Punaise !

35 réponses à “Punaise !

  1. LI mauvais comme éné pinaise…Punaise —- Maupin.—-..nom donné a la punaise aprés MR de Maupin gouverneur et commandant militaire a L Ile de France en 1728…Dans la Bibliographie mauricienne..voici ce qui est dit
    <<<<<ON peut se demander , , petite perfidie , si la bestiole dont le nom scientifique ets ""Triatoma Ribrofasciata""" plus connue comme ""punaise Maupin ""ne doit pas son nom a une quelconque vengeance des colons….

    Bien sure a lire le parcours de Maupin pour comprendre cette ""vengeance""" EN tous les cas ""li senti PI"""
    ON dit Puer..;pour "" sentir mauvais"" donc de dire "" cela sent PU"" n est pas français???i guess???

  2. Je confirme Alsace, on dit « ça pue » ou « ça sent mauvais ». Bizarrement en créole avec « ça sent », le contraire de « bon » est « pi ». Argotiquement on peut dire « ça schlingue » (j’ai appris qu’en anglais c’est « it stinks ») ou « ça cocotte » (j’ai l’impression que c’est plus dans le sens d’une odeur « persistante » qu’une mauvaise odeur, comme pour quelque chose de pourri ou un déodorant assez présent du style Credo).
    Pour un zak tro mir je dirais plus que ça cocotte que ça schlingue, car somme toute, je me rapelle avor mangé de la « pulpe » de jacque mûre et c’est très bon et ça a un bon parfum. Les graines bouillies avaient le même goût que les pistass bwi, mais en bien plus gros. Pour Rs 5, enn korné, enn sel lagrin :-).

  3. Siganus Sutor

    Alsace, beaucoup de gens (moi compris à une époque) croient que la punaise dite “maupin” — effectivement le nom de l’un des premiers gouverneurs français de l’Isle de France — est cet insecte vert qui dégage une forte odeur lorsqu’on l’écrase. Mais l’animal qu’on voit sur la photo ci-dessus n’est pas une punaise maupin. Il s’agit vraisemblablement d’un représentant de la famille des Pentatomidés, possiblement du genre Acrosternum. La punaise maupin, elle, appartient à la famille des Réduvidés et au genre Triatoma. Il s’agit d’un insecte brun, de forme plus allongée, et elle peut transmettre une trypanosomiase (maladie parasitaire) connue sous le nom de “maladie de Chagas”.

    Il existe une parfaite corrélation entre le créole mauricien “senti pi” et le français mauricien “ça sent pu”. Qui est le père et qui est l’enfant ?

  4. marie-lucie

    Bizarrement en créole avec « ça sent », le contraire de « bon » est « pi »

    Il est probable que pi ici est le vieux mot PIS que le français standard n’utilise plus que dans les expressions figées tant pis (qui s’oppose à tant mieux) et aller de mal en pis (souvent remplacé maintenant par aller de pire en pire). De même que le comparatif de bien est mieux, le comparatif de mal est (ou était) pis, et ces adverbes appariés correspondent aux adjectifs bon, meilleur et mauvais, pire. Dans l’Ouest de la France on utilise souvent pire pour signifier non pas plus mauvais mais très mauvais, et comme bon et bien sont interchangeables dans certains cas, pire et pis ont dû l’être aussi (puisque pis a pratiquement disparu au profit de pire), d’où peut-être ça sent pis pour signifier à l’origine ça sent très mauvais et ensuite simplement ça sent mauvais.

  5. Marie :
    « le vieux mot PIS que le français standard n’utilise plus que dans les expressions figées tant pis (qui s’oppose à tant mieux) et aller de mal en pis (souvent remplacé maintenant par aller de pire en pire).  »
    Foin de français standard, aseptisé, pis est bien vivant , demandez-le à mes élèves vénézuéliens. Quant à votre de pire en pire c’est peut-être un jargon de la goutte d’or, ce n’est pas du français , ceux qui le disent méritent pis que pendre.

  6. Arca,

    Alors je mérite « pis que pendre » (j’avais oublié cet autre usage) parce que j’ai toujour employé « aller de pire en pire », ainsi que toute ma famille restée en France. Et je ne fais nullement l’éloge du « français standard, aseptisé »! Je constate seulement.

