Can(e)vasseur

Can(e)vasseur.
Nom masculin.

Can(e)vasser.
Verbe transitif.

Canvassing.
Nom masculin.

Un canvasseur est un agent, en général membre d’un parti politique (mais il peut aussi être un démarcheur commercial ou religieux) qui se déplace, en faisant du porte-à-porte ou en rencontrant des gens dans un lieu public, de façon à convaincre le plus de monde possible de faire une chose donnée (en général de voter pour un candidat ou de souscrire à une opinion, à un mouvement quelconque). On pourra alors entendre qu’“il a canevassé la moitié du numéro 20”, ce qui veut dire qu’il s’est employé à démarcher les électeurs de la moitié de la circonscription numéro 20 (Beau-Bassin/Petite-Rivière). Cette activité porte le nom de canvassing.

Le Parlement a été dissout cette semaine-ci et les élections générales auront lieu dans une trentaine de jours. Il y a fort à parier que les canevasseurs vont sortir du sol comme les champignons après la pluie. La saison du canvassing est ouverte, et elle sera courte.

Dans un entretien donné il y a quelques jours de cela, entretien qui a fait quelques vagues à cause de son manque de neutralité politique, le Président a utilisé cette expression : « J’étais avec l’IFB et en accord avec le Ptr pour l’indépendance. Le PMSD était le seul parti du pays qui était contre l’indépendance et il était très agressif sur le terrain. Il a fallu le Hindu Congress pour contrecarrer cette stratégie du PMSD. J’ai rejoint le HC et j’ai me suis servi de cette plate-forme pour faire du canvassing sur la nécessité de l’indépendance. » (Réduit, au calme, L’Express du 2 avril 2010.)

En créole cela peut donner ceci : « Bijaye Madhou, li meme pli grand canvasseur parti travaillist ki ena dans Triolet. » (Forum sur RadioMoris.com.)

Les expressions sont empruntées à l’anglais “canvasser”, “to canvass” et “canvassing”. On peut se demander dans ce cas pourquoi est-ce l’analogie du canevas qui a été choisie pour parler de cette activité. Etymonline.com dit ceci : « c.1500, from canvas and probably meaning, originally, “to toss in a canvas sheet,” hence “to shake out, examine carefully” (1530); “to solicit votes” (1550s); though “to sift through canvas” also has been proposed as the basic metaphor. » Tamiser à travers un canevas ne me semble pas vraiment refléter ce que fait le canevasseur, lequel me paraît plutôt ressembler à la navette visible ci-dessus (qui effectue d’incessants va-et-vient), s’efforçant de tisser pour ainsi dire un réseau de sympathisants le plus large possible.

13 réponses à “Can(e)vasseur

  1. marie-lucie

    Canvas et canevas ne veulent pas dire exactement la même chose: en anglais, le nom canvas (un emprunt au français) veut dire une toile assez grossière, par exemple pour faire des voiles de bateau, et aussi une toile d’artiste peintre. Je ne connais pas la dérivation sémantique qui est à l’origine du verbe to canvas qui a la définition que vous donnez.

    En français un canevas (mot qui a la même origine que chanvre) est bien une sorte de textile, mais beaucoup plus aéré, qui sert de base à une broderie (surtout pour les points de tapisserie) ou un tapis, dont les fils remplissent les trous du canevas. Par extension de sens c’est aussi l’ébauche ou le plan d’un texte littéraire sur lequel l’auteur peut ensuite « broder ».

    Le textile de votre photo est bien aéré mais je ne crois pas que soit un vrai canevas, dont la structure (l’agencement des fils) serait un peu plus complexe.

  2. Siganus K.

    Ah, Marie-Lucie, j’avais une discussion smsique aujourd’hui avec un ami pour savoir s’il fallait ou pas un -e au mot “mauricien” can(e)vasseur — d’où la parenthèse dans le titre. Si canvas(s) et canevas sont complètement dissociés, alors sans doute faudrait-il ne suivre que la graphie anglaise et écrire canvasseur. Au cas contraire, l’incertitude demeure.

