Je rabâche, c’est entendu. J’ai déjà parlé de ce mot-là il y a un an de cela, le 20 janvier 2010, j’en conviens. Mais j’y reviens quand même…
L’adjectif méridional est un adjectif dont l’emploi ne me semble pas pouvoir être absolu, comme on le voit parfois, avec le sens de “du sud”, autrement dit en tant que synonyme d’“austral”. Pour moi, méridional ne devrait pas se rapporter au même point cardinal selon qu’on est dans l’hémisphère Nord ou dans l’hémisphère Sud, en particulier si on se trouve en dehors de la zone intertropicale. Il semblerait que ce soit là une question qui me turlupine puisque je l’ai abordée à plusieurs reprises, ici-même et sur d’autres blogs — comme on peut s’en rendre compte en cliquant sur le lien ci-dessus.
Il est toutefois possible de constater que, dans bien des cas, méridional a été employé dans le même sens qu’austral, quelle que soit, sur la sphère terrestre, la position de la zone ou du point en question. Quelques exemples :

Plan de l'Isle de France,
Le Port Louis de Cette Isle suivant les observations de Mr d'Après de Mannevillette en 1751, est situé par 20 Dég. 9 min. 40 Sec. de Latitude Meridionale et par 55 Dég. 7 min. 30 sec. de Longitude Orientale Méridien de Paris. le Cap Malheureux qui est plus au Nord, est par 19 Dég. 58 minutes de Latitude et la partie la plus Sud par 20 Dég. 31 minute. Ces déterminations ont été Confirmées par Mr l'Abbé de la Caille, a qui on est redevable en particulier des principes sur lesquels ce plan a été formé. ———
Dans l’atlas Larousse publié en 2002, on peut voir que l’État de la confédération australienne connu sous le nom local de “South Australia” (capitale Adélaïde) est appelé “Australie méridionale” :
Dans l’Encyclopédie méthodique (1819), MM. Monge, Cassini et al précisent ceci à l’entrée consacrée au mot latitude : « Il y a deux sortes de latitudes, l’une septentrionale ou boréale, l’autre méridionale ou australe. (…) La latitude méridionale est la distance à l’équateur, pour les pays situés entre l’équateur & le pôle sud : telles sont les latitudes du Cap de Bonne-Espérance & de Buenos-Ayres. » Dame ! MM. Monge et Cassini sont de grosses pointures, ce sont de grands et reconnus savants, et il serait bien présomptueux de ma part de vouloir corriger ce qu’ils disent.
En outre, en lisant la traduction française de la narration qu’a faite Charles Darwin de son voyage sur le Beagle, on tombe souvent sur ce mot méridional.
The Voyage of the Beagle, chapter V, page 97
Among the Patagonian Indians in the Strait of Magellan, we found a half Indian, who had lived some years with the tribe, but had been born in the northern provinces. I asked him if he had ever heard of the Avestruz Petise. He answered by saying, “Why, there are none others in these southern countries.”
Ici, le traducteur de la première version française (1875), Edmond Barbier, a écrit “provinces méridionales” pour “southern countries” :
J’ai trouvé au milieu des Patagons, dans le détroit de Magellan, un métis qui vivait depuis plusieurs années avec la tribu, mais qui était né dans les provinces du Nord. Je lui demandai s’il avait jamais entendu parler de l’avestrus petise. Il me répondit ces mots : « Mais il n’y a pas d’autruches dans les provinces méridionales. »
Par ailleurs, au paragraphe précédent le traducteur utilise l’expression “Patagonie septentrionale” lorsque Darwin, lui, parle de “Northern Patagonia”. Il semblerait donc que pour M. Barbier “septentrional” soit un synonyme de “du Nord” et que “méridional” soit un synonyme de “du Sud”, même en Patagonie, c’est-à-dire dans la partie sud (et extratropicale) de l’Amérique du Sud. S’il m’est possible d’être d’accord avec lui pour l’usage qu’il fait de l’adjectif septentrional — qui renvoie aux sept étoiles de la Petite Ourse, laquelle est toujours située au nord de l’observateur qui ne se trouve pas au voisinage immédiat du Pôle Nord —, j’émettrais quelques réserves pour ce qui est de l’usage de l’adjectif méridional dans ce cas-ci.
Pourquoi ? Parce que le mot méridional renvoie au mot méridien, qui est lui-même lié au mot midi. Selon MM. Dubois, Mitterand et Dauzat (Dictionnaire étymologique, 2001), méridional viendrait du latin meridionalis, lui même de meridies, midi. Toujours selon eux, méridien est attesté en 1120 avec le sens “de midi” (il s’agissait d’un adjectif) et il a été employé comme terme astronomique à partir du XVIe siècle, avant que Rabelais, en 1546, lui donne le sens actuel (cercle passant par les deux pôles terrestres). Dauzat et al parlent aussi de la méridienne, qui est la sieste de la mi-journée, définition que l’on retrouve dans le Petit Robert accompagnée de la mention “vieux ou littéraire”.
En navigation maritime, “prendre la méridienne” c’est mesurer à l’aide d’un sextant la hauteur maximale qu’atteint le soleil au-dessus de l’horizon, au moment où il culmine, autrement dit au moment où il se trouve au-dessus du méridien de l’observateur. (Cet instant est appelé le “midi vrai”.) Si on connaît la déclinaison du soleil au moment de l’observation, c’est-à dire l’angle que fait la direction du soleil avec le plan de l’équateur, alors la mesure de cet angle permet de déterminer la latitude du lieu où l’on se trouve. Tout ceci est expliqué dans ce livre du navigateur Bernard Moitessier (cliquer sur la page de droite et voir les schémas ci-dessous), navigateur qui fit quand même naufrage sur les brisants de Diego Garcia, le 4 septembre 1952, vers minuit, faute d’avoir pu faire le point correctement.