    En fait je viens de vérifier ce que dit le TLFI au mot « pire » (une rubrique assez longue): selon lui, « aller de pire en pire » existe mais comme expressoin du « français populaire » qui a substitué « pire » à « pis ». Vous ne m’en voudrez sûrement pas de parler quelquefoid le « français populaire ». Je modifierai donc ma contribution précédente: le français standard dit encore « pis », même si je ne l’ai jamais entendu sauf dans quelques expressions figées, ou lu sauf dans des textes qui ne reflètent plus les usages contemporains.

    Je me demande quand même en quoi vos élèves vénézuéliens sont la preuve que le mot « pis » est encore bien vivant en français!

  7. marie-lucie

    p.s. d’est bien moi, marie-lucie, qui ai écrit le message précédent.

  8. Marie.
    Hors polémique , le fait que des élèves utilisent naturellement pis, démontrant par là qu’ils parlent mieux que ces expat prétentieux, signifie que leur prof a fait son travail et que n’importe quel mot peut être sauvé du naufrage, il suffit de l’utiliser.
    Parlant de punaise , savez-vous que la punaise d’eau est l’animal le plus bruyant de notre planète ? Ici :
    http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2011/06/30/penis-chantant-la-punaise-deau-2-mm-animal-le-plus-bruyant-de-la-creation-bbc/

  9. Arcadius et Marie-Lucie,

    C’est toujours plus mieux que de dire moins pire….

  10. marie-lucie

    Arca,

    Quelle est la langue maternelle de vos élèves vénézuéliens? S’ils ne sont pas francophones, ils vont naturellement employer les mots que leur enseigne leur prof. Et qui appelez-vous « ces expat prétentieux »?

    zerbinette, bonjour! Vous allez peut-être nous départager (même s’il s’agit seulement d’une question d’usage, donc pouvant varier selon l’âge, la région, et autres circonstances, et non de logique ou autre facteur).

  11. Siganus Sutor

    d’où peut-être ça sent pis pour signifier à l’origine ça sent très mauvais et ensuite simplement ça sent mauvais

    Peut-être, mais il faut quand même noter qu’il arrive à nombre de Mauriciens s’exprimant en français de dire “ça sent pu”, comme évoqué plus haut. En général les sons ‘u’ du français sont devenus ‘i’ en créole (mir, lalinn, lamizik, etc.), et on pourrait être tenté de penser que c’est l’expression “ça sent pu” qui a donné naissance à “li senti pi”. Mais peut-être n’est-ce pas le cas ? Peut-être au contraire, dans une tentative de “refrancisation”, est-ce l’expression créole qui a donné naissance à “ça sent pu”, le ‘i’ créole étant compris comme équivalent à un ‘u’ en français, notamment sous l’influence du mot français “pue”.

    Pour en revenir aux punaises (pinez en créole), le Dictionnaire étymologique des créoles français de l’océan Indien dit ceci :

    Maupin (morpin)
    punaise maupin 1768 (Bernardin de Saint-Pierre)
    — Réunion. pinez mo(r)pin “variété de punaise, de couleur brunâtre, dont la piqûre est douloureuse ; individu pingre”;
    Maurice. Idem “espèce d’insecte”;
    Seychelles. Idem “sorte de punaise dont la piqûre est douloureuse, Tritoma rubrofasciata”.
    ▪ Patronyme Maupin, nom d’un gouverneur impopulaire de Maurice de 1729 à 1735. La forme morpin s’explique par une étymologie populaire d’après le français mord (Chaudenson).

    On peut se demander si, en sus du verbe mordre, la prononciation “morpin” n’aurait pas aussi été influencée par le mot “morpion”, un autre de ces insectes — du plus bas étage qui soit — dont on se passerait volontiers.

  12. Marie-Lucie, je confime que « pis » n’est plus employé que dans les expressions « tant pis », « de mal en pis » et « pis que pendre » représentant déjà un français plus élaboré que le français standard. En revanche pire est employé à tort et surtout à travers, mais vous seriez étonnée par les questions de vocabulaire que posent les étudiants en licence quelle que soit l’année. Vive les petits Vénézuéliens !