    Quant à la photo, ce n’est qu’une image trouvée sur internet en cherchant l’illustration d’un métier à tisser avec sa navette. (Quelque part je comprends “canvassing” comme “criss-crossing”.)

    Cependant, j’aimerais bien savoir comment, en anglais, on est passé de canvas (la toile) au canvassing (le démarchage). Ce qui figure sur etymonline ne me paraît pas très convaincant.

  3. marie-lucie

    Loin de moi l’idée d’influencer l’orthographe mauricienne, mais si la prononciation est celle du mot français, les mots écrits « canvasser » et « canvasseur » prêtent à ambiguité quant à leur prononciation. Je n’ai pas dit que les deux mots de base n’ont rien à voir l’un avec l’autre, seulement qu’ils ne veulent pas dire exactement la même chose dans leur sens propre (aussi bien en anglais et français dans leur emploi standard). Mais il n’y a pas de raison de refuser d’admettre les nouveaux mots s’ils sont employés couramment. (Ne vivant pas en France, ni même dans la partie du Canada où le français est majoritaire, je ne sais pas si on les y emploie).

  4. Siganus K.

    Marie-Lucie : les mots écrits « canvasser » et « canvasseur » prêtent à ambiguité quant à leur prononciation

    Pas vraiment si l’on sait que l’un est un verbe (du 1er groupe donc) et l’autre un nom.

    Bon, les Français de France (allez, ne soyons pas chiche : ceux de Navarre aussi), comment est-ce qu’on dit “canvassing” en France ? Je suis sûr que vos hommes et vos femmes politiques savent faire ça eux aussi. Si non, on peut leur envoyer Rajesh Bhagwan pour leur montrer ! 😆

  5. Anglophones no longer feel any connection between canvas verb and noun, referring to the cloth , on the one hand, and canvass verb and noun, referring to (the act of) soliciting votes (but also of asking people questions) on the other. The same is true, but more so, of the words cannabis (borrowed direct from Latin, and underlying the French) and hemp (native, from the far side of the Germanic consonant shift).

  6. Siganus K.

    Fair enough, John, but how did anglophones come to use the verb to canvass (“to go through (a region) or go to (persons) to solicit votes or orders”) out of the noun canvas (“a heavy, coarse, closely woven fabric of cotton, hemp, or flax, used for tents and sails”)? I don’t see the link between the two.

  7. marie-lucie

    les mots écrits « canvasser » et « canvasseur » prêtent à ambiguité quant à leur prononciation

    Ce n’est pas à cause des terminaisons -er et -eur, qui se correspondent comme dans chanter et chanteur, manger et mangeur, et tant d’autres, mais à cause de la suite de lettres an que les francophones interpréteraient comme dans les mots cités ci-dessus (et non comme en anglais), tandis que ane serait parfaitement clair sur ce chapitre.

  8. Siganus K.

    Ah, oui, effectivement, le risque serait qu’en lisant un texte en français on prononce le verbe [kãvase] au lieu de [kanvase]. Hmm, l’usage du -e s’imposerait dans ce cas. Mais, comme on peut le constater plus haut, j’ai eu une certaine réticence à mentionner la graphie alternative can(e)vassing puisque ce mot-là avait un aspect par trop anglais, ce qui fait qu’on aurait a fortiori eu tendance à le prononcer alors “cane vassing”, cane étant prononcé comme dans “sugar cane”. Mais si l’on choisit une graphie pour le verbe et pour le nom en -eur, alors il faudra probablement garder la même pour le nom en -ing.

    Ciel, quel dilemme !

  9. On a question for which the OED itself abstains from pronouncing, I too abstain:

    The development of senses 1-5 is plain enough, starting from the literal notion of ‘toss in a sheet’, whence ‘shake up, toss to and fro (agitare), discuss, etc.; but that of the intransitive 6 [the current sense], which appears early, has not been explained. The two notions subsequently influenced each other, and produced connecting usages.