Si on se trouve au nord du tropique du Cancer, le soleil sera obligatoirement au sud de l’observateur à ce moment-là. L’observateur devra obligatoirement viser vers le sud pour effectuer sa mesure. Par contre, si à midi vrai on se trouve au sud du tropique du Capricorne, les choses s’inversent et le soleil se situera au nord de l’observateur. Dans ce cas la méridienne se prendra en faisant face au Nord.
A la lumière toute méridionale de ce qui précède, il ressort qu’en toute logique l’adjectif méridional devrait se rapporter à ce et ceux qui se trouvent au Nord lorsqu’on est dans l’hémisphère Sud. L’“Australie méridionale” pourrait être ce qui est connu en anglais sous le nom de “Northern Territory”. A Maurice, les Méridionaux — ceux qui ont un accent quand ils parlent de pétanque — seraient les habitants de Grand Baie, de Cap Malheureux et de Grand Gaube. Du moins à partir de demain, car aujourd’hui, à midi vrai, le soleil n’était ni au nord ni au sud de Port-Louis mais au zénith : selon l’Institut de Mécanique céleste et de calcul des éphémérides, à epsilon près sa hauteur était de 90° à 08:21 TU (12:21 en heure locale). En ce jour sacré le soleil est donc repassé au Nord, du côté du Midi.
I think, alas, that all this reasoning is merely another instance of the etymological fallacy, and that meridional simply means ‘southern’. The word is also used in English, though much more rarely, and in a variety of senses: ‘southern’; ‘associated with southern Europe or the South of France specifically’ (thus meridional accent, meridional temperament); also more literally ‘relating to noon’; and ‘aligned with a meridian’ (as in meridional wind, one that blows either north or south).
Okay, I’m not actually seriously advocating for the word meridional to mean “northern” for those living in the Southern Hemisphere — we must accept that the word and the language have been created by Northerners —, but maybe we should refrain from using it the “wrong” way in the wrong place. There are other words that can be used for that matter (austral or du Sud in French, south or southern in English). But funnily enough, the word austral is said to come from “latin auster, vent du midi”.
L’allusion aux pingouins dans le billet « Midi/midday » m’a fait penser à l’erreur très répandue entre les manchots et les pingouins* du septentrion. Certes, ce dernier mot a une étymologie littérale très curieuse reliée avec l’étoile polaire. Dans ce cas, je crois qu’il n’y a pas de doute avec cette référence géographique quoique nous puissions être au Sud (et sans pouvoir voir cette étoile « of course »).
* En espagnol il y a le mot « pingüino » mais il est aussi usité pour les manchots, alors que le nom correct pour ces derniers est « pájaros bobos » (litt. oiseaux idiots). Un ours polaire ne pourra jamais manger un « pingüino », sauf dans un zoo.
Autruches: il me semble que la traduction française de Darwin est inexacte: there are none others veut dire « il n’y en a pas d’autres », plutôt que « il n’y en a pas ». Mais Darwin avait certainement communiqué avec ce métis en espagnol (directement ou par l’intermédiaire d’un interprète), et il a pu y avoir un malentendu entre les deux hommes.
Jesús : Un ours polaire ne pourra jamais manger un « pingüino »
Ne serait-ce pas le contraire d’après la définition que vous avez donnée ci-dessus ? Les pingouins (oiseaux appartenant à l’ordre des Charadriiformes, qui comprend aussi les goélands et les macareux) ne se rencontrent que dans l’hémisphère Nord, et ils ont la faculté de voler. Le Grand pingouin (Pinguinus impennis, “Great auk” en anglais), éteint depuis le milieu du XIXe siècle, n’avait pour sa part pas la faculté de voler.
Les manchots (“penguins” en anglais, d’où une certaine confusion) appartiennent non seulement à une autre famille d’oiseaux, mais carrément à un autre ordre, celui des Sphenisciformes. Ils se retrouvent principalement dans l’hémisphère méridional (pour les Européens), à part le manchot des Galapagos qu’on peut rencontrer un peu au nord de l’équateur.
Je ne savais pas qu’on utilisait le tréma en espagnol. Comment se prononce le -ü ?
>Siganus K
Non, je parle de l’erreur, chez nous, d’appeler « pingüino » au manchot, au lieu de « pájaro bobo ». Même dans Wiki :
http://es.wikipedia.org/wiki/Spheniscidae
Quant à l’ « ü », le tréma c’est pour le prononcer. Pour le « g » avec des voyelles, le son est « normal » avec l’ « a », l’ « o » et l’ « u » (ga, go, gu) mais pour l’ « e » et l’ « i » à l’écrit il faut ajouter l’ « u » donc « gue » et « gui » (sons ge et gi). Pourtant, si on veut prononcer le « u » dans ces cas il manque le tréma. Sans le tréma, le spheniscidae serait /pin’GIno/ et pas /pin’GUIno/.
>Siganus K.
Pour être un peu plus précis, le son de notre « u » est toujours celui de votre « ou ».
Okay, je comprends donc que, comme en français, en espagnol il faut normalement un -u muet entre le -g et le -e ou le -i pour avoir le son dur [g], comme dans les mots guetter ou guirlande. Si on veut la prononciation “goué” ou “goui”, il faut donc écrire “güe” ou “güi”, c’est bien cela ?
>Siganus K.
Oui (prononcé parfois par nous comme « güí ». Ainsi, par exemple, nous disons « güisqui ».