  13. Le morpion, seul animal capable de changer de sexe en quelques secondes, aurait été, avec le pou, très utile aux anthropologues pour déterminer la période où l’Homme aurait perdu sa toison. D’après les explications de ces scientifiques, le pou et le morpion partagent un ancêtre commun qui vivait dans la toison humaine. Avec la disparition de celle-ci, les poux se seraient spécialisés pour vivre sur les « poils de la tête » et les morpions dans les poils pubiens. En comptant le nombre de différences dans les gènes entre ces 2 descendants, et connaissant la période moyenne pour qu’une mutation se produise, ils sont capables de déterminer quand cette séparation a eu lieu.

  14. marie-lucie

    Merci Zerbinette! A ma connaissance vous n’êtes pas une « expat », je peux donc faire confiance à vos observations directes.

    Je ne sais pas exactement ce que voulez dire par « un français plus élaboré que le français standard. » Voulez-vous dire « plus soutenu », « plus littéraire », puisque (dans le cas qui nous concerne) « plus archaïque »?

    Quant aux petits (et peut-être grands) Vénézuéliens, on constate souvent que les étrangers qui ont appris une langue à l’école « parlent mieux » que les natifs, précisément parce qu’ils ont appris une forme relativement littéraire et qu’ils ignorent les particularités de la langue orale. Ils n’ont que faire des recommandations du genre « Ne dites pas X, dites Y », puisqu’ils ne connaissent que Y, ce qu’on leur a appris. Par exemple, en français parlé ils n’omettent jamais le « ne » négatif. Moi-même, vivant dans un milieu surtout anglophone, il y a bien des choses que je ne dis jamais en anglais, bien que je les entende très souvent autour de moi.

  15. Siganus Sutor

    Zerbinette est expatriée dans le Berry me semble-t-il.

    Ils n’ont que faire des recommandations du genre « Ne dites pas X, dites Y »

    Peut-être auraient-ils bien fait d’écouter les recommandations du Belge Julos Beaucarne : « Dans le cadre de la quinzaine du beau langage, ne disez pas disez, disez dites. » (Frangué chez Dominique.)

     

    Zippo, les morpions ne seraient que des poux génétiquement modifiés ? Aret rod lipoupoule dans fesse coq !

  16. Heureusement que vous êtes là pour surveiller, mea culpa, y a eu confusion. Il y a 3 formes de poux humains, le pou du pubis (morpion), le pou de tête et le pou de corps; j’ai bêtement assimilé ce dernier au morpion lors du reportage. Ce sont les poux de tête et de corps qui possèdent un ancêtre commun dont ils ont divergé il y a 72000 ans.
    D’après cet article, le morpion aurait été hérité des gorilles.

    Oui j’ai été chercher loin les lipoupoules là. Je ne connaissais que la forme raccourcie rod lipoupoule qui, pour moi, veut dire chercher des complications (ou midi à 14 heures), et même chercher des noises. Je suppose que la version longue a dû être censurée ? L’autre expression que je connais est fer (enn ta) lipoupoule, qui est plus au sens figuré, car je vois bien comment rôder des lipoupoules mais pas comment en faire.

  17. Zerbi, je parle aussi et souvent d’un pis-aller…Mes gars ne parlent pas mieux ni moins bien, ils parlent correctement.
    Marie, il s’agit en fait de règles d’hygiène langagière, ne pas utiliser correctement ne…pas c’est ne pas se laver les mains au sortir des toilettes, laissons aux cochons leurs coutumes sans souci de les imiter.

  18. Arcadius, je ne sais quand vous êtes venu en France pour la dernière fois, mais vous seriez surpris par la mauvaise qualité du langage que j’ai appelé « standard », c-à-d parlé le plus couramment, on ne parle plus que du « moins pire » et du « plus pire » et le « pis » est réservé aux vaches.

    Mais comme Siganus l’a justement fait remarquer, étant donné que je suis expatriée dans le Berry*, cela fausse peut-être mon jugement !

    * là où on est « après travailler » et où l’on « attrape accident ».

  19. Siganus Sutor

    Zerb, sur Mars on peut “gagner” un accident (ou une raclée, ou encore d’autres choses qui ne sont pas forcément des cadeaux) : “Li fek gaign enn aksidan” ; “si to kontign koum sa to pou gaign baté”. Il me semble que c’est à peu près pareil à la Réunion, où l’on peut “gagner un baisement” (i.e. une raclée, une engueulade).

