Carapate.
Nom féminin.
Tique (arachnide suceur de sang).
« Pas chic, ce chien-là est rempli de carapates. »
Si pour en parler les Français utilisent un mot d’origine anglaise (“tick”), les Mauriciens doivent pour leur part se tourner vers le Portugal afin de chercher la provenance de la carapate. En portugais cet acarien est appelé “carrapato”, mot de la même famille — à huit pattes — que la “garrapata” espagnole, et c’est en passant par l’Afrique portugaise que l’expression a voyagé jusqu’aux Mascareignes et les Caraïbes.
Dans la presse mauricienne la carapate apparaît le plus souvent sous la forme d’un parasite hominidé accroché aux poils des politiciens et leurs affidés. L’expression fait florès en période d’alternance, surtout pour évoquer les changements d’allégeance, les carapates en question étant alors accusées de passer sans vergogne d’un chien porteur à un autre.
En latin elle était appelée ricinus, mot duquel sont issus le ricin et son huile, la graine devant son nom à sa ressemblance avec la bébête. Cocassement, cette extension de sens de l’animal vers le végétal s’est retrouvée, des siècles plus tard, dans une région appelée “Antilles”, là où les femmes soignent leurs cheveux en les enduisant d’une substance à même de dégoûter toute Mauricienne : l’huile de carapate.

Kozé # 5 (février/mars 2015).
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Mise à jour du 1er mai 2015.
“Très utile, la médaille à ultrasons repousse les parasites, puces et tiques (carapates), dont il est si difficile de venir à bout. Attaché au collier, l’objet pèse dix grammes et élimine l’infestation à 97 % après cinq semaines. Il empêche en outre les nouveaux venus de s’installer dans la fourrure.”
(L’Express, 15 août 2004.)
“Les singes en colonie fermée n’ont cependant pas accès aux vrais arbres. Sont-ils vaccinés ? Non, mais certains l’ont déjà été. L’Animal Science and Welfare Manager précise qu’ils sont déparasités contre les vers et les tiques (carapates)…”
(Le Mauricien, 29 mars 2012.)
“On ne consomme pas les poules sur l’île de St-Brandon. Et pour cause, c’est elles qui débarrassent les îles des carapates d’oiseaux en les mangeant à longueur de journée.”
(Le Défi, 10 août 2013.)
“« Sous la colonne de noms, l’on observe les attributs liés aux choses de la vie courante et aux qualificatifs divers souvent dégradants, hormis les cas des prénoms usuels qui servent aussi de nom. Aussi, les noms sont attribués pour décrire les caractéristiques physiques de l’esclave : Scolastique Boiteuse, Jacques Ventre, Tremblante », explique-t-il. Il ajoute que, si certains étaient dotés de noms exprimant l’admiration des maîtres : L’intelligent, Lacharmante, La joyeuse, la plupart étaient affublés de qualificatifs qui traduisent le ridicule et l’hostilité : Baveuse, Carapate, Cochon, Dodo, Carcasse, etc.”
(Le Défi, 29 juillet 2012.)
Si dans la conversation courante il arrive qu’on parle de carapate (surtout si on a un chien, bien sûr), il est un domaine particulier dans lequel l’expression se comporte comme une espèce invasive : la politique. Ou, si l’on veut se piquer d’un jeu de mots, la poli-tique. On s’en rend compte dans les exemples d’utilisation suivants, tirés d’un éventail de titres de la presse martienne :
“On assiste également à la MBC à un phénomène courant en période électorale à Maurice : les carapates qui changent de chiens. Certains protégés de l’ancienne direction qui avaient obtenu des promotions, des augmentations de salaires «préférentiels», profité des bourses et des voyages et ne travaillant que quand ils le voulaient bien, commencent à se présenter comme des victimes ayant été obligées d’obéir aux ordres.”
(Week-End, 14 décembre 2014.)
“Si l’invasion a été soudaine, elle était néanmoins attendue. Les parasitologues locaux ont donc réussi à déterminer assez vite la nature de la menace. Il s’agit d’une espèce connue d’arachnide parasite à deux pattes qui prolifère dans le pays depuis des années : la tique politique. Communément appelée « carapate » ou « roder bout » à Maurice.”
(L’Express, 8 avril 2012.)
“Boodhoo, le Malcolm de Chazal de notre marmite politique (il sait écrire mais surtout à qui adresser ses lettres rarement anodines) adresse copie de sa dénonciation à la haute commission indienne, plus muette que jamais. L’accusation suprême : la VOH est proche du pouvoir, avant comme après le 3 juillet 2005. Cette carapate sait changer de chien avant la proclamation des résultats du scrutin. L’avantage de pouvoir agir en toute impunité.”
