien dans le sens de mater/soumettre que mater/regarder.

  5. À Maurice « mater » au sens de « regarder » n’existe pas. Je pense que c’est de l’argot français.

    « Mater » au sens de « dompter », « soumettre » pourrait être employé localement, mais dans ce cas ça ne serait pas un mauricianisme.

  6. MiniPhasme Titan

    Lorraine Desmarais lagesse : « chercher si remater existe ailleurs , peut etre en Bretagne »

    On le trouve chez un écrivain normand réputé secoué, voire barge : Jean Lorrain * …

    « (…) le vent de la mer, voilà qui allait lui guérir les nerfs et lui remater le cœur. […] adieu Paris, les faux artistes, les bas-bleus les Pelures ! »

    * fils d’armateur, me souffle ste Wiki…

  7. Siganus Sutor

    Bonne pêche, MiniPhasme. Merci pour ce remâtage fort à propos.

    Une légère différence avec l’usage mauricien toutefois — différence que j’avais soulignée lors d’une conversation avec Marie-Lucie —, c’est qu’en Normandie le verbe semble être employé de façon plutôt transitive (remater un cœur) alors qu’ici il est intransitif (on remate tout court).

    Je ne sais pas si Lorraine connaît Lorrain, un Normand, mais en tout cas Marie-Lucie avait trouvé non pas un Breton mais un autre Normand, un dénommé Flaubert, qui, lui, utilisait le verbe remater à la forme passive, dans un contexte non-maritime pour vraisemblablement signifier « aller mieux » :

    « Au figuré. Être remâté. Me voilà revenu dans mon vieux Croisset que j’avais laissé au mois de septembre, aux trois quarts crevé de découragement et de chagrin. Maintenant j’en ai pris mon parti et je suis remâté (Flaubert, Corresp., 1876, p. 255). »
    http://www.cnrtl.fr/definition/rem%C3%A2ter

    Il est tout à fait possible que les Martiens aient emprunté cet usage aux Normands (cf. le mot canette pour parler des billes), en le modifiant un peu au passage — au passage du cap de Bonne-Espérance peut-être.

  8. MiniPhasme Titan

    Hello Siganus,

    Amusant de voir ces deux loups naviguer de conserve pour fuir le Monde du Tout-Paris…cruel, forcément…

  9. marie-lucie

    Bonjour Siganus!

    Je vois qu’il s’agit de « remâter », à l’origine ‘remettre un mât’ (à un navire « démâté »), mot qui n’a rien à voir avec « mater » ‘dompter, maîtriser, etc’ (dans ma prononciation très conservatrice, « a » et « ä » sont des voyelles complètement différentes – il s’agit de sons, pas seulement d’orthographe). Mais je ne me souviens pas d’avoir discuté ce mot avec vous. Je ne sais pas s’il est employé en Acadie, car je n’ai pas souvent l’occasion d’entendre parler ce dialecte (et il est assez difficile à comprendre). De toute façon le français acadien ne vient pas de Normandie-Bretagne mais de Poitou-Vendée. Le port de départ des futurs Acadiens était La Rochelle (sur la côte atlantique) plutôt que Le Havre (sur la Manche) pour les futurs Québécois. L’acadien, encore plus que le québécois, contient beaucoup de mots qui ont commencé dans le vocabulaire maritime avant que leur sens s’élargisse è la vie courante, ce qui est tout à fait normal pour des parlers côtiers ou îliens.

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