    Quant à être “après travailler” cela sonne parfaitement créole : “il est en train de travailler” se dit “li apé travay(é)” — ou “li apé manzé” (il est en train de manger), “li apé do(u)rmi anba pié coco” (il est en train de dormir sous un cocotier), “li apé zouré” (elle est en train de jurer), etc.

  20. Zerbi :
    « Arcadius, je ne sais quand vous êtes venu en France pour la dernière fois, »
    …moi non plus ! ( au XVIII ème siècle peut-être.)

  21. Siganus, le « gaign » ne serait-il pas le verbe « avoir » martien ? Comme dans « mo gaign fin » (j’ai faim), « li pou gaign enn tifi » (elle va avoir une fille), « li ti gaign so » (il a eu chaud).
    L’autre forme du verbe « avoir » qui me vienne à l’esprit est le « éna » qui me semble plus exprimer une possession ou quelque chose de factuel, comme « mo éna kass » (j’ai de l’argent) ou « pa pou éna lékol sinn mett klas dé » (il n’y aura pas d’école en cas d’avertissement de niveau 2).

    Un autre sens de « gaign » à la Réunion est « réussir (à faire)/comprendre », comme dans « mi gaign pa fer sa » (je n’arrive pas à le faire) ou « mi gaign pa in merd » (« je n’y arrive guère! » ou « je ne comprends point céans! »).

  22. Siganus Sutor

    En effet, Zippo, la plupart du temps gaigné (que Carpooran écrit gagne) c’est avoir. Mais pas toujours. “Monn gaign somey” c’est “je me suis endormi” (ce que les Martiens décriront avec ces mots-là lorsqu’ils parlent français : “j’ai gagné sommeil*”). “Gaign prémié lo” c’est gagner le premier lot (certes, on peut aussi l’avoir, ce premier lot). “Gaign lécourse” c’est gagner la course, ok. “Gaign bon” c’est avoir un orgasme. (Ah oui, on l’a, ce truc-là — très brièvement.) Mais “gaign baté” c’est se faire battre.

    On aurait a priori 3 sens différents pour le verbe gagner en français de la Réunion. Voir ici un extrait du livre de Michel Beniamino (en lien à droite de cette page).

    Quant à ena c’est aussi avoir. “Mo ena dé ser”, j’ai deux sœurs. “Ena enn dimounn divan to laport”, il y a quelqu’un devant ta porte. “Pena dilo”, il n’y a pas d’eau.

    Dans quel cas utiliser “gaigné” et dans quel cas utiliser “ena” ? Ils peuvent être interchangeables, me semble-t-il, mais pas toujours. “Ki to gaigné ?”, qu’est-ce que tu as (i.e. qu’est-ce qui t’arrive), qu’on aurait aussi bien pu dire “ki to ena(n) ?” “Li gaign 2 lakaz” ou “li ena dé lakaz” me semblent équivalents. Mais “Linn gaign enn zanfan ek sa fam-la” (il a eu un enfant avec cette femme-là) n’aurait pas pu se dire “Linn ena enn zanfan ek sa fam-la”.

    Il m’apparaît pour le coup que “ena” ne devrait pas pouvoir s’utiliser au passé. “Tonn gaign lisien-la ?” (Tu as eu le chien ?) Mais au présent “To ena enn lisien toi ?” (Tu as un chien toi ?) Idem pour le futur : “Tension, to pou gaign enn kalot !” (Attention, tu vas avoir une calotte !) Impossible de dire “to pou ena enn kalot” — du moins impossible pour moi. Mais par exemple avoir peur c’est toujours avec “gagner” : “Pa bizin gaign per !”

    Bref, il y aurait possiblement toute une étude à faire sur l’usage de “gagne/gaigné” et de “ena/enan” (ou “pena/penan”). Pour l’heure, c’est dodo…

     

    * Tiens, “gagner sommeil” pour s’endormir, un mauricianisme de plus ?

  23. Siganus Sutor

    Il m’apparaît pour le coup que “ena” ne devrait pas pouvoir s’utiliser au passé.

    Une “apparition” bien trompeuse… Contre-exemple : “li ti ena sink an kan so mama inn mor”, il avait cinq ans quand sa mère est morte.

    Mettons cela sur le compte de l’heure tardive. Et puis la nuit porte conseil.