(Yvan Martial, La Vie catholique, 18-24 juillet 2015.)
““Transfuges” are like calves in the prairie which leave their mothers as soon as the milk-producing udders go dry. I was not wrong when I invented “carapattes change lichien”. For now, some Navin’s henchmen – including a notorious Minister – are eyeing up the rising sun of La Caverne.”
(Harish Boodhoo, Le Mauricien, 13 décembre 2012.)
“As you know, Mr Speaker, Sir, earlier a Member of the Opposition was ordered out for using the word ‘carapate’, which is provocative language, and the Speaker ruled him out.”
(Parliamentary debates (Hansard), 16 novembre 2011.)
“Les mots manquent pour qualifier l’attitude de Maurice Allet. Quoique « Roi des carapates » ou « Maître ès Girouettes » semblent être les deux termes les plus appropriés pour qualifier le personnage. Il convient ici de rappeler le parcours exceptionnellement cohérent de ce grand homme politique !”
(ION News, 15 décembre 2014.)
“Et ce personnage qui s’accroche comme une carapate sur un chien galeux, n’est-il pas lui aussi co-responsable de ce gâchis? Voila encore un qui paie grassement des avocats pour ne pas perdre une plume de la poule aux oeufs d’or.”
(L’Express, commentaire d’article, 3 décembre 2012.)
“Cet exercice de « carapatte-change-lichien » de quelqu’un qui rêvait de sortir en tête de liste dans la circonscription No 2 de Port louis en tant que candidat du MSM dans le cadre du Remake avec le MMM demande à être déchiffré. Que Marchand Sirop sache que la fédération ‘camion-saletés’, MSM-PMSD-Collendavelloo, soit vouée à un cuisant échec, cela se comprend.”
(Advance, 21 septembre 2014.)
“Portrait d’une carapate”
“Selon les statistiques établies par le très officiel ODLS (Observatoire de la servilité) la carapate est en ‘voie d’augmentation’. Elle ne subira certainement pas le sort de notre cher Dodo, adepte et aficionado, comme vous le savez, de la non-violence. Notre carapate nationale, the one and only, ne cesse, à vrai dire, de proliférer, on en trouve désormais partout et parfois même, en ce haut lieu de l’intimité, notre cerveau.”
(Umar Timol, Le Mauricien, 17 décembre 2014.)

Une carapate sur un mur — la plus grosse qu’il m’a été donné de rencontrer
au cours de ma chienne de vie.
À la Réunion aussi les carapates bourbonnaises sucent le sang des citoyens :
“La politique ne doit pas être un métier mais une vocation, une passion. Certains vivent de cela et y sont accrochés comme carapate su tété boeuf ! Cela n’est pas sain ! Cela ne sert pas l’intérêt général ! Le LPA continuera à dénoncer cela avec force et conviction.”
(Site InfoReunion.net, 7 octobre 2013.)
ça alors, carapate pour tique ! En français standard, « se carapater », c’est se barrer en vitesse, de préférence en douce, filer à l’anglaise, en somme. Alors qu’une tique, bonsoir ! C’est plutôt le contraire, ça s’accroche et pas moyen de s’en défaire : dans le dernier Vargas, quatrième de couverture, cette phrase :
les carapates en question étant alors accusées de passer sans vergogne d’un chien porteur à un autre, c’est alors qu’elles se carapatent !
PS : il est comment le dernier Vargas ? (Fort réussi, d’après Marianne Payot de Lire. J’attends qu’il soit en poche sinon ça dépare ma collec’)
Aquinze, Zerbinette, avez-vous déjà entendu parler de “l’huile de carapate”, spécialité antillaise ?
Rien que d’imaginer qu’on puisse écraser des tiques, en extraire de l’huile et s’en mettre dans les cheveux me donne un haut-le-cœur
Sig, l’huile de carapate antillaise, ce n’est rien d’autre que la version artisanale de l’huile de ricin. Mais pourquoi carapate ?
Selon wiki, le nom générique Ricinus (ricin, dont on tire l’huile en question) signifie « tique » en latin : la graine est ainsi nommée parce qu’elle a des marques et une bosse qui la fait ressembler à certaines tiques. (source wiki)
A certaines carapates, donc !
Ah, j’ai lu trop vite, et « réinventé » la fin du billet… (bon, il y en a des aussi qui réinventent la roue). Désolé
Hello Siganus et alii
Il n’en fallait pas plus pour que l’insecte la ramène (sa carapate sur carapace) :
Et hop !*
* troisième lien pour les lièvres (pressés s’entend) 😉
Bizarre, ni de Robillard ni Beniamino n’a intégré ce mot dans son dictionnaire respectif, alors que le mot existe dans les deux îles !