    Johnson says ‘from canvass as it signifies a sieve’: cf. CANVAS n. 2; but no clear example of the vb. in the literal sense ‘sift or winnow’ has occurred. Yet Cotgrave’s explanation of F. vanner ‘to vanne or winnow..also to course, chide, canvasse, bayt..rake up scoffingly the faults or imperfections of others’, affords an analogy for such a development; not so the case of berner ‘to vanne or winnow corne, also to canvasse or tosse in a sive (a punishment)’, which points to the development in 1-4 below. With Johnson’s derivation agrees his explanation ‘to try votes previously to the decisive act’, but this is not historically the original sense of 6, and is either a conjectural explanation, or at most a mixing up of the notions of soliciting and of discussing or investigating. The trans. sense in ‘to canvass the constituency’ is quite late.

  10. Siganus K.

    The anglais-français Harrap’s gives to canvass as “solliciter (des suffrages, des commandes)” and to canvass a district as “faire une tournée électorale dans une région”. (To canvass for customers: “prospecter un quartier ou une région en y cherchant la clientèle”.)

    That’s for the transitive verb. For the intransitive one they have “faire campagne, faire une tournée électorale”.

  11. Cependant, j’aimerais bien savoir comment, en anglais, on est passé de canvas (la toile) au canvassing (le démarchage).

    En cherchant l’étymologie du verbe français canevasser on peut lire ceci:
    «Étymol. et Hist. 1838 (Ac. Compl. 1842). Dér. du verbe angl.to canvass au sens de « solliciter » (dep. 1555), spéc. « solliciter des suffrages préalablement à une élection » (xviie s.), ce verbe signifiant proprement « berner dans une grosse toile » dep. 1508, d’où les emplois fig. « malmener, critiquer » (xvie s.) « négocier, traiter avec quelqu’un » (1688 ds NED), emplois fig. qui, à travers la notion d’agitation peuvent conduire au sens de « solliciter ». Le verbe est dér. du subst. canvas « grosse toile », empr. au fr. canevas*.»

    Berner dans une grosse toile : Molester quelqu’un en le faisant sauter sur une couverture (berne) que secouent plusieurs personnes .

    En français, pour désigner le fait de faire une campagne électorale de terrain, on emploie , outre les locutions déjà citées par Siganus, « faire du porte-à-porte », « quadriller le terrain », ou encore, plus particulièrement, « faire les marchés » (les éventuels électeurs étant tous censés faire leur marché et être particulièrement abordables à cette occasion…).
    Le verbe « canevasser » est d’un usage si rare que je ne me souviens pas l’avoir entendu une seule fois.

  12. Bon, je recommence le lien vers canevasser , en espérant ne pas me planter;

  13. Siganus K.

    John, what you said goes in the same direction as what Leveto said after you. You mentioned the French verb “berner” (‘to vanne or winnow corne, also to canvasse or tosse in a sive (a punishment)’), which has an old meaning that I had never suspected so far:

    Berner
    A.− Vx, rare. Molester quelqu’un en le faisant sauter sur une couverture (berne) que secouent plusieurs personnes (cf. berne² B) :
    1. Voiture a-t-il été réellement berné, c’est-à-dire lancé sur une couverture, ce qui serait à la rigueur possible (…) ou bien n’est-ce là de sa part qu’une folle invention et un badinage?
    Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 12, 1851-62, p. 196.
    2. … j’avais voulu apprendre le français au régiment, et j’avais acheté une grammaire sur ma paye. Mais les hommes se sont fichus de moi, et ils m’ont berné dans mes draps.
    A. France, Pierre Nozière, 1899, p. 100.

    This acceptation of berner (to put somebody on a stretched piece of cloth and make him jump up and down to ridicule him) corresponds to what is written in the Trésor de la langue française about the origin of the French verb canevasser mentioned by Leveto, a verb I had never heard of before either.

    But, still, I think this is a rather loose connection with the political canvassing.

    Doit-on comprendre, Leveto, que canevasser / se livrer au canvassing revient obligatoirement à berner* les gens ? Avec un sens aussi péjoratif, les canevasseurs auraient pris soin d’éviter l’utilisation de termes aussi négativement connotés.

    A moins de tomber sur quelqu’un qui, avec une bonne grâce déconcertante, accepte de se laisser berner.
     
     
    * berner quelqu’un = to fool somebody

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