    Enn zour mo pou ena omnisians…

  24. Allez, avant le dodo d’ici, un futur pour « éna » dans l’invective « ki pou éna la ? ». Oui, au passé au sens large, pas au passé composé, « li ti éna sink an » me semble être un imparfait (il avait 5 ans), qui est du passé, sans rôder de lipoupoules; avec une phrase au passé composé, on retrouverait « gaign »: « le mwa dernié, li ti gaign sink an ».

  25. Zerbinette, Siganus: « être après faire quelque chose », dans le sens de « être en train de faire quelque chose », perd du terrain au Québec mais demeure très vivant parmi d’autres francophones du Canada.

    Pour ce qui est de vos discussions sur « ena » et « gaigne »: n’étant pas créolophone martien je ne devrais pas m’en mêler, mais l’impression que me donnent vos discussions, c’est que vous cherchez trop à expliquer les formes martiennes d’après la grammaire française: je sais que dans la plupart des langues créoles on trouve des systèmes très différents en terme de la valeur des formes: là où le français met la priorité sur le temps, les langues créoles tendent à mettre l’accent sur ce qu’on appelle l’aspect: c’est à dire, sur la question de savoir si l’action qu’exprime le verbe est complétée ou non-complétée. Ceci n’est pas une particularité créole: le terme « aspect » provient de la grammaire russe, dont le verbe est lui aussi centré sur l’expression de l’aspect.

  26. Oui Etienne, c’est sûrement un travers de ma part. J’essayais juste de faire ressortir ce que j’estime être une des particularités du créole martien, à savoir que je ne connais pas de forme avec le verbe « avoir » pour le passé composé. Par exemple, « j’ai eu quelque chose » se dit « monn gaign kiksoz ». Il ne me semble pas y avoir la forme « monn *éna kik soz »; on trouvera en revanche « mo ti éna kik soz » qui exprime un imparfait. Ce que je traduis (encore) par des temps est ce que vous appelez l’aspect si j’ai bien compris (je trouve que vous faites bien de vous en mêler), c’est-à-dire, le fait que le passé composé exprime l’action qui est en train d’être faite et l’imparfait l’état accompli.

    Ce que j’essayais de mentionner aussi, c’est que « gaign », pour moi, présente une notion d’obtention alors que « éna » présente plutôt une notion d’acquis. Par exemple, « azordi mo gaign 50 ans » veut dire qu’aujourd’hui « j’atteins » les 50 ans (état d’acquisition), alors que « azordi mo éna 50 ans » dirait plutôt qu’aujourd’hui j’ai 50 ans (état acquis ou factuel). Ainsi dans l’exemple de Siganus, “Li gaign 2 lakaz” ou “li éna dé lakaz” ne me semblent pas équivalents, à tort probablement. Dans le premier cas, je penserais que la personne obtient (gagne) deux maisons par héritage, par une loterie ou une autre attribution, alors que le second cas m’indique juste qu’elle possède deux maisons. Mais après avoir écrit cela, la question « ki laz ou ganyé? » (quel âge avez-vous?) me vient à l’esprit, à moins que ce ne soit « ki laz ounn ganyé » (quel âge avez-vous eu/atteint ?)?

    Avec ce verbe « avoir » qui ne semble pas posséder de passé composé (ou d’action non-complétée ou non-commencée), l’autre verbe qui m’interpelle est le verbe « être » qui n’apparaît pas dans les différents temps à la forme affirmative. On dit « li lott pey » (il est à l’étranger), « to faye » (tu es mal en point). Aux formes conjuguées, on ne met que l’auxiliaire de temps comme dans « mo ti Port-Louis » (j’étais à Port-Louis), « mo finn malade ek sa manzé la » (j’ai été malade avec cette nourriture), « mo pou dan avion sa ler la » (je serai dans l’avion à cette heure-là). Le verbe est fourni par le sujet lui-même; c’est comme si on disait en français « je là » (une conséquence du « je pense, donc je suis »?).
    A l’interrogative en revanche, on retrouve le verbe « être » dans son sens de situation (être quelque part) dans « akott to été? » (où es-tu?), mais pas avec un attribut comme dans « kan mang la pou mir? » (quand la mangue sera-t-elle mûre?). Sauf erreur.

  27. Etienne, si certains francophones du Canada sont encore « après faire quelque chose« , peut-être est-ce parce qu’ils n’ont pas « été montrés* » ?