Le tique c’est pas de la crotte !
► Siganus : « Rien que d’imaginer qu’on puisse écraser des tiques, en extraire de l’huile et s’en mettre dans les cheveux me donne un haut-le-cœur »
Au risque de vous indisposer, un individu s’en délecte depuis belle lurette ! Cette addiction lui a même valu son nom scientifique :
« Le CROTOPHAGE* est ainsi nommé parce qu’il pique l’anus des bœufs, pour en tirer les insectes qui s’y tapissent. »
Drôle d’ani(mal), n’est-il pas ? Paraît que les « mythes des Amérindiens Baikairi attribuent les éclipses de Soleil à cet oiseau de la famille des Cuculides, supposé recouvrir l’astre de ses ailes. »
* « (du grec croton, tique, vermine ; phagô, manger). La chair de cet oiseau est de mauvais goût. »
LE tique ? tique tac ? tac tique ! (puisque tout finit par des chansons…)
Et M… ! c’était prévisible ; au sortir d’anus*, on trouve forcément un gendarme !
Cela dit, il faudra quand même qu’on m’explique pourquoi tique et moustique** n’ont pas le même genre…
* pour l’effet « bœufs » voyez le topo (sait-on si ses carapates sont la proie de cuculidés ?)
** pour piqûre de rappel, c’est la femelle qui nous vampirise…
Vous voyez le topo ?
De l’ Ani anale (bovine) au Bosphore (Passage du bœuf) il n’y avait qu’un saut de carapate* ; son homonyme ne désigne-t-il pas l’ ancienne capitale d’Arménie (aujourd’hui en Turquie) « mise à sac en 1064 par les Turcs » ?…
* bougre des Carpates ? 🙂
P.S. « (puisque tout finit par des chansons…) » je préfère, de loin, les sucettes à l’anis d’Annie…
Aquinze, Zerbinette, si “se carapater” c’est “s’enfuir, jouer des pattes”, il existerait en argot français, selon Bob, une expression “carapate” signifiant “fantassin, soldat”. En avez-vous entendu parler ?
Étonnant, MiniPhasme, ces carapates collées à la carapace d’une tortue. On se demande si c’est bien vrai, car on n’ose imaginer le rostre qu’il faut pour percer une telle armure et atteindre un vaisseau sanguin.
En effet, Christopher, on ne comprend pas pourquoi Robillard et Beniamino ne mentionnent pas ce mot-là dans leur dictionnaire, pas plus que Pravina Nallatamby d’ailleurs. Il s’agit bien pourtant d’un particularisme régional, que l’on partage avec Haïti par exemple. Heureusement que Carpooran et Baker-Hookoomsing ne l’ont pas oublié.
« du grec croton, tique, vermine » — Dire que Mme Sutor a planté force crotons* dans la cour. Ça risque de mal finir.
* « New Latin Croton, genus name, from Greek krotōn, castor oil plant » (thefreedictionary.com) : nous voilà revenus au ricin. Il ne m’a cependant pas semblé que ces crotons-là produisaient des graines de ricin.
Je dois avouer que le mimétisme de ces carapates-là m’épate…
Mais bon, faut pas rêver; si les tiques avaient une éthique, elles seraient phorétiques…
Siganus, effectivement et pas que selon Bob, mais aussi selon le CNRTL et Reverso, carapate, carapata ou carapatin, marin d’eau douce et, ou fantassin, sens que j’ignorais totalement.
MiniPhasme, si les tiques n’étaient que des sortes de rémoras collés aux animaux plus grands qui ne feraient que les porter, elles auraient toutes passé l’arme à gauche.
Zerbinette, tous ces dictionnaires raconteraient-ils donc des blagues ? Mais peut-être n’ont-ils que la mémoire longue, plus longue que la vie humaine.
horrible echange sur ces carapates qui sont si dégoutant tout respect du aux Amérindiens…
Quant aux crotons de MMe SUTOR..tant que ces bestioles restent sur l arbre c est bien mais attentiona SS malgré tout…
j’ai entendu un équivalent métropolitain : les mouches changent d’âne 😉
“un équivalent métropolitain” : Voulez-vous dire français ? Dans cette expression-ci aussi bien ceux qui changent de camp (les mouches) que ceux qui les attirent (les ânes) en prennent pour leur matricule. Quand ils s’agit de carapates et de chiens, ces derniers ne passent pas dès lors pour des imbéciles. (Encore que dans certaines cultures les chiens puissent être plus mal vus que les ânes…)