    * un autre berrichonnisme

  28. marie-lucie

    zerbinette,
    … langage que j’ai appelé « standard », c-à-d parlé le plus couramment,

    En linguistique, le mot « standard » ne s’applique pas forcément à la variété de la langue « parlée le plus couramment », mais à celle qui est employée dans presque tout l’écrit destiné au public (littérature, presse, textes officiels, etc) et enseigné dans les écoles, c’est-à-dire ici un français « normatif ». C’est pourquoi il s’agit d’un style au moins un peu soutenu, et d’un vocabulaire assez uniforme au moins dans tout le pays, « aseptisé » comme le disait Gro Zippo il y a quelque temps.

    on ne parle plus que du « moins pire » et du « plus pire » et le « pis » est réservé aux vaches.
    Où entendez-vous « moins pire » et « plus pire » (au lieu de moins ou plus « mauvais »)? Ce que j’en disais plus haut s’appliquait spécifiquement à la Normandie et au Canada, mais il es possible que ce soit vrai aussi en berrichon. Est-ce vous entendez ça à la télévision, par exemple, ou seulement dans la rue?

    Arcadius, vous avez raison pour le « pis-aller », formation ancienne adverbe+verbe (comme « bien-être », par exemple). Mais en ce qui concerne l’emploi de « (ne) … pas », vous devez avoir bien peu d’amis, au moins au Nord de la Loire. Puis-je vous demander de quelle région vous êtes? (je l’ai peut-être su et oublié).

  29. Gro Zippo: quand vous écrivez que  » « gaign », pour moi, présente une notion d’obtention alors que « éna » présente plutôt une notion d’acquis »
    vous semblez confirmer mon soupçon: un linguiste dirait que « gaign » est imperfectif (action non-complétée ou indiquant une transformation) et « éna » perfectif (action complétée ou indiquant un état). Il existe une étude du marquage de l’aspect dans les créoles français des Amériques (guyanais surtout) par un slaviste de formation: je sens que ce genre d’étude, avec pour objet verbe en créole martien (et ses voisins réunionnais et seychellois?), offrirait le plus vif intérêt.

    Pour ce qui est de tournures telles que « plus pire »…ça évoque en moi le douloureux souvenir d’un ancien premier ministre canadien qui qualifiait le Canada de « plus meilleur pays au monde ».

  30. Merci Etienne, je ne connaissais ces notions qui s’appliquent au passé. Il se peut que j’aie déjà entendu parler de l’aspect; sans le savoir, lors d’une émission qui traitait du Décalogue. La personne parlait du temps utilisé dans les commandements. Il disait que ceux-ci utilisent un futur en français, mais que dans leur forme originelle en Hébreu, ils sont exprimés dans une forme qui s’appelle l’inaccompli ou l’inassouvi. Ainsi, dans « tu ne tueras point », ce ne serait pas un futur car, avec celui-ci, l’action ne devrait pas se réaliser. Avec l’inaccompli, on souhaite que l’action ne se produise pas, mais le libre arbitre de l’Homme fait que l’action peut se produire quand même, mettant en échec le « futur » exprimé par le commandement.

    J’ai poussé la réflexion jusqu’à me dire que quand je voyais un panneau de limitation de vitesse, en fait, j’étais confronté à un inaccompli, car rien ne m’empêche de dépasser la vitesse autorisée. En revanche « tu ne voyageras pas plus vite que la lumière » était encore récemment un futur.

    L’inaccompli exprimerait donc un souhait pour le futur, pas une « affirmation ». C’est du moins ce que j’ai cru comprendre de cette explication.

  31. pardon … je ne connaissais pas ces notions …

  32. marie-lucie

    Gro Zippo, l’inaccompli n’est pas limité au futur, ou bien n’importe quel future serait inaccompli par définition. Mais par exemple, si on parle de quelqu’un qui « s’est noyé » (ou « se noya »), ça veut dire qu’il est mort dans l’eau, mais s’il « se noie » ou « se noyait » à un certain moment, on peut ou on a peut-être pu le sauver avant qu’il se noie vraiment: le temps simple (autre que le passé simple) indique que l’action du verbe n’a pas été terminée. En général, en français les temps composés indiquent l’accompli par rapport aux temps simples correspondants, c’est pourquoi on les emploie souvent avec déjà, ou après quand ou après que, entre autres: Est-ce que tu as (déjà) mangé ce matin?, Quand tu auras fini de manger …, etc.

    En ce qui concerne les Dix Commandements, je crois comprendre que non seulement ils ne sont pas écrits au futur (les langues modernes continuent sur ce point la traduction grecque ou latine – les traducteurs ont fait de leur mieux mais sans rendre exactement le texte hébreu) mais que leur style est plutôt du genre « Ne pas se pencher au dehors » (voyait-on autrefois dans les trains français – je ne sais pas si c’est encore la mëme chose). En fait le futur ici n’indique pas une action à venir, il n’exprime pas une prédiction ou un plan pour l’avenir: ce qu’il indique c’est soit une obligation soit une interdiction: « Tes père et mère honoreras » n’est pas une prédiction ni un plan, on aurait aussi bien pu traduire par « Honore ton père et ta mère » ou bien « Il faut honorer son pére et sa mére », par exemple.

  33. Une autre interprétation possible des dix commandements, celle que les traducteurs ont voulu faire passer pour parole d’évangile — et il semble qu’ils y soient parvenus: la phrase initiale aurait été effacée. Elle aurait pu dire quelque chose comme :
    Si tu veux être un Homme
    Alors les futurs dont il est question ensuite doivent être accomplis, ce sont des ordres, aucun choix n’est autorisé si l’on veut acquérir la qualité d’Homme.
    Un peu comme dans un autre poème à peine moins connu dû à Rudyard Kipling ( remerciez-moi de vous épargner le lien).
    De toutes façons, dans les deux cas, une seule réponse possible:
    Tu n’obéiras point.*

    * Ah! oui! Précédé bien sûr de Si tu veux être.

  34. marie-lucie

    leveto, votre hypothèse est intéressante, mais elle se base sur l’emploi du futur dans les versions anglais, française, etc, . L’exemple du poème de Kipling ne correspond pas vraiment, car il ne dit pas Si tu veux être un homme, tu feras telle et telle chose, mais au contraire Si tu es capable de faire telle et telle chose, tu seras un homme. Les actions en question ne sont pas obligatoires, car les circonstances qui les motivent peuvent ne pas se présenter.

    Pour le temps ou mode utilisé dans l’original hébreu, qui a été traduit faute de mieux par le futur, relisez ce qu’en dit l’expert en la matière cité plus haut par Gro Zippo: Avec l’inaccompli [ou plutôt l’inassouvi], on souhaite que l’action ne se produise pas, mais le libre arbitre de l’Homme fait que l’action peut se produire quand même, C’est pourquoi j’ai suggéré que c’est un peu comme Ne pas se pencher au dehors, qui est une recommandation, par opposition à l’interdiction Défense de se pencher au dehors, puisque les autorités ne peuvent guère empêcher un passager de se livrer à cette manoeuvre imprudente, qui n’est cependant passible d’aucune sanction*. Il semble donc que les Dix Commandements aient été à l’origine plutôt des règles de vie que des lois inflexibles, passibles des pires sanctions pour le pécheur qui les enfreindrait, selon l’interprétation des Eglises chrétiennes. (Je crois me souvenir que le Christ considérait seuls les deux premiers commandements comme pleinement contraignants pour le croyant).

    * Je parle des vieux trains d’avant les TGV, dans lesquels cette manoeuvre est peut-être impossible si les fenêtres ne s’y prêtent pas – justement parce qu’elle serait trop dangereuse.

  35. Siganus Sutor

    Zippo : D’après cet article, le morpion aurait été hérité des gorilles.
    Comme l’aurait dit Georges Brassens, gare au gorille ! (Ou à la gorille le cas échéant.)

    Au sujet des lipoupoules, on peut noter une divergence entre le créole et le français local : alors qu’en créole on parlera en général de “rod lipoupoule” (chercher la petite bête, chercher des noises), qui est un assez bon équivalent de “chercher des poux dans la tête de quelqu’un”, en français mauricien on dira — me semble-t-il — que la personne elle-même est lipoupoule, ce qui veut dire qu’il s’agit d’un coupeur de cheveux en quatre, d’un chipoteur, d’un perfectionniste tirant sur le pinailleur, presque d’un maniaque. “Manman, ça qui est lipoupoule ce boug-là !!” “Ayo, laisse tomber, il est trop lipoupoule lui.”

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